Combien de pas avez-vous faits aujourd’hui ? Combien de calories avez-vous consommées au déjeuner ? Si vous êtes en mesure de répondre à ces questions, c’est sûrement grâce à une ou plusieurs applications mobiles. Les montres et les téléphones intelligents sont-ils de bons outils pour adopter de saines habitudes de vie ? Ils peuvent y contribuer, mais à certaines conditions, réagissent les experts rencontrés par La Presse. Voici leurs conseils d’utilisation.

Choisir une application qui vous motivera

Les applications réussissent-elles à faire bouger davantage leurs utilisateurs ? « La littérature dit que les résultats sont plutôt contradictoires. Ça semble marcher dans certains cas, alors que dans d’autres, ça ne marche pas », répond Félix Berrigan, professeur à la faculté des sciences de l’activité physique de l’Université de Sherbrooke.

Qu’est-ce qui explique ce constat ? Les différentes techniques de changement de comportement mises de l’avant par les applications seraient, en partie, responsables de ces écarts. « La rétroaction semble être une des techniques de changement de comportement les plus efficaces dans les applications », indique le professeur. Le fait de connaître le nombre de pas effectués ou de kilomètres parcourus motive l’utilisateur. Les applications qui permettent de se fixer des objectifs ou d’interagir avec ses semblables auraient aussi un effet positif sur la pratique d’activités physiques, note Félix Berrigan.

Ce que de plus en plus d’études tendent à démontrer, c’est que les applications qui intègrent plusieurs techniques de changement de comportement sont celles pour lesquelles on voit le plus de succès.

Félix Berrigan, professeur à la faculté des sciences de l’activité physique de l’Université de Sherbrooke

L’application doit également être facile d’utilisation pour l’utilisateur, autrement il cessera de s’y référer, ajoute Félix Berrigan.

Une récente étude menée par son équipe révèle que 40 % des adolescents utilisent des applications pour la pratique d’activités physiques. Ces derniers « sont plus actifs que ceux qui n’en utilisent pas ». « Ça tend à nous montrer que les applications peuvent être une aide pour l’atteinte des recommandations [en matière d’activité physique] », indique le professeur.

Rester à l’écoute de son corps

L’activité physique n’est pas le seul créneau santé pris d’assaut par les applications. Sur le plan de l’alimentation, une panoplie d’options sont offertes : des lecteurs de code-barre qui classent les aliments selon leurs valeurs nutritives, des journaux alimentaires et bien plus encore. « Je pense qu’il faut vraiment éviter de toutes les mettre dans le même panier », indique la nutritionniste Stéphanie Côté.

En incitant l’utilisateur à observer ses habitudes, ce qu’il mange, en quelles quantités, à quel moment et pourquoi, « certaines applications peuvent apporter une prise de conscience, ce qui est le premier pas vers de possibles changements pour sa santé », poursuit-elle.

Toutefois, la nutritionniste se méfie des applications qui sont « un peu trop mathématiques et pas assez humaines et intuitives ». « Si je scanne de la confiture, c’est sûr que ça va indiquer que c’est trop sucré. Mais si j’en mets une cuillère à thé sur ma toast au beurre d’arachides faite de pain brun le matin, il est où, le mal ? » Elle ajoute : « J’ai peur que ces applications entretiennent le principe de régime, de se surveiller, de ne pas s’écouter, mais plutôt de se fier à des consignes extérieures. »

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L’application doit être facile d’utilisation pour l’utilisateur, autrement il cessera de s’y référer, ajoute Félix Berrigan.

Oublier d’écouter son corps est aussi un risque observable avec les applications d’activités physiques. Celles qui incitent les utilisateurs à compétitionner les uns contre les autres peuvent pousser les gens à se surentraîner, indique Félix Berrigan. « On risque alors de se déconnecter de nos signaux corporels qui font en sorte qu’on ne se blesse pas et qu’on n’accumule pas de fatigue inutile. »

Être capable de décrocher

Nutritionniste du sport, Evelyne Deblock n’encourage pas l’utilisation à long terme d’applications pour faire le suivi de son alimentation. « Le fait de noter ce qu’on mange systématiquement, d’analyser, ça peut devenir obsessif. Si je veux absolument atteindre le nombre de calories fixé, je vais peut-être aller chercher des aliments qui ne sont pas nutritifs, mais qui vont me permettre d’avoir moins de calories. On tombe graduellement dans le pattern d’un trouble alimentaire. »

Certaines applications sont très exigeantes, note également Félix Berrigan. « Une fois qu’on a atteint l’objectif, l’application nous propose toujours un objectif plus haut. À un moment donné, atteindre cet objectif, ça devient très difficile. »

Rencontrer un professionnel

Les trois experts rencontrés par La Presse sont d’accord : consulter un professionnel avant d’utiliser des applications santé permet d’en tirer plus de bénéfices. « Les conseils d’un kinésiologue, par exemple, peuvent nous amener à bien interpréter les rétroactions que nous donnent les applications », affirme Félix Berrigan.

« La meilleure façon d’utiliser ce type d’application, c’est avec un professionnel de la santé, croit Stéphanie Côté. Une nutritionniste, qui est la spécialiste de l’alimentation, va aider à remettre les choses en contexte. […] Il ne suffit pas de savoir notre poids, notre taille, notre âge et notre sexe pour savoir de combien de calories on a besoin. Ça dépend de notre mode de vie. » La pratique de sports, le sommeil ou la maladie peuvent notamment influencer les besoins d’une personne. « Il y a tellement de paramètres que les applications ne détectent pas ou ne tiennent pas en compte comme un thérapeute le fait », résume Stéphanie Côté.