Dans les toilettes publiques, il y a du papier de toilette pour s’essuyer et du savon pour se laver les mains. C’est comme ça, et c’est normal. Et si les serviettes hygiéniques et les tampons faisaient aussi partie de l’éventail des produits offerts gratuitement ? L’idée fait son chemin ailleurs dans le monde… et cogne maintenant aux portes du Québec.

Dans leur plateforme électorale, trois des principaux partis provinciaux s’engagent à faciliter l’accès aux produits menstruels. Le Parti québécois souhaite les rendre disponibles « à toute personne qui en a besoin » dans les milieux scolaires et dans les organismes. Le Parti libéral du Québec, « sur tous les campus », et Québec solidaire promet la gratuité de tous les produits, « réutilisables ou non ».

Rien de tel ne figure à la plateforme électorale de la Coalition avenir Québec, mais l’équipe des relations médias assure que, lors d’un éventuel prochain mandat, le gouvernement caquiste va « poursuivre les efforts vers un plus grand accès [aux] produits menstruels ».

La gratuité des produits menstruels n’est pas un concept nouveau. Depuis environ sept ans, et tout particulièrement dans les deux dernières années, des gens se mobilisent pour faciliter l’accès à ces produits de première nécessité.

« Quand on regarde à l’étranger, on se rend compte que c’est à l’œuvre dans pas mal de pays », observe Élise Brunot, chargée de projet pour Le Fil rouge, une campagne du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF) consacrée à la précarité menstruelle. « La prise de conscience commence à être vraiment globale. »

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Une personne menstruée sur cinq au Québec a déjà utilisé des moyens alternatifs (papier de toilette, tissu) pour se protéger en raison du prix des produits menstruels.

Source : Portrait du vécu des menstruations au Québec, RQASF

L’Écosse précurseur

Le territoire qui va le plus loin pour démocratiser l’accès aux produits menstruels est sans contredit l’Écosse. Depuis l’été, et à la suite d’une loi approuvée par le Parlement en 2020, les 32 conseils écossais (les autorités locales) sont tenus de donner gratuitement accès à des tampons et des serviettes à « tout le monde qui en a besoin ».

Le Kenya demeure aussi un pionnier en la matière : les produits menstruels ont été détaxés dès 2004 (ce qui est survenu en 2015 seulement au Canada) et le pays offre des serviettes à ses étudiantes depuis 2017. La Corée du Sud donne aussi accès à des serviettes dans ses lieux publics, tandis que la France, la Nouvelle-Zélande et plusieurs États américains en distribuent dans des écoles.

Au Canada, la Colombie-Britannique offre depuis 2019 des produits menstruels gratuitement aux élèves. La Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, l’Ontario et le Manitoba (tout récemment) ont emboîté le pas.

25 millions

Dans le budget fédéral de 2022, le gouvernement accorde 25 millions sur deux ans pour mettre sur pied un projet pilote visant à mettre ces produits à disposition des gens qui ont du mal à se les payer.

Au Québec, sommes-nous en retard ?

« Par rapport à la Colombie-Britannique, oui », répond Élise Brunot, étonnée que même la France ait pris des décisions avant le Québec. N’empêche, dit-elle, le dossier avance. « On y est. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Élise Brunot, chargée de projet pour Le Fil rouge

Ça bouge

Dans sa nouvelle stratégie pour l’égalité entre les hommes et les femmes (2022-2027), le Secrétariat à la condition féminine s’est fixé comme objectif de « faciliter l’accès aux produits menstruels jetables et réutilisables », en portant « une attention particulière aux jeunes filles, aux étudiantes, aux femmes ainsi qu’aux personnes en situation de précarité ». Soulignons qu’au Québec, c’est la députée indépendante Catherine Fournier (aujourd’hui mairesse de Longueuil) qui a porté le dossier en présentant une motion à l’Assemblée nationale en décembre 2020, motion adoptée à l’unanimité.

  • Serviettes lavables

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Serviettes lavables

  • Diverses coupes menstruelles existent sur le marché.

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    Diverses coupes menstruelles existent sur le marché.

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Dernièrement, la Ville de Montréal a mené un projet pilote de distribution de produits gratuits dans des édifices municipaux. Enfin, depuis 2020, de nombreuses municipalités au Québec offrent des subventions pour l’achat de produits durables, comme les serviettes lavables et des coupes menstruelles, mais les fonds sont limités et « s’épuisent rapidement », note Élise Brunot.

Le manque d’accès aux produits menstruels peut avoir un impact sur l’éducation et le travail des filles et des femmes, souligne Élise Brunot. « En fait, ça participe à un retrait de l’espace public pendant cette période, qui revient tous les mois », dit-elle. « Et en rendant ces produits menstruels visibles et gratuits, on fait tout simplement passer le message à l’ensemble de la population que les menstruations sont normales, qu’elles ne sont pas un tabou », croit-elle.

6000 $

Coût moyen des produits menstruels au Canada à l’échelle d’une vie.

Source : National Union of Public and General Employees, 2022

Lisez notre article « Personne ne devrait avoir à vivre de la pauvreté menstruelle »