Le nouveau livre du physiothérapeute Denis Fortier s’insurge contre les stéréotypes fondés sur l’âge et les mythes tenaces sur le vieillissement. Comme si vieillir était synonyme d’une dégradation de notre santé. Dans C’est normal, à votre âge? Arguments musclés pour prendre votre santé en main, il propose une réflexion sur le sujet, en plus de prodiguer des conseils pratiques. Entrevue.

À force d’entendre la phrase «C’est normal, à votre âge», on finit par y croire et, surtout, on se résigne. Pourquoi?

On se résigne et on subit, parce qu’on pense que c’est normal, par exemple, d’avoir une douleur, mais ça ne l’est pas. «C’est normal, à votre âge» n’est pas une phrase banale, et le sous-entendu qui y est associé, c’est qu’on ne fera rien. C’est ce qui me choque terriblement. Et il peut y avoir des conséquences à cela, peu importe l’âge ou le problème de santé que nous avons. Si, par exemple, on a une petite douleur au genou et que ça nous empêche de faire certaines activités, on va attendre que la douleur parte toute seule. Mais le simple fait de ne rien faire, il y aura des répercussions. Notre corps, nos articulations et notre cerveau peuvent se détériorer.

PHOTO HUGO B. LEFORT, FOURNIE PAR LES ÉDITIONS TRÉCARRÉ

L’auteur et physiothérapeute Denis Fortier 

Il y a les effets du vieillissement, tout de même. Ceux qui sont irréversibles et les autres, réversibles?

Oui, on vieillit. Toute l’industrie anti-âge souhaite nous convaincre qu’on n’aura plus de rides ni de cheveux blancs, mais ils font partie du processus irréversible de vieillissement. Les muscles, par exemple, n’ont pas la même composition si on a 80 ans ou 20 ans. Dans les processus réversibles, il y a la force musculaire. On peut augmenter sa force musculaire à n’importe quel âge, même à 90 ans! Le muscle s’adapte et se transforme. Alors, quand on dit «C’est normal, à votre âge», on vous prive de la capacité de vos muscles à se reconstruire.

Ce sont nos mauvaises habitudes de vie qui nous tuent?

PHOTO FOURNIE PAR LES ÉDITIONS TRÉCARRÉ

C’est normal, à votre âge? Arguments musclés pour prendre votre santé en main, de Denis Fortier

Ce ne sont plus les infections qui nous tuent, ce sont les maladies liées à nos mauvaises habitudes de vie. Les accoutumances que sont la malbouffe, les excès d’alcool et de tabac, le manque de sommeil, l’inactivité physique. On pourrait les éviter. Le vieillissement fait partie de l’équation, c’est un élément multiplicateur. Si je me nourris mal et que j’ai 20 ans et que je suis hyper sédentaire, il y aura moins de conséquences que si j’ai 80 ans. Les mauvaises habitudes de vie, on en parle, on dit aux gens de bien s’alimenter et de faire du sport, mais ça ne veut plus rien dire!

Mais qu’en est-il de la prévention? Les instances publiques ne jouent pas leur rôle?

On a besoin de campagnes de prévention comme celles faites pour la cigarette, par exemple. Des campagnes qui nous expliquent les effets de l’obésité sur la santé. Qu’est-ce qu’on fait dans les écoles pour faire plus de sport? Rien! Pourquoi il y a de la malbouffe dans les pharmacies? Les hôpitaux? Les décideurs publics doivent être cohérents. Les responsables de la mortalité aujourd’hui, ce sont nos accoutumances. Nous pouvons les éviter, et il faut en parler. Cette phrase «C’est normal, à votre âge» est insidieuse, même pour les décideurs publics qui se demandent pourquoi faire de la prévention si, de toute façon, c’est normal d’avoir du diabète, des maladies cardiovasculaires. Il y a une résignation.

Est-ce qu’on prend trop de médicaments? C’est un fléau?

Il y a une vraie réflexion à avoir sur la surmédicalisation, car il y a une épidémie d’ordonnances. Les chiffres de la Régie de l’assurance maladie du Québec nous apprennent que les femmes de 85 ans et plus reçoivent en moyenne plus de 205 ordonnances dans une seule année (dont une proportion trop importante concerne des médicaments). C’est inconcevable!

Vous écrivez que notre corps n’est pas comme nos téléphones intelligents, victime d’obsolescence programmée, et qu’il évolue.

Notre corps s’adapte, tout comme notre cerveau, mais on pense que plus on avance en âge, plus c’est synonyme de dégradation de notre santé, comme si la vieillesse est associée à une mauvaise santé. Une peau jeune est une peau en santé, mais une peau ridée n’est-elle pas en santé? Quelle est la logique? Comme s’il y avait une obsolescence programmée de notre corps. C’est terrible. On vit dans un environnement qui fait en sorte qu’on bouge moins, qu’on boit de l’alcool, qu’on ne se nourrit pas toujours bien et il faut prendre conscience de tout ça. Ça peut nous aider à prendre notre santé en main.

C’est normal, à votre âge? Arguments musclés pour prendre votre santé en main. Denis Fortier. Éditions Trécarré. 208 pages.