Noel Acciari, des Bruins, venait de récupérer la rondelle près de la bande. Tyler Bozak, des Blues, a surgi dans son angle mort. Coup de genou derrière le mollet. Un geste dangereux. Acciari est tombé sur le dos. Heureusement, car si sa tête avait encaissé le choc, il aurait eu besoin de l’aide des ambulanciers pour quitter la glace.

Qu’ont fait les Bruins ?

Ils ont ralenti, en attendant que la punition soit signalée.

Qu’ont fait les arbitres ?

Rien.

Et les Blues ?

Ils ont repris la rondelle et marqué ce qui allait se révéler le but gagnant du match de jeudi soir.

Partout – sauf à St. Louis –, les amateurs de hockey ont eu la même réaction. Le but sera refusé. La ligue va infirmer la décision. Mais non. Le but a été confirmé. La foire a suivi. Au TD Garden, des partisans des Bruins ont lancé sur la patinoire ce qui traînait dans leurs poches. Sur les réseaux sociaux, les téléspectateurs ont insulté les arbitres avec des épithètes qui feraient saigner les oreilles d’une statue de cire.

Étais-je outré ? Oui.

Surpris ? Non.

Pas depuis que j’ai entendu l’ex-numéro deux de la LNH confirmer, le mois dernier, ce dont tout le monde se doute : il existe deux livres des règlements. Un pour la saison. Un autre pour les séries.

L’homme à l’origine de cette révélation connaît bien les rouages de la ligue. Brian Burke est l’ancien vice-président exécutif et directeur des opérations hockey de la LNH. Il a aussi dirigé les Whalers, les Canucks, les Ducks, les Maple Leafs et les Flames. Il s’est exprimé à l’antenne de Sportsnet, après un coup dangereux de Charlie McAvoy (Bruins) au visage de Josh Anderson (Blue Jackets).

Je le cite : « Au premier tour des séries, selon le système que j’utilisais et qui est toujours en place, un match [de suspension] en vaut deux ou trois en saison […] En finale, on utilise un ratio de six à huit matchs contre un. »

Ça a le mérite d’être clair.

Il a cité l’exemple de la suspension imposée à Claude Lemieux, lors de la demi-finale de 1996, pour un coup vicieux à la tête de Kris Draper. « Les gens disaient que ça valait 15 ou 20 matchs. C’est le cas. Il a été suspendu deux matchs pendant la finale. »

Et Burke d’ajouter, le plus sérieusement du monde : « J’espère que les fans vont comprendre. Et j’aimerais que le service de la sécurité des joueurs l’explique mieux : les matchs [des séries] comptent davantage que ceux de la saison régulière. »

Brian Burke n’a pas précisé si les arbitres avaient déjà reçu des consignes en ce sens.

***

L’argumentaire de Brian Burke est choquant. Tordu. Honteux.

Le service de la sécurité des joueurs – son nom l’indique – ne devrait avoir qu’une seule mission : protéger les athlètes. Peu importent les circonstances. Le statut de l’agresseur ? Son équipe ? Le moment de l’année ? Tout cela ne devrait pas influencer les décisions.

Or, avec le système évoqué par Brian Burke, le service faillit à sa tâche première. Il protège plutôt les joueurs fautifs, jugés trop importants en séries pour être tenus à l’écart du jeu.

À l’opposé, les blessés, eux, doivent s’absenter aussi longtemps qu’en saison. Un genou cassé ne guérit pas plus vite en mai qu’en février. Le printemps n’efface pas les conséquences d’une commotion en 24 heures. Les nausées, les étourdissements, les vomissements ne font pas la différence entre les séries et la saison.

La LNH doit mettre fin à cette double application des règles. Tant pour les punitions que pour les suspensions.

Comment ? Un premier geste à poser – radical – serait de donner une indépendance totale au service de la sécurité des joueurs. Pour l’isoler des influences du marketing.

Ensuite, une fusion entre ce service et celui de l’arbitrage doit être étudiée. Ça peut paraître contre nature, mais ça ne l’est pas. Les décisions de l’un ont un impact sur l’autre.

Prenons le match de jeudi soir. Après la jambette de Tyler Bozak, les partisans des Bruins ont lancé des objets sur la glace. Une atteinte évidente à la sécurité des joueurs, causée par une mauvaise décision d’arbitrage. 

Par la suite, comme c’est souvent le cas dans ces situations – du novice à la LNH –, des joueurs ont tenté de se faire justice. Notamment Brad Marchand, qui s’est penché pour frapper les genoux de l’attaquant le plus talentueux des Blues, Vladimir Tarasenko. Heureusement, le geste a été sans conséquence.

Il y a peu de sports où l’arbitrage diffère autant selon le moment. Au contraire.

– Aux Jeux d’Atlanta, en 1996, le champion olympique en titre du 100 m, Linford Christie, a été disqualifié pour un faux départ.

– Aux Internationaux de tennis des États-Unis, l’été dernier, un arbitre a imposé une pénalité à Serena Williams lors d’un moment critique de la finale.

– En finale de la Coupe du monde de soccer, en 2006, Zinédine Zidane a reçu un carton rouge à la 110minute pour avoir donné un coup de tête à un adversaire.

– Au baseball, en neuvième manche d’un septième match de la Série mondiale, l’arbitre derrière le marbre continue d’« appeler » des prises même si le frappeur ne s’élance pas.

La LNH doit agir. Maintenant. Car ignorer le problème ne fera qu’encourager les théories du complot.

DANS LE CALEPIN

La gardienne Ève Gascon pourrait devenir aujourd’hui la première hockeyeuse repêchée dans la LHJMQ depuis son idole, Charline Labonté, en 1999. 

Les Remparts et l’Armada – propriétés de Québecor – ne peuvent pas acquérir des joueurs ou des choix ayant déjà appartenu à l’autre équipe. La LHJMQ va étudier la possibilité de modifier cette règle. Or, l’anomalie, ici, ce n’est pas la clause. C’est que deux clubs aient le même propriétaire.

L’Impact occupe le deuxième rang dans l’Est. Un résultat inespéré – surtout lorsqu’on se rappelle l’absence prolongée de Nacho Piatti. Des fans s’attendent maintenant à ce que le club embauche une supervedette en juillet pour pallier la perte de Piatti. Est-ce réaliste ? J’en doute. J’ai encore en tête cette déclaration du président Kevin Gilmore, en janvier dernier : « La clé, ce n’est pas de faire du bruit en amenant quelqu’un qui a un nom. C’est de faire du bruit sur le terrain. »