Après une décennie de discussion, c’est désormais une réalité : le Canada devient le 44pays dans le monde à interdire les tests de produits cosmétiques sur les animaux. Est-ce que la nouvelle loi, qui entrera en vigueur en décembre, chamboulera le marché ? Non, car ces tests sont déjà pas mal chose du passé au pays.

Le Canada arrive peut-être après 43 pays, mais il est « fier de se joindre à eux », a déclaré mardi le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, lors d’une conférence de presse au centre de fabrication de l’entreprise Lush cosmétiques, en Ontario.

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En conférence de presse à Toronto, mardi matin, le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, a expliqué que la loi omnibus « d’exécution du budget », promulguée la semaine dernière, comprenait notamment des modifications à la Loi sur les aliments et drogues.

Adopté la semaine dernière, le projet de loi C-47 interdit également aux entreprises de vendre des cosmétiques qui ont été testés sur des animaux et de créer des étiquettes fausses ou trompeuses à propos des essais de cosmétiques sur les animaux.

Son adoption est l’aboutissement d’une campagne menée par des organisations de protection des animaux et par des entreprises comme Lush et The Body Shop.

« Personne n’aime être le 44», a convenu Adam van Koeverden, secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, mais le gouvernement canadien souhaite néanmoins devenir un « modèle », notamment pour les États-Unis, qui devraient bientôt emboîter le pas.

Impact limité

Cette nouvelle loi aura un impact limité sur l’industrie des cosmétiques, dont les pratiques ont beaucoup évolué dans la dernière décennie afin de se conformer aux normes européennes. L’Union européenne a des législations en ce sens depuis une vingtaine d’années, mais l’interdiction complète est y entrée en vigueur en 2013.

« Il n’y avait déjà plus du tout de tests sur les animaux, parce qu’on travaille avec l’Union européenne et on suivait sa réglementation », explique Gabriella Saraceno, chargée de projet, recherche et développement, chez Jouviance, une marque québécoise de soins pour la peau. Au niveau mondial, le Groupe L’Oréal ne teste aucun de ses produits ni aucun de ses ingrédients sur les animaux, indique-t-on chez L’Oréal Canada.

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Au niveau mondial, le Groupe L’Oréal ne teste aucun de ses produits ni aucun de ses ingrédients sur les animaux.

À la connaissance de Santé Canada, « aucun produit cosmétique présentement au Canada » n’est testé sur les animaux, a indiqué le ministre Jean-Yves Duclos. « Ceci étant dit, on veut s’assurer que ce ne soit jamais le cas », a-t-il ajouté. Les compagnies étrangères qui voudraient vendre au Canada des produits cosmétiques testés sur des animaux, dit-il, ne pourront plus le faire à l’avenir. Selon l’organisation Humane Society International, la Chine, par exemple, exige encore des tests sur les animaux à ses entreprises de cosmétiques.

On trouve néanmoins sur le marché canadien des produits cosmétiques dont les ingrédients, eux, ont été testés sur des animaux dans le passé, à une époque où « la préoccupation pour la santé animale était moins forte », a expliqué le ministre Duclos.

Ces produits pourront continuer d’être commercialisés, mais aucun nouvel ingrédient ne pourra être testé sur des animaux à l’avenir.

Directrice éthique pour Lush Global, Hilary Jones a convenu qu’elle aurait aimé que la loi canadienne aille plus loin. « Nous aimerions voir tous les cosmétiques passer par la nouvelle méthode, mais sommes-nous heureux de cette législation ? Absolument », a-t-elle dit en conférence de presse. L’organisation Humane Society International s’en est aussi réjouie. « Enfin, les Canadiens peuvent être assurés que les produits de beauté qu’ils achètent dans ce pays sont sans cruauté », a réagi Rebecca Aldworth, directrice générale de la branche canadienne de Humane Society International.

Un mouvement ?

L’Alliance de l’industrie cosmétique du Canada, qui représente 170 entreprises, a souligné le soutien « unanime » derrière cette nouvelle législation canadienne. Son président, Darren Praznik, a salué l’apport de l’Union européenne, qui a investi massivement dans le développement de nouvelles méthodes de test (peau artificielle, modélisation par ordinateur, etc.) pour satisfaire aux exigences des gouvernements en matière de toxicologie. Mais il reste « beaucoup de travail à faire », a noté Darren Praznik, qui a invité le gouvernement canadien à investir dans le développement de ces nouvelles méthodes.

Au Groupe L’Oréal, qui a reconstruit de la peau humaine en laboratoire dès 1979, on se réjouit que le Canada ait adopté sa nouvelle loi. Idem chez Jouviance. « Je pense que ça va aussi créer un mouvement dans toutes les autres industries où les tests sur les animaux existent encore », a dit Gabriella Saraceno.

Parmi les pays qui interdisent déjà les tests cosmétiques sur les animaux, on compte le Guatemala, l’Inde, Israël, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Certains États américains ont aussi adopté des législations locales. Le Parlement européen vise une interdiction mondiale, puisqu’il a adopté en 2018 une résolution qui demande d’interdire dans le monde entier l’expérimentation animale dans les produits cosmétiques.