Charles Philibert-Thiboutot a couru mardi dernier. Cinq kilomètres en une vingtaine de minutes. À peu près rien pour un athlète de sa trempe. Sauf que ce petit jogging était son premier après huit semaines d’inactivité.

Philibert-Thiboutot déjeunait à Vancouver lorsqu’il a répondu au téléphone le lendemain. Sa présence en Colombie-Britannique n’annonçait rien de bon. Dans un passé récent, c’est là que le spécialiste du 1500 m a soigné son dos fragile avec l’aide d’une physiothérapeute de confiance.

De fait, le demi-fondeur de Québec traverse un sale quart d’heure. Un de plus depuis sa percée internationale en 2015. Il croyait avoir touché le fond l’an dernier quand il a dû revoir toute sa biomécanique pour guérir son dos. Cette période creuse l’a conduit dans le bureau d’une psychologue.

Le demi-finaliste olympique de Rio a rebondi en décrochant un troisième titre national d’affilée. Sans réussir le chrono rapide souhaité durant l’été, il a bien conclu la saison face aux meilleurs du monde à la Coupe continentale de l’IAAF à Ostrava, en République tchèque. Auteur d’un beau retour en fin d’épreuve, il a terminé au quatrième rang, à un dixième de la jeune sensation norvégienne Jakob Ingebrigtsen (troisième) et à 80 centièmes du gagnant, le champion mondial kényan Elijah Manangoi.

À l’automne, peu de temps après avoir participé au demi-marathon de Toronto, Philibert-Thiboutot s’est foulé la cheville gauche à l’entraînement. Il a contracté une tendinite qui l’a empêché de courir du début novembre jusqu’à Noël.

En février, il avait donc le sentiment de revenir à la case départ lors d’un stage d’entraînement en altitude à Flagstaff, en Arizona. À sa grande surprise, il a retrouvé la forme en peu de temps.

Après avoir fait le plein de globules rouges, il devait s’attaquer au record du regretté Philippe Laheurte à la Course des Pichous, un 15 km sur route entre Jonquière et Chicoutimi qui a fêté son demi-siècle d’existence le 9 mars dernier. Or, à sa première sortie après son retour à Québec, il a ressenti une vive douleur au pied droit qui l’a forcé à se décommander. « Mon pied était complètement hors service », a-t-il résumé.

Trois examens et deux injonctions de cortisone ont été nécessaires pour déterminer la nature du mal et éradiquer la douleur. Il n’a pas subi de fracture, comme il le craignait à l’origine, mais un kyste au ganglion s’est formé sous l’articulation du talon.

Le voilà de nouveau à Vancouver avec le moral… dans les talons. Mardi, il courait donc pour la première fois depuis sa blessure subie huit semaines plus tôt.

« C’est presque la quatrième année consécutive que je recommence à zéro à cause d’une blessure juste avant la saison estivale. Tous les gains que j’ai faits, j’ai l’impression de les avoir perdus. Tout le monde sur le circuit a une longueur d’avance sur moi. » — Charles Philibert-Thiboutot

Cette période d’inactivité de deux mois est la plus longue de sa carrière. « Ce n’est pas comme si la course à pied était un sport facile ; il y a une raison pour laquelle les gens n’aiment pas courir : c’est dur ! Tu as beau aller aux Olympiques, quand tu recommences après huit semaines, tu te sens aussi patate que n’importe qui. »

L’athlète de 28 ans voit son séjour actuel à Vancouver « un peu comme une dernière chance ». Il travaille sur « la source du problème » avec la physiothérapeute Marilou Lamy, sans qui il aurait déjà mis un terme à sa carrière, affirme-t-il.

« J’ai un problème de genou qui, sans être majeur, crée une torsion dans ma jambe et une compression dans mon pied. C’est ça qu’on est en train de soigner ici. »

Même si les Mondiaux de Doha n’auront lieu qu’au début octobre, temps chaud oblige, les prochaines échéances approchent à grands pas. Les Championnats canadiens seront disputés à la fin juillet à Montréal, et les Jeux panaméricains suivront à Lima.

Sur la foi de sa progression encourageante durant l’hiver, l’ancienne vedette du Rouge et Or de l’Université Laval pense pouvoir retrouver une forme suffisante pour atteindre le standard des Mondiaux d’ici le mois d’août. Le défi sera d’accéder à des courses rapides d’ici là.

Au fond, Philibert-Thiboutot n’a qu’un souhait : rester en santé. « Ces quatre dernières années, je n’ai pu m’entraîner que sur des périodes de peut-être quatre, cinq mois au lieu de douze. J’ai été capable d’atteindre un niveau mondial intéressant, mais je suis comme toujours un peu à court. […] Je me dis toujours que si je pouvais avoir 12 mois de travail continu, je suis sûr que je serais capable d’être dans le top 20 ou le top 10. »

Le jogging de mardi, espère-t-il, n’était qu’une première étape vers cet objectif.