Une association établie à Montréal s’évertue à gagner des courses contre la mort en faisant adopter des lévriers espagnols dans des familles d’ici. Cet été sont arrivées plusieurs cohortes de ces chiens de chasse largement abandonnés, voire suppliciés ou exécutés dans la péninsule ibérique par leurs propriétaires insatisfaits de leurs performances. Nous avons assisté à l’un de ces transferts salutaires.

Prostré au fond de sa cage de transport, Dante se montre quelque peu stressé après son vol depuis Malaga, inquiété par le brouhaha de l’aéroport de Montréal, où il vient d’atterrir en compagnie de quatre congénères. Son nom lui sied à merveille, le lévrier provenant certes d’Espagne, mais revenant surtout de l’Enfer. Son maître, un chasseur, a tenté de le pendre pour s’en débarrasser. Sauvé in extremis, mais gardant les stigmates physiques et psychologiques de cette cruelle tentative d’exécution, Dante est allé grossir les rangs d’un refuge ibérique, avant d’être pris en charge par Extraordinary Galgos & Podencos (EGP), organisme d’adoption œuvrant au Canada depuis 2016. À l’aéroport Trudeau, Marc Hall, Isabelle Cadieux et leur fils Loïc font délicatement connaissance avec le toutou, qu’ils garderont à titre de famille d’accueil. Ces derniers s’occupent déjà de Chocolate, récemment adopté, qui a connu un parcours similaire. Dante aura besoin de se réconcilier avec l’humain avant d’être confié à des adoptants définitifs.

Dante, le rescapé
  • Dante vient de trouver asile au Québec. Son cou portera toujours la marque de la tentative de pendaison qu’il a subie. Il sera placé en famille d’accueil avant de rejoindre un foyer pour la vie.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Dante vient de trouver asile au Québec. Son cou portera toujours la marque de la tentative de pendaison qu’il a subie. Il sera placé en famille d’accueil avant de rejoindre un foyer pour la vie.

  • Après avoir été victime de cruauté et un long voyage, Dante aura besoin d’une famille aimante pour reprendre confiance en l’humain.

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    Après avoir été victime de cruauté et un long voyage, Dante aura besoin d’une famille aimante pour reprendre confiance en l’humain.

  • Isabelle, Marc et leur fils Loïc s’occuperont de Dante, qui fait ici la connaissance de Chocolate, un autre galgo que la famille a adopté récemment.

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    Isabelle, Marc et leur fils Loïc s’occuperont de Dante, qui fait ici la connaissance de Chocolate, un autre galgo que la famille a adopté récemment.

  • Les lévriers voyagent tous avec leur propre passeport !

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    Les lévriers voyagent tous avec leur propre passeport !

  • Les cages sont transportées depuis les arrivées vers le stationnement de l’aéroport.

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    Les cages sont transportées depuis les arrivées vers le stationnement de l’aéroport.

  • D’autres races sont également secourues. Ici, la chihuahua India a pu voyager en cabine avec son accompagnatrice Jessica Desjardins.

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    D’autres races sont également secourues. Ici, la chihuahua India a pu voyager en cabine avec son accompagnatrice Jessica Desjardins.

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Dans les autres cages pointent les museaux de Vanilla, Vivaldi et Verona, trois autres galgos (autre nom de la race), tandis qu’India, une chihuahua ayant voyagé en cabine, se love dans le sac de Jessica Desjardins, la bénévole d’EGP qui a assuré le transport de la troupe. L’organisme vole aussi au secours de podencos ou de salukis, d’autres types de lévriers. Plus tôt cet été, un groupe de dix canidés espagnols ont débarqué à Montréal, en quête d’une vie meilleure. « À ce jour, nous avons fait adopter plus de 700 chiens », souligne Tania Schmitt, présidente et fondatrice de l’association, qui possède des antennes dans l’Ouest canadien ainsi que dans les Maritimes. Un chiffre encourageant, pour qui n’est pas découragé d’apprendre qu’au moins 70 000 à 100 000 lévriers sont annuellement abandonnés ou martyrisés en Espagne, notamment par des chasseurs les percevant comme de simples outils de travail. Une situation entretenue par les traditions et le cadre juridique hispanique très laxiste. « On change le monde un chien à la fois. Il a fallu faire connaître la race et la cause », lance Mme Schmitt, qui a eu l’occasion d’observer le calvaire des galgos sur place. EGP, qui s’assure de ne collaborer qu’avec des refuges espagnols fiables, se montre également rigoureux envers les potentiels adoptants canadiens.

