Dévoreur de croquettes de poulet, amateur de fête, pas toujours sérieux, Usain Bolt «l'extra-terrestre» a tué le sprint en réussissant un formidable exploit mercredi à Pékin avec le titre olympique et le record du monde sur 200 m (19.30), quatre jours après avoir réalisé le même exploit sur 100 m.

Sa planète est la Jamaïque et son terrain de jeu les pistes d'athlétisme.

Il ressemble à un humain mais paraît doté de pouvoirs surnaturels qui lui permettent d'écraser le sprint, comme en ce 20 août 2008, à la veille de ses 22 ans.

C'est à 15 ans et 332 jours que Usain Bolt a débarqué sur la terre. Ce jour-là, en 2002, son île chérie accueille la jeunesse athlétique avec les Championnats du monde juniors. Ce grand gaillard dégingandé, qui mesure aujourd'hui 196 cm pour 88 kg, survole sa course pour devenir le plus jeune champion du monde juniors de l'histoire sur 200 m. L'Histoire a écrit son premier chapitre.

Son destin aurait pourtant pu prendre tant d'autres chemins anonymes.

«Je fais toujours la fête, avouait-il mi-juin. Dès que j'ai le temps et que je vois que cela ne nuit pas à mon entraînement, je sors. Il faut voir ce que c'est (une fête en Jamaïque, ndlr). Nous adorons danser», répète-t-il à l'envi.

Le jour de son chef d'oeuvre sur 100 m, où il améliore son record du monde (9.69), Bolt révèle qu'il s'est gavé de croquettes de poulet. Diététique ou pas, Bolt n'en a que faire.

Blessures à répétition

Amateur de reggae dancehall, musique musclée et saccadée qui n'a pas grand-chose à voir avec les rythmes chaloupés de Bob Marley et Peter Tosh, Bolt «adore la musique» et connaît «plein d'artistes en Jamaïque.»

«J'ai commencé à acheter du matériel de DJ, dit-il. Mais je ne suis pas encore très bon.»

Dans un pays où tous les enfants font du sprint à l'école, le natif de Trelawny porte aussi son intérêt sur le basket -sa taille aidant- tandis que son frère s'orientait vers le cricket.

Très tôt, il se présente pourtant sur les pistes d'athlétisme. Et ses qualités athlétiques sont vite repérées.

Deux ans après son titre de champion de monde juniors, il confirme tout son potentiel en battant en 2004 le record du monde juniors aux Bermudes en 19 sec 93.

L'or olympique lui tend presque déjà les bras aux JO d'Athènes, mais une blessure à une cuisse l'empêche de défendre correctement ses chances.

Dans les semaines suivantes, il décide d'aller s'entraîner à Kingston avec l'entraîneur national Glen Mills, son «deuxième père».

L'homme, qui exerce ses fonctions depuis une trentaine d'années, découvre une facette du caractère bien trempé du jeune homme.

Au vu de ses qualités physiques exceptionnelles, il veut l'orienter vers le 400 m. Le jeune homme refuse, jugeant l'entraînement trop dur.

Orgueilleux

Il continue donc à se concentrer sur le demi-tour de piste, mais les blessures freinent sa progression. Encore en pleine croissance, le jeune homme est fragile et multiplie les pépins musculaires, comme en finale des Mondiaux 2005.

Mais Bolt est aussi un garçon orgueilleux, qui ne se laisse pas abattre par ces contretemps. «En Jamaïque, nous sommes très fiers, dit-il. Nous n'aimons pas perdre.»

Pour le motiver, Mills lui propose un marché. S'il bat le vieux record national du 200 m (19.86) établi par l'icône Don Quarrie, champion olympique du demi-tour de piste en 1976, il le laissera faire du 100 m en compétition.

Bolt remplit sa part du contrat, en portant son record personnel à 19 sec 75 en juin 2007 à Kingston. Mills tient sa parole en l'autorisant à s'aligner sur la ligne droite à Réthymnon, en Crète, le 18 juillet 2007 (10.03).

Quatre courses plus tard, il bat le record du monde à New York (9.72) le 31 mai. Bolt est alors pris dans un tourbillon médiatique. Mais il ne change pas.

«Ce n'est pas nouveau pour moi, dit-il. J'ai été champion du monde juniors à 15 ans. Pour moi, ce n'est pas différent.»

Malgré son statut de double favori sur les deux distances, l'entraîneur hésite longtemps à le laisser courir le doublé, craignant que l'enchaînement des quatre courses par épreuve ne nuise à l'objectif initial: le 200 m.

Il avait tort de s'inquiéter.