L'endroit nous semblait familier. La magnifique façade en pierre, percée d'ouvertures arquées, nous rappelait des souvenirs. Et tout à coup, ça nous est revenu. Nous étions en face de l'ancien édifice du Devoir.

«Le quotidien n'a occupé les lieux que durant deux décennies, mais c'est vrai qu'il a laissé des marques», nous a confirmé Paul Tremblay, le propriétaire de l'appartement du troisième qui nous attendait au bas de l'escalier.

Bâti au milieu du XIXe siècle, l'édifice patrimonial de la rue Saint-Sacrement a connu plusieurs vies. En 1998, il a finalement été restauré et réaménagé en copropriétés par la Ville de Montréal qui souhaitait conserver son esprit classique. C'est ce qui a attiré M. Tremblay. «Je cherchais un édifice avec du caractère!»

L'homme d'affaires avait déjà craqué pour une propriété de la même époque sur la Rive-Sud. Non seulement l'avait-il entièrement rénovée, mais il s'était découvert un certain talent pour l'aménagement paysager. «Après tout ça, j'étais prêt à entreprendre un autre projet.» Il confie donc ses visées à son courtier immobilier qui lui suggère plutôt de visiter des appartements dans le Vieux-Montréal. «Je n'avais jamais habité dans un appartement, encore moins dans le Vieux-Montréal; ce secteur ne m'attirait pas plus que ça. En plus, compte tenu de mes possessions auxquelles je tenais (meubles, lampes, accessoires, etc.), ça me prenait une grande surface, de hauts plafonds et un coin silencieux!» Va pour les hauts plafonds, mais pour le silence? Mais le courtier a insisté.

Le condo qui l'a finalement séduit était composé en fait de deux unités réunies par le propriétaire précédent. «L'appartement était moderne, je penchais plutôt vers le classique, mais il avait tout ce que je souhaitais: de belles fenêtres, de la clarté, des plafonds de 12 pi et on n'entendait rien. Mais, dans ma tête, ça bourdonnait! Je voyais déjà l'appartement transformé!»

Il entreprend donc des rénovations extrêmes où tout y passe: cuisine, salles de bains, foyers, portes, moulures, cadrages... Pendant des semaines, il surveille les travaux effectués par un entrepreneur général. Son but ultime: exposer ses «belles choses» accumulées au fil des ans. «On a conçu les rénovations pour les mettre en évidence.» Les meubles sont, pour la plupart, des reproductions fabriquées en France. Les à-côtés ont été glanés chez des antiquaires d'un peu partout.

Le foyer en marbre de la chambre principale est une trouvaille chez un antiquaire montréalais. Les appliques du mur de l'entrée également. M. Tremblay a repéré en France un immense miroir qu'il a fait livrer ici. «J'ai dû l'envoyer à Toronto pour réparer le tain et un artisan a refait le cadrage.» D'ailleurs, toutes les antiquités ont subi un lifting pour les remettre en valeur. 

Le coeur du condo

La cuisine occupe beaucoup d'espace dans l'appartement, comme il se doit. Ne serait-ce qu'en raison de l'îlot, qui lie la pièce à la salle à manger et au salon. Les surfaces de travail, tout comme le parquet, sont en marbre de Carrare strié de veinures grises. Une enfilade d'armoires en bois couleur d'ébène côtoie la cuisinière au gaz. Derrière une porte coulissante, identique aux autres de l'appartement, se cache un garde-manger, un butler's pantry.

L'effet général confère beaucoup d'élégance à cet appartement qui pourrait être celui d'une certaine bourgeoisie d'une autre époque.

Malgré ses réserves initiales, M. Tremblay a adoré son séjour de cinq ans dans le Vieux-Montréal. «La vie de ce quartier me manquera beaucoup.» Il cherche maintenant une plus grande maison, histoire de mieux exposer ses trouvailles. «Une maison avec un sous-sol, de hauts plafonds, un coin silencieux... avec du caractère!»

Un peu d'histoire

En 1850, un premier Merchants' Exchange and Reading Room of Montreal est construit pour accueillir des hommes d'affaires qui échangeaient sur les questions économiques de l'heure. L'édifice est détruit par un incendie en 1865. En 1883, après sa reconstruction, il est vendu à un groupe de grands financiers et la Bourse de Montréal en occupe le deuxième étage. En 1891, la famille de John Ogilvie (la farine, pas le magasin!) l'achète et le modifie en remplaçant l'étage des combles par un étage au toit plat. En 1919, la Marconi Wireless Telegraph Company of Canada l'acquiert et y reste jusqu'en 1947. Le Devoir l'achète en 1972 et quitte les lieux 20 ans plus tard. La propriété a reçu l'Award Merit 2016 de l'Association canadienne des experts-conseils en patrimoine.

Photo Kurt Jawinski, fournie par l’agence Sutton

C'est ce qu'on aperçoit en entrant dans l'appartement. La crédence a été fabriquée sur mesure pour mettre en évidence les appliques (il y en a deux) et le miroir du corridor. Le divan est un souvenir de famille.

La propriété en bref

Prix demandé: 999 000 $

Année de construction: 1850

Pièces: 7 pièces comprenant 3 chambres, 1 salle de bains, 1 salle d'eau, 2 foyers au gaz. Deux stationnements extérieurs disponibles.

Superficie utile: 1905 pi2

Évaluation municipale: 842 500 $

Charges de copropriété: 10 980 $ (inclus dans les frais: chauffage, entretien, administration, assurance de l'immeuble et participation au fonds de prévoyance)

Impôt foncier: 6839 $

Taxes scolaires: 1497 $

Courtière: Danielle Alarie, Groupe Sutton Centre-ouest, 514 730-8708

Voir la fiche de la propriété: http://www.centris.ca/fr/condos~for-sale~ville-marie-montreal/11068271

Photo Kurt Jawinski, fournie par l’agence Sutton

Le foyer en pierre a été construit sur place.