La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : François*, 70 ans

François est retraité, la soixante-dizaine bien entamée, et il n’a jamais été aussi épanoui et sexuellement « créatif » de sa vie.

« Je dirais ça, oui », dit-il en souriant, au bout de plus de deux heures de confidences et autant de réflexions, confortablement installé dans son chaleureux salon. « Jamais été aussi actif, de façon aussi ouverte et imaginative ! », précise-t-il.

Il nous a écrit plus tôt cette année parce qu’il avait envie de « partager quelque chose d’inspirant », justement, débute-t-il de cet air qu’ont les gens qui prennent un réel plaisir à se confier. Il le sait : son histoire détonne. Ses amis de son âge sont loin d’avoir un quotidien aussi coquin.

De son côté, même s’il a été actif toute sa vie, ce n’est que dans les dernières années qu’il a enfin trouvé quelqu’un de joyeusement réceptif, avec qui explorer dans le jeu et la joie. Ceci explique cela ? Assurément.

J’aurais toujours été comme ça, mais ça prend un vis-à-vis !

François

Vis-à-vis qu’il aura mis du temps à trouver, on l’aura compris.

Tenez : après quelques amourettes (dont un flirt avec la mère d’un de ses amis à l’adolescence !), il se fait une première blonde à 20 ans. « Elle m’a offert mon dépucelage pour ma fête », se souvient-il en riant. Leur histoire dure 10 ans, même si, sexuellement, il ne se passe ici « rien de remarquable ». Fin vingtaine, ils se séparent, et notre homme se retrouve alors célibataire, et par-dessus tout : « Tellement gêné ! » Imaginez : « Je ne suis pas un sorteux et cela fait des années que je n’ai pas fait de rencontres ! »

Il qualifie la décennie qui suit de période de « réapprentissage ». Nous sommes en 1970, et François a 30 ans. Pensez : amour libre et explorations diverses, et en quantité, et vous aurez une bonne idée du portrait. Il fréquente notamment quelque temps une collègue qui couche quant à elle avec d’autres hommes, illustre-t-il. Si c’était entendu ? « C’était comme ça ! », répond-il tout bonnement. De son côté, il se souvient s’être retrouvé dans le lit d’un ami. « De façon naturelle ! », ajoute-t-il tout aussi naturellement. Et puis ? « On s’est touchés un peu... » Mais attention : « Jamais je n’embrasserais un gars. Je sépare vraiment l’affectif et le sexuel ! », précise François. À travers tout cela, il a aussi une maîtresse, ici ou là, pendant 15 ans. « C’était plaisant ! »

Précisons ici que notre interlocuteur se souvient du prénom de toutes ses flammes. Et il en a eu au fil des années des dizaines. « J’ai toujours été très reconnaissant de chaque personne qui a couché avec moi. Ç’a été des moments de communication. » Certes, il a par ailleurs connu un grand « désert affectif », comme il dit, mais toutes ces rencontres, même brèves, ont été pour lui de véritables « bouées d’oxygène ». Loin de lui l’idée de voir une histoire d’un soir comme quelque chose de « méprisable ». « Ça a son importance. Ce n’est pas du papillonnage », intellectualise-t-il.

Cela peut avoir l’air superficiel, mais ce n’était pas du tout ça, l’esprit.

François

Quel était l’« esprit », alors ? En gros, il essayait, assure-t-il, en réfléchissant tout haut. Il essayait de s’engager, puis, faute de points communs, ses histoires avortaient. « Tu pars avec une bonne intention, puis... ça arrête. »

Il passera tout de même plus de 15 ans avec une femme sans « intérêt » pour le sexe (avec qui il est encore en très bons termes, faut-il le signaler). Pourquoi reste-t-il si longtemps, alors que lui a de toute évidence un réel intérêt pour la chose ? « Parce que quand tu vis avec quelqu’un, tu ne veux pas lui faire de coup dur... »

Et puis voilà que quelque part autour de 60 ans, et de nouveau célibataire, notre homme fait la rencontre d’une énième femme. Nous y voici enfin. Comment se rencontrent-ils ? Dans une activité de plein air organisée. Mais ce n’est pas du tout le coup de foudre qu’on pourrait s’imaginer. Tout le contraire : madame est très réservée, a eu peu d’expériences, plutôt pudique, elle manque aussi de confiance en elle. Ils doivent carrément s’« apprivoiser ». Leur première fois, illustre-t-il, elle garde aussi son soutien-gorge au lit. « Moi, j’arrivais avec toutes mes expériences. Je parlais de certaines affaires un peu pour la choquer. J’envoyais des vidéos provocantes... », raconte-t-il en riant. Or au lieu de s’en formaliser, sa partenaire se montre plutôt réceptive. « Elle aurait pu se bloquer et se dire : c’est qui, ce cochon ? » Mais non, se félicite-t-il : « Elle a apprivoisé les idées ! », et ce faisant, « découvert la femme sexuelle en elle ». Résultat : « Ça nous a donné un mode de communication très intéressant ! »

Ils échangent en effet beaucoup sur le sujet et cela a le don de pimenter leur imagination. Ça « met du piquant », quoi, se félicite de plus belle François.

À noter que dans l’acte, ils réalisent qu’ils ne sont pas nécessairement faits pour s’entendre. « On se retrouve avec deux personnes qui, historiquement, ont trouvé du plaisir à en donner à l’autre, explique-t-il. Comme si on n’avait pas été formatés pour en recevoir. Tout à coup, tu es devant quelqu’un de sensuel, qui veut te toucher, il faut que tu apprennes à recevoir ! »

Les deux, on doit apprendre à se mettre en réceptivité, à notre âge !

François

Mais de nouveau, ça ne les a pas arrêtés. Tout le contraire. François, qui ne manque pas d’imagination, a carrément acheté des menottes (entre autres jouets pour pimenter leurs ébats) : « Tu n’as plus le choix, tu ne peux plus être actif ! »

Ce n’est pas tout, ils se sont aussi amusés à se filmer en action (« et c’est bien meilleur que ce que tu vois dans les films pornos ! »), et osent parfois s’exhiber la nuit devant une vitre (« ça met du piquant : peut-être on va nous voir ! »). Pas tous les soirs, bien sûr, mais de temps en temps, « sporadiquement ». Madame a même « travaillé fort » pour devenir fontaine, et ils ont aussi fait un « trip à trois » avec un ami. « Elle est ouverte ! s’émerveille-t-il. Elle aurait pu se bloquer, mais elle a développé son imaginaire. [...] Je n’avais jamais vécu tout ça avant ! », rayonne-t-il.

Conclusion : « Même à un âge vénérable, on peut développer une vie sexuelle très agréable et très satisfaisante », avance notre divertissant interlocuteur. Le secret ? « L’ouverture d’esprit qui permet d’explorer sans condamner... »

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat

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