PHOTO FOURNIE PAR EGP

Tania Schmitt, fondatrice d’Extraordinary Galgos & Podencos

Nouvel air pour Vivaldi

C’est ainsi qu’Annie-Pier Grondin et Alexandre La Haye, après avoir sondé les refuges locaux, ont trouvé chien à leur pied avec l’un de ces galgos, eux qui vivent à Chambly avec leur fille Emma, 7 ans, ainsi que trois chats. « On a regardé rapidement dans les refuges, mais c’était souvent des chiens non compatibles avec les chats ou les enfants, raconte le couple. On connaissait des gens qui ont des galgos et on est tombés en amour avec eux, ils sont doux et attachants. L’organisme nous a permis de trouver un match parfait. » En repartant de l’aéroport, le trio familial est donc devenu un quatuor, avec un pitou nommé Vivaldi au bout de la laisse, qui entame une nouvelle saison de sa vie après son abandon.

Vivaldi et Verona, adoptés
  • Vivaldi quitte l’aéroport, direction le stationnement, pour retrouver sa nouvelle maison à Chambly.

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    Vivaldi quitte l’aéroport, direction le stationnement, pour retrouver sa nouvelle maison à Chambly.

  • Vivaldi est de caractère doux et calme.

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    Vivaldi est de caractère doux et calme.

  • Les adoptants recueillent tour à tour leur lévrier tout juste arrivé. Ici, la chienne Verona repartira avec la famille d’Anna Sheftel.

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    Les adoptants recueillent tour à tour leur lévrier tout juste arrivé. Ici, la chienne Verona repartira avec la famille d’Anna Sheftel.

  • En route pour une nouvelle vie…

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    En route pour une nouvelle vie…

  • Les chiens voyagent en soute.

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    Les chiens voyagent en soute.

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Regroupant une cinquantaine de bénévoles, EGP s’investit toute l’année pour secourir ces animaux malmenés et les placer en Amérique du Nord, où la demande pour les chiens de taille moyenne et de bon caractère y est importante. « Nous ne faisons aucun profit, personne ne touche de salaire, le fonctionnement financier de l’association étant principalement couvert par les frais d’adoption et les levées de fonds », indique Isabelle Courville, vice-présidente de l’organisme. Lesdits frais varient en fonction de la condition des animaux (âge, santé…) et des tarifs aériens en vigueur. « Cela peut aller de 0 $ pour une adoption humanitaire, celle d’un chien très âgé par exemple, à 1500 $ », précise Mme Courville, soulignant que l’association cherche davantage de familles d’accueil et de commanditaires.

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L’ensemble de la cohorte arrivée le 4 août dernier, en compagnie des adoptants, familles d’accueil et bénévoles d’EGP

Tués après 15 jours

Pourquoi sauver des chiens d’Espagne plutôt que ceux du Québec ? Cette question est constamment posée à la fondatrice Tania Schmitt. « Les chiens n’ont pas de frontières. Les faire voyager, cela ne change rien : sauver un chien, c’est sauver un chien, ici ou ailleurs, réplique-t-elle. De plus, ceux qui souhaitent adopter un lévrier n’en trouveront pas dans un refuge local. Adopter un galgo, c’est véritablement sauver une vie et leur épargner une mort certaine. En Espagne, une fois envoyés en fourrière, ils sont tués après deux semaines, et pas toujours par euthanasie… »