Être parent d’un enfant en bas âge comporte son lot de défis. Et il arrive qu’on ne sache plus vers qui se tourner pour trouver des réponses à ces petits soucis du quotidien. Une fois par mois, La Presse explore une question qui touche le bien-être des enfants d’âge préscolaire à l’aide d’un spécialiste. Aujourd’hui : une nutritionniste en pédiatrie répond à nos questions sur l’alimentation des tout-petits.

Combien de parents s’en font parce que leur enfant ne mange pas son repas, à la garderie ou à la maison ?

« L’inquiétude des parents n’est pas à banaliser parce que derrière chaque refus d’un enfant, il y a une explication », avance Cosette Gergès, nutritionniste en pédiatrie et autrice du livre L’alimentation des enfants dans une approche bienveillante et positive (pour les 18 mois à 5 ans).

Est-ce que c’est trop nouveau ? Est-ce que ça sent trop fort ? L’enfant n’a peut-être pas assez faim au dîner si la collation a été copieuse ; ou bien il n’est pas habitué à autant de saveurs et de textures mélangées, énumère-t-elle. Peut-être qu’il apprécie un aliment d’une certaine manière et non d’une autre – comme du brocoli cru plutôt que cuit ? « Ce n’est pas la même texture en bouche ; pour lui, c’est un aliment différent et nouveau », précise la nutritionniste. Et l’enfant a besoin d’être exposé un grand nombre de fois à de nouveaux aliments avant d’y goûter. « La littérature dit de 15 à 20 fois, mais il y a des enfants pour qui c’est beaucoup plus long. »

« Il ne faut pas oublier aussi que les enfants sont encore dans l’apprentissage de la mastication, qui devient mature aux alentours de 4 ans et même plus tard », ajoute-t-elle, ce qui explique pourquoi la viande revient souvent dans les aliments que les enfants refusent de manger.

Il y a tellement de facteurs qui vont influencer l’appétit de l’enfant, donc c’est important de ne pas se concentrer sur un seul repas. On passe à l’autre et on essaie de comprendre le pourquoi pour trouver des trucs et des stratégies.

Cosette Gergès, nutritionniste en pédiatrie 

Des pistes de solution

Sans nécessairement transformer les repas en fonction des goûts de l’enfant ou lui préparer un repas particulier, Cosette Gergès souligne l’importance d’évaluer « où il est rendu dans sa découverte » lors du choix du menu. « Pour que l’expérience générale de manger soit positive », dit-elle.

PHOTO D. BOUDREAU MÉDIAS INC., FOURNIE PAR COSETTE GERGÈS

Cosette Gergès, nutritionniste en pédiatrie

« Je vous donne un exemple : vous avez prévu du saumon, du brocoli, du quinoa, et vous savez que votre enfant n’aime pas ces trois aliments-là. Est-ce qu’on le met dans une position de réussite pour la découverte ? Un enfant n’est pas assez mature pour dire ‟non, merci” ; il va pleurer, lancer, cracher ou faire une crise de bacon. Et si c’est désagréable toutes les fois, l’enfant va trouver le moyen de s’éloigner, d’éviter le repas via des comportements qui sont parfois perçus comme dérangeants. »

Parmi les stratégies à essayer, on peut séparer les aliments dans l’assiette et s’assurer de toujours proposer un ou deux aliments que l’enfant aime, à côté de ceux qui sont moins familiers ou impopulaires ; c’est ce qu’elle appelle des « aliments copains », sécurisants, comme une trempette ou bien des cubes de fromage parmi des légumes mal aimés sur une brochette. Et surtout, on évite de lui mettre de la pression pour manger ou de le forcer à goûter, tout en lui offrant une porte de sortie s’il le fait – comme lui permettre de cracher l’aliment sans se faire chicaner.

Le parent est responsable des repas, donc c’est lui qui décide ce qui va aller sur la table ; l’enfant, lui, va déterminer s’il en mange et combien il en mange.

Cosette Gergès, nutritionniste en pédiatrie

L’important, à son avis, est de faire confiance à l’enfant sur ce qu’il choisit de manger et de lui proposer six occasions de manger par jour – tout en multipliant les expositions aux aliments « épeurants » pour qu’ils le deviennent de moins en moins à la longue. « Comme on dit : loin des yeux, loin de la bouche… Et si l’appétit est plus au rendez-vous le matin et au souper, c’est correct. »

« Il faut éviter de se concentrer seulement sur le repas qui est le plus escamoté, insiste-t-elle, et regarder l’ensemble de sa journée, de sa semaine, de son mois, parce que l’alimentation de l’enfant s’évalue à long terme et non un repas à la fois. » D’autant plus qu’à partir de l’âge de 1 an, sa croissance ralentit par rapport aux 6 à 10 premiers mois de sa vie (ce qui peut occasionner une baisse d’appétit), alors qu’il apprend en même temps à être plus sélectif dans ses goûts.

Et n’oubliez pas : « On n’est pas des meilleurs parents parce que notre enfant aime le tofu », souligne-t-elle.

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