La question des câlins fait couler beaucoup d’encre en Angleterre.
Depuis lundi, avec l’entrée en vigueur de la troisième étape du plan de déconfinement au Royaume-Uni, les conseils en matière de rassemblements entre amis et avec la famille ont changé : les Anglais sont maintenant invités à choisir s’ils veulent ou non garder leurs distances avec leurs proches, tout en restant bien sûr prudents.
Des médias ont conclu que les Anglais seraient à nouveau « autorisés » à faire des câlins, mais ce n’est pas exact, a précisé le journal The Guardian : les câlins entre les gens de différentes bulles n’ont jamais été interdits au Royaume-Uni depuis le début de la pandémie, bien que les interdictions de rassemblement les aient rendus plus difficiles à échanger. The Guardian a mis en lumière la confusion qui existe entre ce qui est prescrit par la loi britannique et ce qui est recommandé pour faire face à la pandémie de COVID-19.
Au Québec, est-il interdit de donner un câlin à quelqu’un qui ne vit pas avec soi ?
Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), on nous renvoie aux consignes sanitaires, qui stipulent qu’on doit maintenir « autant que possible » une distance d’au moins deux mètres avec les personnes qui ne vivent pas sous le même toit (sans quoi il faut porter un masque) et qu’on doit « éviter le contact direct pour les salutations ». Certaines situations permettent cependant des rapprochements, comme en service de garde, indique-t-on.
Au Québec, il y a une obligation de distanciation et non pas une interdiction de rapprochements. La nuance est importante.
Robert Maranda, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux
Au Québec aussi, le gouvernement « fait dans le flou » par rapport aux règles sanitaires qui sont sanctionnables et celles qui ne le sont pas ou pas vraiment, estime Stéphane Beaulac, professeur de droit à l’Université de Montréal. En droit, dit-il, la conséquence de ce type de stratégie a un nom : le chilling effect, ou effet paralysant. « Et le gouvernement capitalise donc là-dessus, d’aucuns diraient », dit-il.
Selon la compréhension de Stéphane Beaulac, « ce qui est l’objet de l’infraction, c’est le rassemblement, pas les deux mètres et pas le câlin, le cas échéant. Bref, à strictement parler, les rapprochements, pouvant même être des câlins, ne sont pas interdits. Pensons par exemple à l’éducatrice en garderie qui doit consoler un enfant qui s’est égratigné un genou. »
Que les gens pensent qu’il est sanctionnable d’échanger un câlin n’est pas mauvais pour l’efficacité des mesures, « mais est-ce que c’est optimal comme façon de faire de la part du gouvernement ? », se demande Stéphane Beaulac. Selon lui, plusieurs des stratégies du gouvernement – dont le couvre-feu – ne sont « sans doute pas les meilleures pour responsabiliser les citoyens dans une société libre et démocratique ».
Sécuritaires, les câlins ?
Maintenant, est-ce possible d’échanger des câlins de façon sécuritaire ? « Des câlins 100 % sécuritaires, ça n’existe probablement pas, mais sécuritaires, oui », croit Christian L. Jacob, président de l’Association des microbiologistes du Québec.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE
La Dre Caroline Quach, pédiatre et microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine
Je pense qu’à un moment donné, il faut être capable d’en donner. Les grands-parents sont en train de dépérir sans les câlins de leurs petits-enfants.
La Dre Caroline Quach, pédiatre et microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine
Premiers conseils de la Dre Quach : garder son masque, d’abord, et éviter d’être face à face, dans la zone des gouttelettes respiratoires de l’autre. Le samedi, quand elle fait son jogging, elle passe dire bonjour à son père et elle lui tend son dos pour qu’il puisse l’enlacer brièvement. Ça lui fait du bien et à elle aussi. « Et ça ne l’écœure pas trop que mon dos soit mouillé ! », dit-elle en riant. Quand il y a une bonne différence de grandeur, c’est encore plus facile : un enfant peut très bien enlacer sa grand-mère à la taille, par exemple.
Idéalement, les câlins devraient être échangés à l’extérieur. « Quand on est dehors, notre nuage de bestioles est ventilé », illustre Caroline Quach. Mieux vaut aussi ne pas s’éterniser, car la durée demeure très importante, rappelle Christian L. Jacob : plus on respire de particules virales, plus on a de risques de développer l’infection. « Si le geste est bref, ça ne représente pas beaucoup de risque », dit-il.
L’idée, c’est aussi d’évaluer son propre risque, poursuit la Dre Quach. On ne donne pas de câlins si on a des symptômes ou si on a été en contact avec un cas positif dernièrement. Et on choisit les personnes qu’on enlace, en faisant attention aux gens fragiles. Le fait d’être vacciné a aussi un impact majeur sur le risque associé au câlin, note M. Jacob.
À quand les câlins sans masque et sans limites ?
« Ça va arriver quand il n’y aura plus de transmission locale soutenue, mais je ne m’attends pas à voir ça avant quelques mois encore », répond la Dre Quach, qui espère que la population répondra massivement présente pour la deuxième dose de vaccin.