On utilise les plantes comme remèdes depuis des millénaires, comme en témoignent des écrits vieux de 3000 ans. Encore aujourd’hui, elles restent la thérapie la plus souvent utilisée dans plusieurs pays. L’Occident, malgré une ouverture accrue aux médecines alternatives, demeure toutefois frileux à l’idée de les intégrer à ses soins de santé. La naturothérapeute et anthropologue Laetitia Luzi juge que le temps de la rivalité entre la médecine traditionnelle et les autres thérapies est dépassé.
Alors qu’elle sillonnait la planète en tant qu’anthropologue dans le domaine humanitaire, Laetitia Luzi s’est intéressée aux plantes et à leurs usages locaux. Peu à peu, sa pharmacie naturelle s’est enrichie de différents produits, souvent plus accessibles que les médicaments ou qu’un médecin pour soulager les maux du quotidien. À mesure qu’elle a constaté leur efficacité, son attrait pour les plantes s’est confirmé. Lorsqu’elle a mis fin à ses voyages, sa voie était déjà tracée pour un changement de carrière.
Française d’origine, mais formée à Montréal, l’herboriste et naturothérapeute enseigne et pratique maintenant au Québec. Elle a récemment publié L’autre pharmacie, un guide d’herboristerie familiale qui rassemble des conseils et suggestions de plantes pour apaiser les maux courants : de l’acidité gastrique aux varices en passant par la conjonctivite, le rhume et la tendinite.
Des médecines complémentaires
Laetitia Luzi constate un intérêt grandissant pour les médecines alternatives de ce côté-ci de l’Occident, même chez ceux qui pratiquent la médecine traditionnelle. « Je pense qu’on a tout intérêt à coopérer. Chacun a sa place et doit trouver la sienne au sein de notre système de santé. » Aux États-Unis et au Canada, de plus en plus de cliniques intégratives combinent les approches traditionnelles et alternatives, essentiellement dans le système privé. Le Québec n’en est toutefois qu’aux balbutiements.
Pour les maladies chroniques, la gestion de la douleur ou le mieux-être, la médecine alternative pourrait apporter son savoir aux pratiques traditionnelles, juge-t-elle. Un travail en synergie pourrait par ailleurs prévenir les risques d’interaction entre les médicaments et les produits naturels.
« Là où la médecine peut passer le relais à un praticien [de médecine alternative], c’est autant de possibilités de libérer un peu le système de santé », soutient la naturothérapeute en précisant que la médecine « naturelle » ne remplace en aucun cas la médecine traditionnelle. « Nous ne sommes pas là pour nous substituer aux médecins. Il est évident que nous n’avons pas notre place dans la médecine d’urgence et dans le diagnostic des maladies. »
On a notre petite pierre à apporter à l’édifice de la santé.
Laetitia Luzi, herboriste et naturothérapeute
La médecine naturelle est écologique, fait-elle également valoir. Les autochtones se sont soignés pendant longtemps avec des plantes qui n’étaient pas importées. On trouve des équivalents locaux à beaucoup de plantes médicinales populaires qui viennent d’ailleurs. L’avantage est aussi qu’on peut les planter et les faire sécher soi-même.
Des siècles de connaissance
La médecine alternative est cependant un beau fourre-tout. Ce qui décrédibilise la profession, convient-elle, en évoquant notamment les nombreux gourous qui ont popularisé la médecine naturelle dans la dernière décennie. « Sans être fermée à tout ce qui est plus spirituel, j’ai mes réserves. Je pense qu’il faut vraiment s’en tenir à des choses qui ont été validées et expérimentées. Mais il est évident que j’apporte toute ma crédibilité à la connaissance empirique. Le pissenlit est diurétique. On le sait depuis des siècles ! »
Les plantes font partie de l’histoire de la médecine et elles y ont encore toute leur place, plaide-t-elle. Il ne faut pas les opposer aux avancées actuelles, mais plutôt les intégrer et leur donner une validation scientifique. « Plein de médicaments proviennent des plantes. La digoxine, qui est un médicament utilisé pour l’insuffisance cardiaque, est issue de la digitale, l’aspirine, du saule et la pénicilline, d’un champignon. »
La prudence est de mise, prévient Laetitia Luzi, en nous mettant en garde de jouer les alchimistes en herbe. Naturel ne veut pas dire inoffensif. Certains produits de phytopharmacopée peuvent être toxiques chez certains patients ou s’ils sont mal utilisés. Les huiles essentielles, entre autres, sont un concentré puissant de principes actifs.
Dans L’autre pharmacie, l’herboriste explique comment utiliser les plantes en concoction, en infusion, en inhalation ou en massage, diluées dans une huile végétale. Avant d’utiliser des plantes médicinales, il est sage de s’assurer auprès de son pharmacien qu’il n’y a pas d’interaction possible avec d’autres médicaments, rappelle-t-elle. Par ailleurs, les huiles essentielles devraient d’abord être testées à très petite dose sur l’avant-bras. Avant de les utiliser par voie orale, consultez un spécialiste.