(Paris) Encore mal connue, mal diagnostiquée, parfois mal soignée, la migraine gâche le quotidien de millions de personnes. Si de nouveaux traitements existent pour soulager la vie des malades, ils ne sont pas remboursés, au grand dam des migraineux.

« Tout est devenu un enfer ». Il y a cinq ans, après une opération dentaire, Joana Thibeaux subit ses premières migraines. Suite à de mauvaises prescriptions de médicaments, la maladie devient « chronique » : les crises surviennent « quasiment tous les deux jours ».

À 31 ans, elle ne peut plus « conduire, cuisiner, faire les courses, un repas en famille, promener ses chiens… »

« J’ai mis à la poubelle beaucoup de mes projets, je ne veux plus d’enfants », lâche-t-elle lors d’un point presse en amont du 1er Sommet francophone de la migraine, organisé samedi en ligne par l’association La voix des migraineux.

« C’est comme une tempête qui vient ravager la vie », résume Joana Thibeaux, qui confie aussi, cachée derrière des lunettes de soleil, avoir pris « entre 20 et 30 kilos » à cause des médicaments.

Devenue auto-entrepreneuse après la perte de son emploi, elle a songé à mettre fin à ses jours il y a un an. Avant d’enfin réussir à « se réadapter à la vie », grâce notamment à l’investissement de son médecin généraliste.

Avec le sommet de samedi, l’association La voix des migraineux espère « créer un évènement choc », explique Sabine Debremaecker, sa présidente, 59 ans, « migraineuse » depuis la petite enfance.

« Cette maladie, découverte il y a plus de 2000 ans, reste toujours méconnue, aucun examen médical courant ne permet de la diagnostiquer », regrette-t-elle. « Parce qu’elle touche essentiellement des femmes, on l’a minimisée ».

Son objectif : faire mieux connaître la migraine, qui handicape 10,5 millions de Français à des degrés de sévérité variable. À partir de huit jours de crise par mois, elle est qualifiée de sévère. À partir de 15 jours, de chronique. Environ 1,4 million de Français seraient touchés par cette dernière forme.

Les conséquences dans la vie quotidienne sont nombreuses, selon l’association : l’obligation de s’absenter au travail pour 51 % des actifs, des difficultés pour prendre soin des enfants et du logement pour 90 % des malades, une rémunération affectée pour au moins 60 % des patients, des idées suicidaires pour 15 % d’entre eux.

Maladie neurologique, les crises de migraine se déroulent en plusieurs étapes, explique Jérôme Mawet, neurologue au centre d’urgence céphalée de l’hôpital Lariboisière.

Elles commencent souvent 24 h avant par le « prodrome », une sensation de fatigue voire d’épuisement, une difficulté à se concentrer. Pour près de 30 % des migraineux suit l’« aura » (des troubles visuels allant jusqu’à la cécité). Vient ensuite la céphalée : une douleur modérée à intense dans la tête, des nausées et/ou vomissements, une gêne à la lumière et au bruit. Puis le « postdrome » ou la phase de récupération, caractérisée par une sensation d’épuisement, une émotivité pouvant aller jusqu’à un court état dépressif.

Pour soulager la migraine, des traitements existent : traitements de crise et traitements de fond, comme des antidépresseurs, antihypertenseurs ou antiépileptiques, démontrés efficaces, mais pouvant parfois entrainer des effets secondaires.

Au cours des dernières années, de nouvelles thérapies ont vu le jour : les anticorps anti-CGRP, développés pour bloquer le CGRP, molécule impliquée dans la migraine.

Quatre anticorps anti-CGRP sont aujourd’hui commercialisés dans le monde entier.

« Très efficaces, bien tolérés », il est pourtant « compliqué pour les neurologues français d’en parler à leurs patients » à l’heure actuelle, regrette Jérôme Mawet. En cause, leur prix : entre 250 et 270 euros par mois.

« Alors qu’ils sont remboursés dans la plupart des pays européens, ils restent en France à la charge des patients », déplore Sabine Debremaecker, pour qui il y a « urgence à donner accès à ces traitements à tous les migraineux chroniques ».