(Montréal) La substance psychédélique qui rend « magiques » certains champignons pourrait un jour être utilisée pour combattre la dépression.

Des chercheurs de l’Université Yale ont en effet constaté qu’une seule dose de psilocybine provoque une augmentation importante, immédiate et à long terme des connexions entre les neurones, du moins chez les souris.

Le nombre de connexions neuronales a augmenté de 10 %, et ces connexions étaient aussi 10 % plus grosses, signifiant qu’elles étaient plus robustes, a indiqué dans un communiqué l’auteur principal de l’étude, le docteur Alex Kwan. On sait que le stress chronique et la dépression peuvent interférer avec les communications entre les neurones.

« L’étude est intéressante parce qu’on essaie de trouver des mécanismes plus au niveau moléculaire, a commenté le docteur Jean-Philippe Miron, qui est psychiatre au CHUM. On montre que quand on donne une seule dose de psilocybine à des souris, on amène d’un côté des changements neurobiologiques, on augmentait la densité des neurones, la taille, et que ces changements-là au niveau biologique persistaient pendant au moins un mois, et que ça se traduisait par des changements au niveau comportemental chez les animaux. »

Les souris traitées avec de la psilocybine ont en effet présenté un accroissement de l’activité de leurs neurotransmetteurs et une amélioration de leur comportement en situation de stress.

L’intérêt envers les substances psychédéliques dans le traitement de la dépression date des années 1960, a rappelé le docteur Miron, mais l’adoption au fil des ans de différentes lois les criminalisant a compliqué la recherche dans ce domaine.

« Avec les psychédéliques, on est un peu à la frontière du connu, a-t-il dit. Ça suscite les passions des deux côtés de la question. »

La psilocybine peut provoquer une expérience mystique très intense chez certains utilisateurs. Elle était au cœur de plusieurs cérémonies religieuses autochtones.

Certains experts croient que les bienfaits thérapeutiques qu’elle semble engendrer sont entièrement attribuables à son effet psychédélique. La nouvelle étude semble toutefois montrer qu’il n’en est rien, a souligné le docteur Miron.

« Ces médicaments-là auraient un effet sur la neurogenèse, sur la plasticité cérébrale, ça viendrait contrecarrer les effets neurobiologiques de la dépression et augmenter la taille des neurones et aussi l’impact fonctionnel de la connectivité », a-t-il expliqué.

On pourra constater des changements à la structure du cerveau des gens atteints de dépression, ajoute-t-il, surtout si le problème est grave et qu’il dure depuis longtemps. On pourra ainsi constater un amincissement de la matière grise, « et il semblerait parfois que les médicaments antidépresseurs viennent renverser ça ».

La prudence reste toutefois de mise pour le moment. Lors des études qui s’intéressent plus sérieusement à l’utilisation de la psilocybine dans le traitement de la dépression, on donne aux participants une seule dose, voire deux doses espacées de plusieurs semaines.

« On ne parle pas d’en prendre de façon soutenue, a prévenu le docteur Miron. On veut éviter de créer une nouvelle maladie en créant un problème de toxicomanie, donc il faut être très prudents. »

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical Neuron.