Le projet Griffintown fait couler beaucoup d'encre. Stratégiquement situé à l'ombre des gratte-ciel de Montréal, tout près du canal de Lachine, il veut redonner vie à un quartier oublié au potentiel énorme.

Le projet Griffintown fait couler beaucoup d'encre. Stratégiquement situé à l'ombre des gratte-ciel de Montréal, tout près du canal de Lachine, il veut redonner vie à un quartier oublié au potentiel énorme.

À côté, d'autres projets d'envergure sont aussi en préparation. Chacun à sa façon, ils aspirent à créer des espaces urbains attrayants, que ce soit sur les berges du canal de Lachine, dans le bassin Peel ou dans le Nouveau Havre de Montréal. Avec le réaménagement de l'autoroute Bonaventure aux portes du centre-ville qui se profile à l'horizon, les changements à venir auront un impact considérable sur la ville tout entière.

«En déplaçant l'autoroute Bonaventure et en convertissant la partie surélevée en un boulevard urbain, le centre-ville sera doté d'une entrée de prestige», souligne Isabelle Hudon, présidente de la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain et présidente du conseil d'administration de la Société du Havre de Montréal. Elle s'est aussi engagée à faire partie du futur comité de réflexion sur la vocation du pôle culturel, patrimonial et récréotouristique du projet Griffintown, mis sur pied par le promoteur Devimco.

La revitalisation du quartier du Havre, qui s'étend du pont Jacques-Cartier au pont Champlain, du fleuve Saint-Laurent jusqu'à la rue Viger, vise un grand objectif: redonner aux citoyens l'accès au fleuve. «Il y a un bris entre le centre-ville et le fleuve, explique Mme Hudon. C'est particulièrement le cas dans le secteur qui englobe la pointe extrême-ouest du Vieux-Port, l'autoroute Bonaventure et la pointe de Griffintown. Le projet de Devimco, auquel je suis favorable avec certaines modifications, sera voisin du futur boulevard Bonaventure, sur lequel on devrait pouvoir rouler en 2010. Tel qu'il continue d'évoluer, le projet Griffintown sera bénéfique pour Montréal, le centre-ville, le Vieux-Montréal et ses berges.»

Le terrain sur lequel se trouve l'ancien centre de tri de Postes Canada, juste à l'ouest du projet Griffintown, est appelé lui aussi à être réaménagé. Son propriétaire, la Société immobilière du Canada (SIC), entend revitaliser cet autre secteur de Griffintown, le long du canal de Lachine, et mettre en valeur sa riche histoire industrielle.

Il s'agit, pour la société d'État fédérale, du début du réaménagement du Nouveau Havre de Montréal. Avec les cinq autres propriétés qu'elle compte acheter au cours des prochaines années des autorités portuaires et de la Société d'hypothèques et de logement, elle réaménagera des terrains totalisant près de cinq millions de pieds carrés sur les berges du canal de Lachine et autour, dans le secteur du Silo no 5 dans le port de Montréal ainsi que dans la Cité du Havre, à côté d'Habitat 67.

Un projet pour le bassin Peel

S'annonce aussi un autre projet, sur la pointe du bassin Peel. Le promoteur, Ronald Hakim, projette d'y ériger deux tours jumelles de 60 étages, à proximité de l'autoroute Bonaventure. Celles-ci abriteraient un hôpital privé, un hôtel, des espaces commerciaux et des bureaux. La marina serait aussi réaménagée.

La revitalisation de Griffintown est notamment suivie de près par la communauté irlandaise, qui en a été chassée lors de la construction de l'autoroute Bonaventure. Pour plusieurs, qui ont assisté à la démolition de l'église Sainte-Anne, en 1970, la blessure est encore vive.

Pour d'autres Montréalais, comme Éric Gauthier, de la firme Les Architectes FABG, le projet Griffintown constitue un test. «Après l'échec du projet du Cirque du Soleil, lié au déménagement du casino dans le bassin Peel, plusieurs se demandent s'il est possible de faire des projets à Montréal», souligne l'architecte, qui a notamment donné une nouvelle vocation à la Biosphère, de même qu'aux hangars du Quai King-Edward, pour en faire le Centre des Sciences de Montréal.

«Il y a du défaitisme dans l'air, poursuit-il. Si le projet Griffintown va de l'avant, cela donnera un élan pour faire d'autres projets. D'autres promoteurs auront envie de risquer leur argent et leur notoriété. Devimco a fait des alliances avec divers groupes de pression pour élaborer un projet rentable malgré tout. L'enjeu est important pour Montréal. On voit que le projet se bâtit en équipe, pour le bien public.»

Qu'un promoteur lié à la banlieue comme Devimco s'intéresse à un secteur oublié de Montréal et y voie un potentiel est intéressant, souligne Paul Lewis, professeur à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal. «Tout n'est pas pour la banlieue, se réjouit-il. De plus, le projet n'est pas pensé uniquement en fonction de la voiture, avec la création de lignes de tramway. Il faudra voir comment le nouveau quartier urbain s'articulera avec tout ce qu'il y a autour, sans nuire aux artères commerciales dans les quartiers limitrophes.»