Selon un article publié dans le New York Times, le terme « natural birth » — « accouchement naturel » en français — porte à confusion et certains médecins américains refusent désormais de l’utiliser. Mais qu’est-ce qu’un « accouchement naturel » ? Est-ce un accouchement sans interventions médicales, un accouchement avec une sage-femme, ou alors, un accouchement par voie basse ? Le point avec des spécialistes.

Au Québec, selon les gens que nous avons consultés, un accouchement naturel, ou accouchement physiologique, signifie un accouchement sans interventions médicales, ou le moins possible, sans anesthésie épidurale, ni forceps, ni d’ocytocine pour déclencher le travail.

« Le terme diffère selon la personne à qui on s’adresse, indique Marie-Josée Jodoin, présidente du Réseau québécois d’accompagnantes à la naissance. Quand on parle aux couples qui attendent leur premier enfant, ils considèrent souvent que tant que ce n’est pas une césarienne, c’est naturel. Il ne faut pas tout confondre. Le mot “naturel” indique que c’est la nature qui prime, et que ce sera sans aucune intervention médicale. »

« S’il y a confusion, est-ce parce qu’il y a une banalisation de toutes les interventions médicales, et que l’épidurale est devenue “normale” ? », s’interroge-t-elle. Le Québec est la province championne du Canada avec un taux d’épidurale de 72 % pour les accouchements vaginaux, selon l’Institut canadien d’information sur la santé pour 2016-2017. À titre de comparaison, le taux s’élève à 60 % en Ontario, à 57 % en Alberta et à 40 % en Colombie-Britannique.

« Est-ce que la préparation à l’accouchement est optimale dans le système actuel ? », se demande pour sa part la Dre Marie-Josée Bédard, obstétricienne-gynécologue au CHUM. « Est-ce qu’en le préparant mieux, on aurait moins d’épidurales ? Il y a beaucoup de patientes qui disent aussi très clairement qu’elles veulent d’emblée, dès les premières contractions, une épidurale. »

« Dans un monde idéal, tout se passe bien sans intervention, on l’encourage et on est contents quand ça arrive. C’est un travail d’équipe. La gestion de la douleur est propre à chaque individu », explique la Dre Lucie Morin, chef du département d’obstétrique-gynécologie au CHU Sainte-Justine.

« Il y en a pour qui c’est un défi personnel de ne pas avoir d’épidurale, un peu comme l’ascension de l’Everest. »

Réalisme

PHOTO FOURNIE PAR LE CHUM

La Dre Marie-Josée Bédard, obstétricienne-gynécologue au CHUM

Il faut être réaliste face à cet événement, rappelle Marie-Ève Saint-Laurent, présidente de l’Ordre des sages-femmes du Québec. Car malgré toute la préparation, il se peut qu’on ait besoin d’une intervention médicale ou d’une césarienne. « Il ne faut pas porter de jugement de valeur, il n’y a pas juste une façon de faire, souligne-t-elle. Tout le phénomène d’humanisation des naissances dans les années 70 et 80 et le mouvement des sages-femmes, c’était pour que les femmes aient le choix et soient bien informées. »

Selon la Dre Marie-Josée Bédard, les intervenants, accompagnantes (doulas), sages-femmes et gynécologues travaillent en étroite collaboration afin de respecter la volonté des patientes.

« Dans une société de performance, on veut tout bien faire. Mais les femmes ont un but à atteindre et elles peuvent être déçues si tout ne se déroule pas comme prévu. »

Certaines femmes peuvent ressentir un sentiment de culpabilité à ne pas avoir accouché naturellement. « Dans certains milieux, je dirais que c’est mal vu, car il y a une glorification de la femme qui accouche naturellement », pense Marie-Josée Jodoin, accompagnante à la naissance. Ce qui est paradoxal, admet-elle, quand on connaît le taux élevé d’épidurales.

« Le manque d’accompagnement et d’écoute dans le milieu hospitalier va faire en sorte qu’on va prendre l’épidurale en pensant que c’est la seule option, poursuit-elle. Ce qu’on veut, c’est que les femmes vivent un accouchement satisfaisant, qu’elles soient en contrôle, qu’elles prennent les bonnes décisions, car l’accouchement naturel ne convient pas à toutes et c’est tout à fait normal. »

« Comme médecin, j’encourage le travail sans intervention médicale, mais je n’encourage pas l’insécurité ni de revenir au temps de ma grand-mère ou des Filles de Caleb où le taux de mortalité maternelle était élevé, car à cette époque, les femmes n’avaient pas d’autre option », avance la Dre Lucie Morin.

Les Dres Bédard et Morin rappellent que leur mission, c’est d’avoir un bébé et une maman en santé. « La maternité, ce n’est pas un concours, on n’est pas moins mère après avoir eu un enfant par césarienne, avec ou sans anesthésie, en procréation assistée ou en adoptant. Le projet est de devenir parent », insiste la Dre Lucie Morin.