À l’Halloween, les friandises sont plus disponibles que jamais et font le bonheur des enfants (et des plus grands !). Mais il est parfois difficile d’y résister. Pourquoi ? Décryptage du pouvoir d’attraction du sucre.

Essentiel

Les sucres et le sirop de glucose dans les bonbons d’Halloween sont loin de ceux qu’on retrouve dans une pomme ou dans du lait maternel. Mais à la base, le sucre est « partout dans la nature » et il est essentiel, souligne Stéphanie Fulton, professeure titulaire du département de nutrition de l’Université de Montréal. « En termes d’évolution, notre cerveau a été construit pour chercher la nourriture et assurer notre survie », rappelle-t-elle. Le cerveau, notamment, carbure au glucose. « C’est un besoin pour le corps et plusieurs aspects de notre biologie sont là pour satisfaire ce besoin », dit-elle.

Dopamine

À peine déposé dans la bouche, le sucre cible des récepteurs situés sur la langue et dans le haut de la bouche. Ce signal entraîne la libération de dopamine dans le cerveau. « Sans la dopamine, on ne serait pas motivé d’aller chercher le sucre », résume la professeure Stéphanie Fulton. La libération de dopamine se poursuit pendant la digestion, puisqu’on trouve les mêmes récepteurs et les mêmes transporteurs dans l’appareil digestif. « Le comportement est encore renforcé par les associations qu’on fait avec le sucre : les couleurs des emballages des produits, les gens avec qui on est, le moment de la journée, les fériés… »

Marché inondé

Lorsqu’on lui demande pourquoi on cherche à ce point à consommer du sucre, le professeur Michel Lucas, du département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval, propose un autre angle d’analyse. « Je pense que c’est plutôt les produits sucrés qui viennent nous chercher », lance-t-il. À ses yeux, l’Halloween est perpétuée par les grosses entreprises alimentaires de ce monde, qui inondent le marché de produits sucrés, boissons caloriques et céréales raffinées. « Elles rendent les choses disponibles et exploitent une vulnérabilité biologique », résume le professeur, pour qui le libre choix n’en est pas vraiment un, ici. « Les gens qui peuvent se permettre de réfuter la proposition industrielle sont souvent des gens bien nantis et éduqués », dit-il.

Habitude

Dans le domaine alimentaire, il existe un concept nommé « point d’extase ». C’est la quantité optimale de sel, de sucre et de gras, dans un produit alimentaire, pour en maximiser le goût. Les consommateurs ont intégré ces produits industriels dans leur alimentation et lorsqu’une habitude se crée, ils n’ont pas tendance à en changer, estime Michel Lucas. « Des chercheurs britanniques ont suivi des consommateurs pendant cinq ans, et ils se sont aperçus qu’un consommateur habitué à un produit qui le satisfait n’a pas envie d’aller explorer ailleurs », souligne-t-il.

Consultez l’étude britannique (en anglais)

Addictif ?

Le sucre est-il addictif ? La question fait débat en neurosciences depuis la publication d’études montrant que des rongeurs exposés à de la cocaïne et à du sucre avaient tendance à choisir d’abord le sucre. « La plupart des scientifiques ne vont pas le considérer comme une substance addictive, parce que nous en avons besoin », souligne la professeure Stéphanie Fulton. N’empêche, dit-elle, le sucre affecte des systèmes et des circuits semblables à ceux affectés par l’alcool ou les drogues, « mais pas de la même ampleur ». Des gens qui arrêtent de manger du sucre ajouté peuvent se sentir stressés et même frissonner un peu, mais l’effet est surtout psychologique, selon Stéphanie Fulton.

Stress et douleur

Plusieurs études ont montré que le stress augmente la consommation d’aliments riches en sucre et en gras ; il est donc possible que ces aliments atténuent la réponse de stress. Le sucre peut même avoir un effet analgésique. En 2016, une revue Cochrane a conclu que le saccharose (le sucre de table) réduit la douleur chez les nouveau-nés qui subissent des ponctions ou des injections. « On ne connaît pas encore très bien les mécanismes, mais on pense qu’on synthétise de l’endorphine à la suite de la consommation ; les enfants atteignent donc un effet d’extase », résume le professeur Michel Lucas.

L’impact des gènes

On n’est pas tous égaux devant le pouvoir d’attraction du sucre ; on sait aujourd’hui que la génétique a un rôle à jouer. « Une petite partie de la population va avoir juste un gène qui va augmenter l’appétit, mais en général, pour la plupart des gens, ce sont plusieurs gènes qui les rendent plus susceptibles de surconsommer du sucre, explique Stéphanie Fulton. Selon les données récentes, ces gènes sont associés à l’impulsivité et au manque de capacité de se contrôler. »

Même sans appétit

Même après avoir mangé un repas complet et rassasiant, l’envie de piger dans le sac d’Halloween de fiston peut nous prendre. « On a tous vécu l’expérience de se sentir bien pleins après un repas, mais cinq minutes plus tard, d’ouvrir quand même la carte des desserts ou la porte du réfrigérateur pour trouver la crème glacée », souligne Stéphanie Fulton. Cela s’observe également chez les souris en laboratoire ; elles surconsomment de l’eau sucrée même après avoir mangé à leur faim. « On a des systèmes de satiété pour différents goûts », résume Stéphanie Fulton.