Pour la deuxième fois cette année, Justin Trudeau a annoncé cette semaine qu’il avait eu un test positif à la COVID-19. Le premier ministre est l’incarnation d’une réalité qui nous guette tous : on peut être réinfecté par le SARS-COV-2, le virus qui cause la COVID-19. Et, de toute évidence, on va l’être.

« Si on fait des parallèles avec d’autres virus, par exemple l’influenza, on risque en effet d’avoir plusieurs infections au SARS-COV-2 au cours de notre vie », indique Jesse Papenburg, infectiologue pédiatrique, microbiologiste et épidémiologiste à l’Hôpital de Montréal pour enfants.

Pourquoi peut-on faire une réinfection ? Principalement pour trois raisons, selon le DPapenburg.

D’abord, certaines personnes n’ont pas développé une immunité suffisante à la première infection, soit parce qu’elles sont immunodéprimées, soit par simple malchance ; ensuite, le taux d’anticorps diminue au fil des mois (la protection est meilleure dans les trois à six premiers mois) ; enfin, les virus évoluent avec le temps.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le Dr Jesse Papenburg, infectiologue pédiatrique, microbiologiste et épidémiologiste à l’Hôpital de Montréal pour enfants

Depuis mars 2020, le SARS-COV-2 arrive en vagues successives, menaçant sans cesse la population avec un nouveau variant. Les experts s’attendent cependant à ce que l’épidémiologie change, et que les périodes de risque deviennent moins fréquentes à l’avenir.

« Théoriquement, quelqu’un peut être affecté à chaque vague si le variant change beaucoup », explique le DBruce Mazer, directeur scientifique associé stratégie du Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 et professeur en pédiatrie à l’Université McGill. « Mais je pense qu’une fréquence d’infection toutes les deux ou trois années serait plus en ligne avec nos attentes envers un virus endémique. »

Une certaine protection

On ne sait pas exactement comment va évaluer le SARS-COV-2 ni comment les systèmes immunitaires vont réagir à long terme. Mais selon l’épidémiologiste Jesse Papenburg, l’exemple de l’influenza H3N2 peut nous donner quelques indices par rapport à ce qui nous attend.

Le virus H3N2 a provoqué une pandémie en 1968, causant plus de 1 million de morts. Cinquante ans plus tard, il fait toujours partie des sources d’influenza responsables d’épidémies saisonnières, frappant les personnes vulnérables plus durement, mais provoquant beaucoup moins de morts qu’en 1968. Pourquoi ? Parce que la population a développé suffisamment d’immunité.

Avec la COVID-19, on se rend compte que, même si le risque de réinfection augmente avec le temps, on garde une certaine protection contre l’hospitalisation et les infections sévères.

Le Dr Jesse Papenburg, infectiologue pédiatrique, microbiologiste et épidémiologiste à l’Hôpital de Montréal pour enfants

Il s’agit de la réponse mémoire : les cellules immunitaires se souviennent de l’agent pathogène, grâce à la vaccination, d’abord, mais aussi grâce aux infections à des variants similaires.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Benoit Barbeau, virologue, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM

« Oui, vous avez de bonnes chances de vous réinfecter, mais ça ne veut pas dire que vous allez avoir des symptômes plus graves, au contraire », résume pour sa part le virologue Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM.

Des études suggèrent que l’immunité hybride – la combinaison entre une série primaire de vaccination et une infection – semble offrir la meilleure protection.

Pas de garantie

Selon les plus récentes données, 40 % des adultes canadiens ont contracté le variant Omicron. Parce que la population était largement vaccinée et parce qu’Omicron est moins virulent, la vaste majorité des personnes infectées s’en sont tirées sans symptômes graves ou prolongés.

Si vous faites partie de cette heureuse majorité, vous avez peut-être l’agréable impression que vous ne souffrirez jamais d’une COVID-19 plus grave. « J’aimerais dire que ce sera le cas, mais ça va vraiment dépendre des mutations », répond le DBruce Mazer, de McGill.

Le variant Omicron laisse présager qu’on est dans une tendance générale où le virus devient de moins en moins pathogénique, « mais rien n’est assuré », rappelle le virologue Benoit Barbeau, qui fait lui aussi le parallèle avec l’influenza, dont certaines saisons sont plus sévères que d’autres.

Sur le plan populationnel, le DJesse Papenburg croit qu’on se dirige vers des infections à la COVID-19 de moins en moins graves, « mais sur le plan individuel, avoir eu une expérience de COVID légère n’est pas une garantie que la prochaine infection à la COVID sera aussi légère ». Il persiste des risques de maladies graves, même chez les personnes qui ont été vaccinées et qui ont déjà eu une infection.

L’automne prochain, alors qu’on devrait assister à une remontée des cas, des vaccins plus adaptés aux variants qui circulent devraient aussi être offerts. Il ne faut pas hésiter à s’en prévaloir, estime le DMazer. « Pendant cette vague d’Omicron, la mortalité est beaucoup plus faible qu’avant et la vaccination a joué un rôle très important », dit-il.

COVID longue

Les gens vaccinés ont 8 % de risque de souffrir de la COVID longue d’au moins un mois, selon des données britanniques publiées ce printemps et basées sur le variant Omicron. Est-ce à dire que nous courrons ce risque chaque fois que nous contracterons la COVID-19 ? On ignore la trajectoire du pourcentage de risque d’avoir la COVID longue, mais il est possible qu’il diminue d’une infection à l’autre, estime le virologue Benoit Barbeau.

Effet cumulatif ?

Dans les cas les plus graves de COVID longue, le virus du SARS-COV-2 peut causer des dommages au cœur, aux poumons, au cerveau et aux vaisseaux sanguins. Est-ce que les infections successives peuvent avoir un effet cumulatif ? Là encore, rien n’indique que ce sera le cas. Selon le Dr Bruce Mazer, directeur scientifique associé stratégie du Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 et professeur en pédiatrie à l’Université McGill, l’effet pourrait être cumulatif chez les gens fragiles qui n’ont pas eu le temps de guérir entre les deux infections. « C’est quelque chose qu’on voit pour toutes les infections, pas seulement pour la COVID-19 », dit-il.