Dans l'immense atelier du Centre de formation professionnelle de Châteauguay Valley, à Ormstown, la construction de deux maisons jumelées bouleverse les habitudes.

Trois des quatre modules, qui constitueront le rez-de-chaussée et l'étage des deux habitations, sont construits à la fois. Quelques élèves s'affairent, sous l'oeil attentif d'enseignants. Ailleurs, d'autres enseignants du programme de charpenterie-menuiserie inculquent les rudiments du métier. Selon leur niveau, les élèves perfectionnent leurs mathématiques, apprennent à faire des travaux de finition extérieure, s'exercent à construire des escaliers de bois, etc.

Et quand ils ont fini ce qu'ils ont à faire et qu'ils ont tout compris, ils peuvent contribuer à bâtir les maisons destinées aux deux familles, qui seront sélectionnées par Habitat pour l'humanité.

«On essaie de faire des liens avec ce qu'ils apprennent dans leurs cours, en tenant compte d'où ils sont rendus», explique John Hodges, l'un des deux enseignants qui chapeautent le projet Notre maison.

«C'est tout un défi, avoue-t-il. Mais cela crée un bel esprit d'équipe. Les élèves sont motivés et désirent participer. C'est valorisant pour eux de savoir que des familles vont habiter dans ce qu'ils bâtissent.»

Habituellement, les élèves du programme de charpenterie-menuiserie font et défont ce qu'ils réalisent. Ils construisent par ailleurs de superbes cabanons. Ces véritables petites maisons, isolées et dotées d'une toiture et d'un plancher, sont vendues au profit des futurs élèves.

Construction écologique

Quatre groupes d'une vingtaine de personnes ayant commencé à différents moments de l'année suivent la formation d'une durée d'un an. Alors qu'un groupe d'élèves reçoit ses diplômes ce mois-ci, un autre commence à peine la formation. Or, tous les élèves, depuis le début de la construction des maisons jumelées, le 25 août, ont pu se familiariser avec les exigences du système d'évaluation LEED (Leadership in Energy and Environmental Design).

Ce désir d'enseigner de nouvelles façons de faire, qui ne font pas partie du programme du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, est au coeur de la longue démarche entreprise par la commission scolaire New Frontiers et le Centre de formation professionnelle Châteauguay Valley.

«Les professeurs sont dans une classe à part, Ce sont des pionniers dans l'industrie. Ils font bien plus qu'enseigner les normes de construction conventionnelle», indique Mike Reynolds, cofondateur d'Ecohome, le pendant anglophone d'Écohabitation.

«Les élèves, en retour, sont excités et apprennent davantage. Ils vont arriver sur le marché du travail mieux outillés, avec une meilleure compréhension des bâtiments à haute performance. Ils auront aussi l'avantage d'avoir travaillé sur un projet LEED.»

Une expérience motivante

Mathieu Renaud, 20 ans, de Contrecoeur, a déménagé à Ormstown le temps de suivre sa formation. Finissant ses études au début d'octobre, il a pu contribuer à la construction de «Notre maison» seulement pendant un peu plus d'un mois. Mais il a trouvé l'expérience motivante.

«Une des journées où j'ai eu le plus de plaisir, c'est un vendredi, à la fin de septembre, quand on a travaillé toute la classe ensemble.»

Couvreur depuis plusieurs années, Donald Tremblay a quant à lui récemment obtenu son diplôme et veut parfaire sa formation pour devenir enseignant dans le programme de charpenterie-menuiserie. Les jours de pluie, il vient donner un coup de main pour construire «Notre maison». «C'est un super projet et je veux apporter ma contribution, dit-il. J'ai pas mal de petits trucs à montrer aux jeunes!»

Emmanuel Cosgrove, directeur d'Écohabitation et cofondateur d'Ecohome, sent un réel engouement pour l'écoconstruction, qui ne se retrouve nulle part ailleurs. «On cherche encore un projet qui sera une perle similaire dans les écoles de métiers francophones.»

Le défi est lancé!

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Le calcul vaut le travail. Quelques jours avant de sortir le premier module, qui est presque terminé, John Hodges (à gauche) et Donald Tremblay établissent de combien de pouces celui-ci devra être déplacé pour passer à travers la porte.

La mission d'Habitat pour l'humanité

Créé en 1998, Habitat pour l'humanité Québec croît lentement mais sûrement. Son but? Mobiliser les communautés pour aider des familles à faible revenu à devenir propriétaires d'habitations abordables, salubres et bien construites. En voici un portrait, en quelques chiffres.

22: Nombre d'habitations détachées, jumelées ou en copropriété qui auront été bâties au Québec d'ici la fin de 2016.

9: Nombre d'habitations terminées d'ici la fin de l'année qui ont obtenu ou sont en voie d'obtenir la certification LEED. Ce sont toutes celles bâties depuis 2011. Les maisons jumelées d'Ormstown seront les 10e et 11e.

4: Nombre de villes où se trouvent les maisons construites en partenariat avec Habitat pour l'humanité Québec. Ces maisons sont à Montréal, Sherbrooke, Deux-Montagnes et Ormstown. Une première maison devrait être construite à Gatineau en 2017.

3000: Nombre moyen de bénévoles qui aident chaque année l'organisme à construire des maisons et à gérer le centre de rénovation ReStore, dans Le Sud-Ouest, à Montréal.

500: Nombre d'heures que les personnes sélectionnées et leur famille doivent consacrer notamment à la construction de leur maison. En échange, les futurs propriétaires n'ont pas à verser de mise de fonds et contractent une hypothèque sans intérêts.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Dans l'immense atelier du Centre de formation professionnelle Châteauguay Valley, à Ormstown, la construction de deux maisons jumelées avance rondement. Celles-ci sont divisées en quatre modules, qui formeront le rez-de-chaussée et l'étage des deux habitations.