Le 17 novembre 2007, le caporal Nicolas Beauchamp circulait à bord d'un véhicule blindé sur une route du district de Panjwaji, dans le sud de l'Afghanistan. Derrière lui, dans un autre véhicule, prenait place sa conjointe Dolorès Crampton, tout comme lui membre de la 5e Ambulance de campagne des Forces armées canadiennes.

Quelques minutes plus tard, un engin explosif artisanal explosait sous le blindé du caporal Beauchamp.

Témoin de la tragédie, Dolorès Crampton accompagnait la dépouille de son amoureux à leur retour au pays.

Presque un an plus tard, la jeune femme de 27 ans est de retour sous le chaud soleil du désert, celui du Maroc cette fois. Mais elle a troqué le blindé pour un petit 4x4 et c'est sa belle-soeur Nancy Girard, 32 ans, qui l'accompagne. Les deux amies, qui ont baptisé leur équipe «Vent d'espoir», participent au Trophée Roses des Sables, comme l'avait souhaité Nicolas Beauchamp avant son départ.

 

«Nicolas avait exprimé le désir que l'on fasse le rallye ensemble, a expliqué Dolorès Crampton lorsque joint au téléphone. C'est d'ailleurs l'une des raisons principales pour laquelle on le fait. On s'est dit que ça serait bien de le faire pour lui rendre hommage. Il voulait vraiment qu'on le fasse, il aurait été fier de nous».

Évidemment, le fait de revenir dans un environnement qui lui rappelle étrangement l'Afghanistan pourrait s'avérer difficile. «Nicolas va être mon conjoint à vie, on s'est aimé jusqu'à la fin. Mais je ne vais jamais arrêter de parler de lui, il va toujours être une référence dans ma vie, a dit Mme Crampton, visiblement émue au bout du fil. Mais c'est sûr que plus la date approche - d'autant plus que je vais être dans le désert - plus je vais me rappeler l'Afghanistan. Ça risque d'être difficile, mais je me dis que c'était son désir. Je vais le prendre en m'amusant, en profitant de l'expérience au maximum.

«Pour moi, c'est aussi un défi personnel, a-t-elle enchaîné, le sourire de retour dans la voix. Je veux prouver que chacun est capable de réussir, de vivre, et de ne pas s'arrêter aux événements difficiles, de ne pas laisser tomber parce qu'il nous est arrivé une bad luck. Là bas, on va connaître des obstacles, mais on va passer au travers.»

Sereine, Dolorès Crampton affirme du même souffle que son aventure au Maroc n'a rien d'une catharsis. «Ce n'est pas ça qui va faire avancer mon deuil, a-t-elle assuré. Mon deuil, je l'ai vécu personnellement. J'ai vécu les moments les plus durs dans le temps des Fêtes et lors de l'anniversaire de Nicolas, le 11 janvier.»

Préparation en accéléré

Au départ, Dolorès et Nancy n'avaient pas songé faire le rallye cette année. Mais le retour hâtif de Dolorès a précipité les choses. Recherche de commanditaires, activités de financement, rencontres, achat d'équipement, réservation du véhicule, entraînement dans des buttes de sable, familiarisation avec la mécanique: voilà le programme qui se présentait aux deux filles quand elles ont choisi d'aller de l'avant.

Le plus dur a été de trouver des commanditaires. Mme Crampton a trouvé un partenaire naturel auprès des Forces armées canadiennes, mais il y avait encore un manque à gagner de plus de 10 000$ qu'elles ont dû débourser de leurs poches. Mais elles espèrent encore obtenir l'aide de commanditaires locaux, à qui elles promettent d'afficher leurs logos sur leurs véhicules personnels à leur retour au Québec et ce, pendant une année entière.

Mais on sent qu'il n'y a pas grand-chose qui va arrêter Dolorès Crampton. «J'aime l'aventure. Qu'on me propose n'importe quoi, j'embarque car je suis quelqu'un d'extrêmement active. J'aime le défi, le changement, nous a-t-elle dit. Je n'ai pas d'expérience dans ce genre de rallye, mais nous avons nos expériences et on aime rencontrer des gens.»

Bonne route Dolorès, vous êtes un bel exemple de vie.

 

Une compétition humanitaire

Chaque équipage participant au rallye Rose des Sables tient dans sa soute à bagage 50 kilos de denrées récoltées au cours de l'année. Le matériel sera remis sur place au Maroc à l'Association Enfants du désert, qui vient en aide aux jeunes du sud du Maroc et qui avait comme volonté première d'aider les enfants défavorisés en leur apportant vêtements et matériel scolaire. L'an dernier, l'association a récolté 55 tonnes de matériel. La philosophie du rallye est donc de permettre aux femmes de participer à une compétition internationale dotée d'une forte dimension humaine et humanitaire.

 

Une aventure de 2000 km

Quand vous lirez ces lignes, les équipages du Trophée Roses des Sables ont déjà franchi plusieurs centaines de kilomètres de sable. Le 19 octobre, ce sont quelque 2000 km que les participantes auront parcourus, avec pour seules aides boussoles, cartes et carnet de route. Demain, elles attaqueront le passage des dunes, la seule épreuve où la vitesse a une relative importance, toutes les autres récompensant uniquement la qualité de l'orientation dans le désert. La deuxième «spéciale» est constituée des deux dernières étapes du rallye, un marathon de 730 kilomètres en deux jours avec une nuit en totale autonomie sous le bivouac. En tout, 120 femmes, dont 64 Québécoises, ont reçu l'appel du désert. La plupart roulent en duo à bord de camionnettes tout-terrain, quelques-unes en solo à moto ou en VTT.