En faisant le ménage des garde-robes de la maisonnée, on est tombée sur des pantalons déchirés, des chandails tachés et des chaussettes trouées. Des vêtements qu’on juge trop usés pour être donnés à des amis ou à la friperie. Ces morceaux sont-ils condamnés à finir dans le bac noir ? Quelles sont les autres options ? La Presse a exploré la question.

Solutions limitées

« Si le vêtement n’est plus en bon état, si on ne peut pas le faire réparer, les options sont limitées, bien honnêtement, pour les consommateurs », indique Sophie Langlois Blouin, vice-présidente, performance des opérations, chez Recyc-Québec. « Actuellement, on a majoritairement des entreprises qui vont travailler au réemploi des textiles, par exemple les friperies », poursuit-elle. Or, puisque celles-ci reçoivent d’importantes quantités de vêtements, elles vont souvent privilégier « les articles en meilleur état qui vont se revendre plus facilement ». Nombre de friperies n’acceptent d’ailleurs que les dons non abîmés ni tachés. En somme, des pièces que l’on donnerait sans gêne à des amis. Certaines toutefois ont des consignes moins restrictives. Cela vaut la peine de s’informer.

6 %

En 2019-2020, les produits textiles représentaient 6 % des matières qui se retrouvaient dans les sites d’enfouissement ou à l’incinération au Québec. « Ça peut sembler peu élevé. Par contre, ce qui nous préoccupe, c’est que cette quantité-là est en hausse », indique Sophie Langlois Blouin, de Recyc-Québec. En 2011, les textiles ne représentaient que 3 % des matières éliminées.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Les chaussettes trouées sont malheureusement nombreuses à terminer leur vie en déchets textiles.

Pourquoi est-ce difficile de recycler les vêtements ?

Le recyclage des textiles post-consommation est complexe. « On a besoin de trier chaque vêtement pour en connaître la fibre », explique Janie-Claude Viens, agente de développement, transition écologique, chez Concertation Montréal.

Il n’y a pas beaucoup de débouchés pour lesquels on va utiliser n’importe quel type de fibres. Par exemple, quand on veut de la bourre, ça prend du polyester, parce que c’est un peu plus fluffy et que ça n’absorbe pas l’humidité. Quand on veut faire des chiffons, on veut du coton.

Janie-Claude Viens, agente de développement, transition écologique, chez Concertation Montréal

Or, le fait qu’un morceau de vêtements peut aujourd’hui être composé à la fois de coton, de polyester et de spandex complique le tout. La présence de boutons et de fermetures éclair nuit aussi au recyclage. « Il y a beaucoup plus de manipulations avec des vêtements usés qu’avec des retailles qu’on prend directement de l’industrie », note Janie-Claude Viens. Au Québec, il y a déjà eu des installations qui faisaient du défibrage de textiles, indique Sophie Langlois Blouin, de Recyc-Québec. La délocalisation de certaines productions a rendu cette activité moins rentable. Aujourd’hui, l’absence d’expertise et d’équipements de défibrage est « un frein majeur au développement de débouchés » pour les tissus mal aimés, lit-on dans un rapport préparé pour MUTREC, regroupement qui soutient la transition de l’industrie textile québécoise vers une économie circulaire.

Opération reprisage
  • Même des vêtements très usés peuvent souvent être réparés, croit Christine Deniger, propriétaire de l’entreprise Le bac rose.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Même des vêtements très usés peuvent souvent être réparés, croit Christine Deniger, propriétaire de l’entreprise Le bac rose.

  • Pour la réparation en forme de cœur sur ce jeans, Christine Deniger a utilisé du fil de broderie assez épais afin de recréer un tissu à l’endroit où il y avait un trou. Pour y arriver, elle a installé un cerceau à broder pour bien tendre le vêtement à repriser. « Ça peut aussi être un bol avec un élastique », affirme-t-elle.

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    Pour la réparation en forme de cœur sur ce jeans, Christine Deniger a utilisé du fil de broderie assez épais afin de recréer un tissu à l’endroit où il y avait un trou. Pour y arriver, elle a installé un cerceau à broder pour bien tendre le vêtement à repriser. « Ça peut aussi être un bol avec un élastique », affirme-t-elle.

  • Il y a moyen de s’éclater lorsqu’on fait des réparations. Ici, par exemple, elle a tracé des cercles avec une craie pour ensuite faire différents points de broderie et enjoliver le jeans. « Ça n’a pas besoin d’être parfait. C’est ce que j’aime de la broderie créative. » Moins habile en couture ? Il y a toujours l’option de transformer les vieux vêtements en chiffons.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Il y a moyen de s’éclater lorsqu’on fait des réparations. Ici, par exemple, elle a tracé des cercles avec une craie pour ensuite faire différents points de broderie et enjoliver le jeans. « Ça n’a pas besoin d’être parfait. C’est ce que j’aime de la broderie créative. » Moins habile en couture ? Il y a toujours l’option de transformer les vieux vêtements en chiffons.

