Khoa Lê et Kim Levan sont amis d’enfance. Tous deux d’origine vietnamienne, ils ont grandi dans des familles où la sexualité et même l’affection étaient quasi taboues. Aujourd’hui, les trentenaires aident les autres à s’épanouir « au lit » par l’entremise de leur nouvelle entreprise Afterglo.
Avec la New-Yorkaise (d’origine canadienne) Louise Schultz, le tandem montréalais s’est lancé dans cette improbable aventure à corps réellement perdu. Ou à corps retrouvé, plutôt. Car c’est justement la mission de la « boutique érotique » virtuelle nouveau genre : donner envie aux gens de s’explorer, de se découvrir, en solo, en couple, en trio. La géométrie importe peu. C’est l’intention qui compte : oser parler davantage de sexualité, comme le font si bien ces temps-ci des séries comme Sex Education et Sans rendez-vous.
Quelques mois avant la pandémie, Kim et Louise, qui se connaissaient du milieu de la lingerie dans lequel elles travaillent depuis longtemps, ont commencé à réfléchir à un projet d’entreprise. « On se disait depuis longtemps qu’on se lancerait en affaires ensemble, un jour, raconte Kim. Puis la pandémie est arrivée et on a eu beaucoup de temps pour réfléchir ! Comme nous venions toutes les deux d’un milieu où il y a déjà beaucoup d’intimité entre la vendeuse et la cliente, l’idée est née d’aider les gens à se sentir encore mieux dans leur corps. On s’est dit : pourquoi pas des objets sexuels ? »
Arrive Khoa, que Kim sollicite comme partenaire potentiel dans l’aventure. Il se laisse tenter. « Pendant la pandémie, on a tous dû réfléchir un peu à la solitude ou au couple, au tactile et à son absence, aux rencontres, etc. », rappelle celui qui gagne sa vie comme réalisateur et qui est copropriétaire du restaurant Denise.
Aussi la plateforme Afterglo est-elle pensée comme un outil de bien-être et non comme une boutique érotique en ligne désincarnée. Les interactions avec la clientèle le démontrent, d’ailleurs. Ceux et celles qui envoient des messages privés sur le compte Instagram de l’entreprise ont souvent des interrogations qui dépassent les simples demandes de renseignement sur tel ou tel objet. « Comme on est en ligne, c’est moins gênant peut-être », suggère Khoa. Il arrive même parfois que Kim, Khoa ou Louise dirigent ces personnes vers des professionnels mieux outillés qu’eux pour répondre à certaines questions.
« Comprendre les besoins et les réalités »
Les clients et clientes ont parfois des demandes très pointues, aussi. Kim pense à la cliente qui voulait un godemichet à double extrémité pour elle et sa copine, mais souhaitait que celui-ci n’ait pas l’apparence exacte d’un pénis. « Il a fallu faire beaucoup de recherches. Ça n’a pas été facile à trouver, mais on a trouvé. »
« Pour chaque objet qu’on choisit, on se questionne sur la discussion qu’on peut avoir autour de la chose, révèle Khoa. Chaque objet a une utilisation bien précise et on essaie de ne pas avoir les trucs en double. Il y a vraiment beaucoup de produits sur le marché. Pour nous, toute la question de l’inclusion est super importante. On ne parle d’ailleurs pas d’hommes ou de femmes, mais de personnes à vulve et de personnes à pénis. On n’est pas une boutique spécialisée, mais on échange avec toutes sortes de gens pour mieux comprendre les besoins et les réalités de chaque communauté, voire de chaque individu. »
Mais avant tout, les « jouets » retenus doivent être faits de matériaux sûrs.
Il n’y a pas beaucoup de réglementation dans ce domaine parce que les sex toys appartiennent à la catégorie des curiosités et que la sexualité est encore un peu taboue, malgré tout. Il faut faire attention à tout ce qui est en caoutchouc. On met ça dans son corps après tout.
Kim Levan
L’éthique de production est également importante pour Afterglo. « Ce n’est pas vrai qu’on va vendre des produits faits par des personnes exploitées ! », lance Khoa. Puis reste le critère esthétique. « On aime les beaux objets », confirme le réalisateur. Il y a même de jolis et discrets vibrateurs japonais qui pourraient facilement se placer en déco dans un salon ! « Ce n’est pas intimidant comme un dildo de 12 pouces », rigole Khoa.
Bref, une porte d’entrée pour des discussions franches et décomplexées sur la sexualité, voilà ce que vise à être Afterglo, avec du contenu en ligne et dans les réseaux sociaux, d’éventuels évènements et peut-être même une boutique, un jour.
« Ce projet est une quête personnelle pour nous aussi, admet Kim. Je me pensais vraiment à l’aise dans mon corps, mais la recherche m’a permis d’explorer plus loin. Louise, elle, vient d’arriver dans la cinquantaine. Son corps change beaucoup, sa fille est rendue au collège, elle a plus de temps pour prendre soin d’elle et redécouvrir sa sexualité. Afterglo nous fait tous du bien », conclut la cofondatrice.
Consultez le site d’Afterglo Consultez le compte Instagram d’Afterglo