Rome ne s’est pas bâtie en un jour, selon le dicton. On pourrait en dire autant de Mira, qui forme aujourd’hui des centaines de chiens-guides, à la lecture de son histoire décortiquée dans un nouveau livre, narrée à travers son cofondateur Éric St-Pierre.

On lit avec curiosité Mira : Ma plus belle histoire d’amour, avec ses 270 pages bien tassées, tout en songeant : que de chemin parcouru ! On y découvre surtout que les prémices du destin de cet organisme, fort respecté par les Québécois, sont inextricables de celles de la vie de son cofondateur. Écrits en collaboration avec Agnès Marliot, ces mémoires retracent certes le développement du projet, de plus en plus touffu au fil du temps, mais aussi les tout premiers pas d’Éric St-Pierre dans ses relations avec les chiens, parfois surprenantes.

De fil en aiguille

Élevé à la dure au sein de la ferme familiale, il a eu la bienheureuse compagnie de Mike ou de Ti-Loup, fidèles canidés complices de ses péripéties d’enfance, et de tant d’autres, comme Coco ou le très bien nommé Karma, un berger allemand. Sa carrière de musicien sur la touche, M. St-Pierre décide de composer avec ses chiens, s’initiant à l’entraînement. Il forme dès lors des animaux particulièrement obéissants, mais dont la vocation est encore éloignée de celle des futurs rejetons de Mira, étant dressés pour la garde, la sécurité ou la recherche de stupéfiants. Parallèlement, le besoin de nourrir sa famille le pousse à accepter un « sale boulot » : dog catcher au service des fourrières municipales, ce qui lui vaudra le mépris des bonnes gens, diverses morsures et une odeur pestilentielle tenace.

Il parvient toutefois à tirer les rênes vers le projet de sa vie.

C’est l’étincelle de l’injustice qui a mis le feu aux poudres, quand il a constaté que les chiens-guides pour personnes malvoyantes provenaient tous du monde anglophone. Pour Éric St-Pierre, c’était inacceptable ; ces Québécois n’avaient-ils pas le droit de « voir en français » ?

Mira voit le jour en 1981, fondé par Éric St-Pierre et Johanne Hallé.

« J’ai eu peur que cela ne se fasse jamais. La grande bataille du français en Amérique du Nord n’est pas encore finie aujourd’hui », dit-il en entrevue avec La Presse. Il s’est toutefois lancé à corps perdu dans le combat. « Les poches vides, mais le cœur plein, je m’engageais sans garde-fou sur un chemin aussi tortueux que mou », déclare-t-il dans sa biographie.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le projet-pilote destiné aux personnes souffrant d’alzheimer, lancé en 2019 et en développement après la parenthèse pandémique, est très prometteur.

Dénicher des financements

S’engage alors une lutte pour financer et faire croître Mira, l’auteur de cette initiative essuyant de nombreux revers, se faisant claquer des portes au nez, mais déterrant aussi du soutien, logistique et pécuniaire. À lire ce cheminement tumultueux, aux virages d’espoirs et de désillusions, on s’interroge sur ce qui a permis à l’homme de conserver le feu sacré. « C’est le plaisir de travailler avec les chiens, mon amour pour eux, depuis l’âge de 6 ans, quand je travaillais avec mon père », raconte M. St-Pierre. « Même si parfois j’ai été sur le bord de lâcher face aux difficultés », concède-t-il.

L’organisme grandit, conquérant le cœur du public, enchaînant campagnes et activités de financement déployant toujours plus d’envergure, comme des expéditions en traîneau à chiens. On découvre également comment l’aide aux publics ciblés s’est épanouie et diversifiée, s’orientant vers les personnes à mobilité ou motricité réduite, ou encore vers les enfants atteints d’autisme. Une ramification qui ne cesse de croître, aujourd’hui encore, comme le montre le projet-pilote destiné aux personnes souffrant d’alzheimer, lancé en 2019 et en développement après la parenthèse pandémique. « C’était un projet très prometteur, surtout avec les personnes en début de maladie », précise Agnès Marliot, collaboratrice de la biographie. Mira, qui compte 90 employés et plusieurs centaines de bénévoles à ce jour, forme entre 150 et 200 chiens par année.

« Je vois pour Mira un bel avenir de perfectionnement, pour toujours donner plus, développer le volet pour les personnes atteintes d’alzheimer. Il faut encore travailler, s’organiser et peaufiner pour que cela fonctionne mieux », dit M. St-Pierre.

Mira : Ma plus belle histoire d’amour

Mira : Ma plus belle histoire d’amour

Druide

270 pages