Les propriétaires du domaine Solisterra, Dominique Tonetti et Frank Dutton, n'ont pris à la nature que le strict nécessaire pour bâtir deux cottages de paille aux lignes harmonieuses, à Kazabazua, en Outaouais. Histoire de gens pleins de ressources, désireux de construire autrement.

Dominique Tonetti est probablement la seule maître d'oeuvre à scier elle-même son bois de charpente et à coudre ses ballots de paille!

Après avoir étudié trois ans en génie civil, elle s'est dotée d'une licence ontarienne en mécanique pour financer ses études en architecture, qu'elle a poursuivies jusqu'à l'obtention de son diplôme, à l'Université de Carleton.



Un parcours qui lui a permis de rencontrer son mari, Frank Dutton, ex-professeur de mécanique, devenu son grand complice dans l'aventure de construire autrement. «C'est aussi mon grand critique!», lance Mme Tonetti, qui lui soumet régulièrement plans et dessins.

Chacun armé d'une scie à chaîne, les deux bâtisseurs ont abattu juste ce qu'il fallait d'arbres pour dégager l'emplacement de leurs chalets, situés au bord du lac Willoughby.

«Le soir, dans notre roulotte, nous affûtions nos scies», se souvient Mme Tonetti. Des grands pins rouges, ils ont tiré des poutres de 35 pi, équarries au moulin à scie mobile.

Il est arrivé à Mme Tonetti de modifier ses dessins en fonction des poutres disponibles. Ou de contourner des arbres qui ne méritaient pas d'être abattus. Par ailleurs, les panneaux solaires du chalet Pinéa se trouvent à une certaine distance de la maison, car ils auraient été ombragés si on les avait fixés au bâtiment, «et je ne voulais pas sacrifier d'autres arbres», confie Mme Tonetti.

La mission de Solisterra est double: montrer qu'on peut construire autrement et offrir des chalets écologiques à louer. «Il est plus écologique de louer un chalet que d'en acheter un qu'on occupera seulement quelques semaines dans l'année, fait observer Dominique Tonetti. Chez nous, les gens peuvent expérimenter la vie dans une maison écologique, et voir s'ils aimeraient en avoir une.»

Les défis écologiques

Bâtir vert est une entreprise qui comporte ses défis. D'abord, les constructions se doivent d'être durables. Pour ses chalets de paille, la conceptrice s'est inspirée de maisons de pierres de Nouvelle-France, recensées vers l'année 1700, et qui sont toujours sur pied.

Les charpentes des deux chalets, nommés Pinéa et Rosa, sont donc traditionnelles françaises, avec tenons et mortaises, sans clou ni ferrure.

«Je bâtis pour au moins 100 ans, dit Dominique Tonetti. Et si jamais on doit démolir ces maisons, les matériaux n'iront pas au centre d'enfouissement: les charpentes et les toits d'aluminium sont récupérables.»

L'utilisation de la paille, un matériau quant à lui compostable, a aussi ses exigences.

Dans les chalets, les murs de paille forment une coquille autoportante, montée du côté extérieur, comme un manteau couvrant la charpente.

Dominique Tonetti n'aurait jamais pensé utiliser ce matériau un jour. La demande est venue de ses parents. «Ma mère est atteinte de sclérose en plaques, explique-t-elle, et mes parents voulaient refaire leur maison, en Abitibi, pour l'adapter au fauteuil roulant. Le voisin était prêt à fournir les ballots de paille...»

Or, la paille n'est pas toujours plus économique. «L'isolation conventionnelle compte en général pour 20% du coût de la maison, dit Mme Tonetti. Avec la paille, très isolante et peu chère, on sauve beaucoup sur le matériau, mais pas sur le temps de main-d'oeuvre, car elle en demande beaucoup. On doit, en plus, faire faire des fenêtres sur mesure.»



PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Le rez-de-chaussée, au chalet Rosa.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La cuisine du chalet Rosa, située au rez-de-chaussée.

Riche biodiversité

Les bâtisseurs de Solisterra ne veulent pas «développer» leur domaine, de 144 hectares. Ils envisagent de construire en tout une dizaine de chalets, et d'essayer d'autres matériaux à faible empreinte environnementale, comme l'adobe (un mélange sable-argile-paille) ou les briques de terre.

«J'ai du ciment dans les veines, dit en rigolant Dominique Tonetti. Mon arrière-grand-père paternel était maçon, un Italien du Piémont. Du côté maternel, j'ai plutôt un draveur.»

Parions qu'un des deux tenait un brin de paille entre les lèvres!

Info: www.solisterra.ca