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Surcycler plutôt que recycler

Pour éviter que les vêtements mal aimés se retrouvent dans des lieux d’enfouissement, certaines entreprises misent sur le surcyclage plutôt que le recyclage. « Dans le fond, c’est de prendre quelque chose que l’on traite comme un déchet et de le transformer en quelque chose avec une valeur ajoutée », explique Janie-Claude Viens. Les designers qui se sont lancés dans cette voie vont récupérer des fins de rouleaux chez de grandes entreprises ou utiliser des vêtements usés et des morceaux invendus en friperie. « Ce n’est pas évident de relever ce type de défi à l’ère de la vente sur l’internet, parce que chaque modèle est unique. C’est une solution artisanale vraiment intéressante, mais qui, malheureusement, ne réglera pas le problème à grande échelle », explique celle qui s’intéresse aux impacts de l’industrie de la mode depuis des années. Parmi les entreprises québécoises qui font du surcyclage, nommons Collatéraux, Les belles bobettes et Kinsu.

Consultez le site de Collatéraux Consultez le site des Belles bobettes Consultez le site de Kinsu
De legging à chouchou
  • Christine Deniger pratique aussi le surcyclage. Celle qui donne des ateliers de couture aux enfants et aux adultes dans la région de Belœil utilise des vêtements abîmés pour ses projets. Voici, étape par étape, comment créer une attache à cheveux à partir d’un vieux legging.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Christine Deniger pratique aussi le surcyclage. Celle qui donne des ateliers de couture aux enfants et aux adultes dans la région de Belœil utilise des vêtements abîmés pour ses projets. Voici, étape par étape, comment créer une attache à cheveux à partir d’un vieux legging.

  • Couper la jambe du legging au niveau des coutures pour obtenir un plus grand morceau de tissu.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Couper la jambe du legging au niveau des coutures pour obtenir un plus grand morceau de tissu.

  • Repasser la pièce.

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    Repasser la pièce.

  • Découper une bande de 60 cm de longueur sur 10 cm de largeur avec des ciseaux de couture ou un couteau rotatif.

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    Découper une bande de 60 cm de longueur sur 10 cm de largeur avec des ciseaux de couture ou un couteau rotatif.

  • Créer un tube avec votre tissu. Pour ce faire, plier le tissu sur la longueur, avec, sur le dessus, le côté sans motif. Coudre à la machine en partant d’environ 4 cm de l’extrémité. Laisser aussi 4 cm au bas du tube.

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    Créer un tube avec votre tissu. Pour ce faire, plier le tissu sur la longueur, avec, sur le dessus, le côté sans motif. Coudre à la machine en partant d’environ 4 cm de l’extrémité. Laisser aussi 4 cm au bas du tube.

  • Retourner le tissu. Voilà le tube ! Créer un cercle avec ce dernier en rejoignant les deux extrémités et en les cousant ensemble. Laisser une ouverture pour y glisser l’élastique.

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    Retourner le tissu. Voilà le tube ! Créer un cercle avec ce dernier en rejoignant les deux extrémités et en les cousant ensemble. Laisser une ouverture pour y glisser l’élastique.

  • Couper un élastique de 20 cm de longueur.

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    Couper un élastique de 20 cm de longueur.

  • À l’aide d’une épingle à couche, fixer un bout de l’élastique à l’extrémité du tube. Glisser l’autre bout à travers le tube. Une fois les deux extrémités réunies, coudre celles-ci ensemble. Refermer l’ouverture du chouchou avec du fil.

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    À l’aide d’une épingle à couche, fixer un bout de l’élastique à l’extrémité du tube. Glisser l’autre bout à travers le tube. Une fois les deux extrémités réunies, coudre celles-ci ensemble. Refermer l’ouverture du chouchou avec du fil.

  • De nombreux projets peuvent être réalisés sans machine à coudre. Avec son entreprise Le bac rose, Chistine Deniger propose des kits pour créer notamment des toutous à partir de textiles usagés. Une activité familiale amusante.

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    De nombreux projets peuvent être réalisés sans machine à coudre. Avec son entreprise Le bac rose, Chistine Deniger propose des kits pour créer notamment des toutous à partir de textiles usagés. Une activité familiale amusante.

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Voyez le tutoriel pour fabriquer un chouchou

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En 2019-2020, les produits textiles représentaient 6 % des matières qui se retrouvent dans les sites d’enfouissement ou à l’incinération au Québec.

Quatre conseils pour diminuer ses déchets textiles

Comment limiter la quantité de déchets textiles que l’on produit individuellement ? Voici quelques gestes suggérés par les experts à qui La Presse a parlé.

  1. Réduire à la source. « Avant d’acheter un morceau, ça vaut la peine de se poser la question : est-ce que j’en ai vraiment besoin ? », indique Sophie Langlois Blouin, de Recyc-Québec.
  2. Miser sur la qualité. « Des fois, mieux vaut payer un peu plus cher pour acheter un produit qui est de meilleure qualité qu’on va pouvoir conserver plus longtemps », soutient la vice-présidente de Recyc-Québec.
  3. Prévoir l’usure. « D’une paire de pantalons à l’autre, souvent, l’usure se passe au même endroit, fait remarquer Janie-Claude Viens. Il y a façon en amont […] d’aller voir une couturière pour renforcer ces endroits-là. Les trous vont alors apparaître beaucoup moins vite. »
  4. Magasiner dans les friperies. En achetant des vêtements usagés, on limite son empreinte écologique. Attention, toutefois, de ne pas tomber dans le piège de la surconsommation, prévient Janie-Claude Viens. « Ça coûte moins cher, donc les gens ont tendance à en acheter plus. Mais un vêtement qui dort dans une garde-robe, c’est extrêmement polluant pour l’environnement, parce que c’est beaucoup de ressources inutilisées. »