Un peu plus et on se serait cru dans une chapelle néogothique qui aurait flirté avec un palais victorien. Avec la délicatesse du château de Mademoiselle de Joncquières. Rien de moins.

La villa Albert-Furniss, aussi appelée Trafalgar Lodge, est un spécimen très rare au Québec et nous n'avions rien visité de semblable auparavant. Les propriétaires Gisèle Sillye et son mari Raf Henein en rêvaient. «Chaque fois que je passais devant, on mourait d'envie de savoir ce qu'elle cachait.» Ils ont fait mieux: ils l'ont achetée.

C'était en 2009, et une fois passé le seuil, la surprise a été... totale. «Elle était franchement dégueulasse!» rit Gisèle aujourd'hui. La jeune sexagénaire qui a passé sa vie dans la recherche scientifique l'ignorait, mais elle avait un coeur de rénovatrice. Heureusement, son mari partageait sa passion. «Il s'est même épanoui durant les travaux», affirme sa femme.

Car rénovations sur cette maison bâtie en 1848 à l'angle du chemin de la Côte-des-Neiges et de l'avenue Trafalgar, tout près de Westmount, il y a eu.

La villa avait été pratiquement abandonnée et laissée dans un état pitoyable. Les murs étaient en lambeaux, les planchers flottaient, la fondation, comme les plafonds, s'écroulait. «Il fallait presque tout reprendre à zéro.» Presque, parce que le couple voulait redonner à la propriété sa noblesse (et sa solidité) en préservant les éléments qui en assuraient la particularité. Après tout, c'est ce qui l'avait d'abord séduit. Il y avait aussi le fantôme qui intriguait les propriétaires, mais ça, c'est une autre histoire.

«Je crois qu'il est de notre responsabilité de conserver l'âme de ces vieux bâtiments. On a donc réparé et restauré.»

UNE DÉCENNIE DE TRAVAUX

Pendant 10 ans, la maison a subi toutes les rénovations possibles. Une affaire complexifiée par le fait que les deux nouveaux propriétaires vivaient à l'extérieur du pays pendant la presque totalité des travaux. Il a donc fallu dénicher un entrepreneur sur lequel ils pouvaient compter et qui pourrait manier le marteau aussi bien que la tablette électronique. «On devait communiquer par FaceTime, c'était essentiel parce qu'il y avait tellement de décisions à prendre!»

Durant son aventure, le couple a déniché une poignée d'artisans doués à qui il a confié son projet. «On a découvert quelqu'un qui a méticuleusement reproduit les fleurs des poutres et des panneaux en bois, un autre qui a réalisé les vitraux des fenêtres, un autre qui a forgé le métal du garde-corps de l'escalier principal...»

La maison avait été construite pour l'homme d'affaires Albert Furniss (ou Furness, selon certains documents) par un architecte anglais nommé John George Howard, qui, croit-on, s'était inspiré de lieux de culte néogothiques populaires au XVIIIsiècle en Angleterre et des formes médiévales. Le propriétaire souhaitait vivre dans un bâtiment qui lui rappellerait que l'histoire ne doit pas être oubliée.

Au fil des ans, la villa a connu plusieurs modifications. À part des agrandissements, la plus importante est celle de 1946, quand la maison a été divisée en deux parties, division qui existe encore aujourd'hui. N'empêche, la superficie de la propriété actuelle est amplement grande et comprend même une section séparée (et nouvellement rénovée) qui peut servir de maison intergénérationnelle avec ses deux chambres, chacune avec sa salle de bains.

PLAFONDS DE 15 PI

PHOTO FOURNIE PAR SOTHEBY'S INTERNATIONAL REALTY LK

Le vestibule mène vers le hall d'entrée. On remarque dès l'entrée les éléments architecturaux des panneaux et de la porte à l'arche pointée.

Chaque pièce du rez-de-chaussée possède des plafonds hauts de 15 pi. Certaines pièces, comme la salle à manger et les deux salons en enfilade, sont si vastes que l'on a l'impression qu'aucun mobilier ne réussira à les meubler.

«On a acheté notre ameublement chez des antiquaires de Paris pour respecter l'époque. Il fallait que ces morceaux soient suffisamment grands pour ne pas se perdre dans l'espace.»

Il y a quatre chambres à l'étage, chacune avec sa salle de bains en marbre. Les penderies sont également logeables et celle de la chambre principale, encore plus. Il y a du rangement dans des armoires camouflées partout sur l'étage.

La cuisine d'origine fait partie de l'appartement adjacent. C'est ici que les domestiques préparaient les repas et les portaient à la salle à manger mitoyenne. «On a construit une nouvelle cuisine dans l'ancienne véranda qui donne sur le jardin», montre Gisèle. Parlant de jardin, on a visité la maison en hiver, mais les photos montrent un véritable havre de verdure. Un lieu calmant à deux pas de la ville.

Pourquoi vendre alors? «Parce que la vie est pleine d'imprévus, explique Gisèle. Mon mari ne s'attend pas à se voir confier une mission en Amérique du Nord avant cinq ans.» Cinq ans, c'est beaucoup pour soutenir une grande maison sans pouvoir y vivre. Le couple a donc décidé de mettre la propriété en vente et de chercher un autre chez-soi aux dimensions plus raisonnables. Seules conditions: la maison devra être ancienne et avoir une âme. Peut-être même un autre fantôme. Chut... 

LA PROPRIÉTÉ EN BREF

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Il y a deux salons en enfilade dans la partie de gauche de la maison. Les fenêtres offrent beaucoup de clarté dans cette propriété dont la disposition a été prévue pour recevoir le plus de soleil possible.

Prix demandé : 4 700 000 $

Année de construction: 1848

Pièces: 8 pièces comprenant 4 chambres, 4 salles de bains, 1 salle d'eau, 2 foyers (non utilisés). Appartement intergénérationnel entièrement rénové comprenant 2 chambres, 2 salles de bains, 1 salle d'eau.

Superficie du terrain: 11 394 pi2

Évaluation municipale: 1 891 100 $

Impôt foncier: 15 174 $

Taxe scolaire: 3259 $

Courtière: Liza Kaufman, Sotheby's International Realty Québec LK

Consultez la fiche de la propriété: https://www.centris.ca/fr/maison~a-vendre~ville-marie-montreal/13058334

PHOTO FOURNIE PAR SOTHEBY'S INTERNATIONAL REALTY LK

Voici la vue du hall d'entrée à partir de l'escalier. On notera le grand foyer ainsi que les poutres qui se trouvent aux plafonds du rez-de-chaussée. Chacune a été restaurée, tout comme les panneaux blancs qui avaient été peints de différentes couleurs au fil des ans.