«Après avoir slicé mon driver dans la trappe, je me suis racheté en frappant mon wedge sur le green, collé sur la pin.»

On imagine Gérald Pelletier sourciller en entendant ou en lisant ce genre de phrase.

En 1998, le porte-parole de l'Office québécois de la langue française (OQLF) élaborait avec quelques collègues un premier lexique francophone du golf. Une version plus étoffée a été lancée en 2003, avec environ 80 termes traduits. Des exemplaires ont été envoyés dans la plupart des terrains et écoles de golf de la province.

«L'idée est simple, raconte-t-il. Je dis aux gens: «Si vous voulez vivre en français, alors vivez aussi en français quand vous jouez au golf.»«

Depuis 1998, l'OQLF a mené trois campagnes pour franciser le golf. C'est plus qu'avec tout autre sport.

«Deux raisons expliquent notre démarche, indique Gérald Pelletier. D'abord, nous ressentions une urgence, car aucun sport ne comporte autant d'anglicismes que le golf. Et nous remarquions une grande résistance des golfeurs à utiliser des termes français. Il fallait donc insister.»

Le constat, cinq ans plus tard? Une réussite, répond-il prudemment. Selon lui, les mots «divot», «trappe» et «proshop» sont lentement remplacés par «motte», «fosse» et «boutique» ou «atelier» du professionnel.

Parmi les termes les plus adoptés : «bois 1» et «normale». Parmi les moins adoptés : «oiselet» et «cocheur», d'ailleurs soulignés en rouge par notre correcteur word.

Long travail

N'empêche, ces termes sont loin d'être utilisés par tous les golfeurs québécois. Plusieurs méconnaissent - ou du moins refusent d'utiliser - la traduction française de «birdie», «clubhouse», «draw» «putter» et «shank».

«Il faut parfois attendre une génération ou deux pour que ces changements s'opèrent, explique Gérald Paquette. Le hockey offre un bon exemple. Cela n'a pas été immédiat, mais les Québécois disent aujourd'hui rondelle au lieu de puck.»

Un autre constat l'encourage : l'important est que des gens influents comme les enseignants, les commerçants et les médias donnent l'exemple. Et de ce côté, c'est une réussite, estime-t-il.

«Quand Michel Lacroix ou Carlo Blanchard disent cocheur, cela influence les téléspectateurs. Même chose avec les vendeurs des grands magasins et les enseignants, à qui nous avons envoyé plusieurs exemplaires du lexique.»

Les jeunes adoptent ces termes plus rapidement que leurs aînés, observe-t-il. «De plus en plus, le golf est enseigné dans les écoles privées et publiques. À leur premier contact avec ce sport, les jeunes entendent les mots français.»

N'empêche, la majorité des joueurs et enseignants vedettes proviennent de pays anglophones. Les mordus du golf restent très influencés par ces meneurs, et hésitent donc à parler de crochet de gauche à droite quand David Leadbetter parle de «fade». Une expression d'ailleurs beaucoup plus simple.

Selon Gérald Pelletier, le Québec souffre toutefois moins de ce problème que la France.

«Le golf reste un sport plutôt élitiste en France. Et chez ces élites, maîtriser l'anglais est valorisé.»

Il se permet un calembour en conclusion.

«Comme je le dis souvent, jouer au golf n'est pas facile. Mais jouer au golf en français l'est beaucoup plus.»

Pour consulter le lexique : http ://www.olf.gouv.qc.ca/ressources/bibliotheque/dictionnaires/golf_terminologie.html