Mon sympathique voisin m'aborde sur le trottoir: «Penses-tu qu'il est temps de convertir mon système de chauffage au mazout à l'électricité?»

Mon sympathique voisin m'aborde sur le trottoir: «Penses-tu qu'il est temps de convertir mon système de chauffage au mazout à l'électricité?»

 Il voit ses factures de mazout augmenter sans discontinuer depuis quatre ans. Sa dernière livraison lui a coûté 500$. C'est la goutte qui a fait déborder le réservoir - lequel devra sans doute être remplacé sous peu. «Je pourrais faire faire les travaux de conversion au printemps. Penses-tu que sur dix ans, ce serait rentable?»

 Bonne question. «Il faudrait faire des calculs sur la base de ta consommation.»

 Pour évaluer la rentabilité, il faut savoir quels sont ses coûts actuels en énergie et en entretien. On doit évaluer ensuite combien coûterait le remplacement par un nouveau système. Il faut établir enfin quels seraient les frais annuels de ce dernier. Il ne restera plus qu'à vérifier en combien de temps les économies présumées permettraient de combler le coût du remplacement.

 Simple en théorie, mais en pratique, les impondérables sont nombreux et les marges d'erreur peuvent être larges comme une fluctuation de prix de carburant.

 Quand changer?

 Vaut-il la peine de lancer le grand dérangement? Selon Benoît Légaré, ingénieur et conseiller à l'Agence de l'efficacité énergétique, la question ne devrait se poser qu'à l'approche du terme de la vie utile du système. «Pour un équipement qui est relativement récent, de moins de 15 ans, il est peu probable qu'il soit rentable de le remplacer par une autre forme d'énergie, soutient-il. Il faut des équipements relativement vieux.»

 En effet, plus l'appareil est jeune, plus il est efficace, et moins les économies produites par un nouveau système seront importantes. Même logique lorsque les charges de chauffage sont basses. «Moins on consomme, plus il est difficile de rentabiliser un équipement coûteux», avise Benoit Légaré.

 L'autre facteur est le prix de l'énergie: durant la période d'amortissement de l'équipement, l'écart entre le mazout et les autres sources va-t-il se maintenir, se rétrécir, s'élargir? «C'est un peu comme jouer à la Bourse», commente-t-il. «Le gros problème, c'est qu'il faut faire des projections sur la durée de vie des équipements. Un système à air chaud dure de 25 à 30 ans, et un système à eau chaude, plus longtemps encore.»

 Pas de geste précipité

 Le président de l'Association québécoise de chauffage au mazout, Jean-Maurice Lauzon, martèle un message: consultez d'abord votre fournisseur. «Nous préconisons de faire évaluer le système de chauffage, puis de voir si la biénergie ne serait pas une solution», insiste-t-il. Cette avenue, fait-il valoir, permet de conserver le mazout en réserve.

 Dans le même esprit, Henri Bouchard, directeur du service technique de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, recommande un test d'efficacité, qui mesurera le taux de CO2 dans le conduit menant à la cheminée, et une lecture de la température des gaz d'évacuation. «Il y a moyen de rendre l'appareil plus efficace», assure-t-il: des ajustements au gicleur, des modifications à la chambre de combustion pourraient apporter des améliorations d'efficacité de l'ordre de 10 à 15%.

Combien consommez-vous?

 Notre voisin estime sa consommation annuelle à 1100 litres, sur la base des factures de la saison automne 2006-hiver 2007, les seules qu'il ait conservées.

 Idéalement, il faudrait calculer une moyenne de consommation sur trois ou quatre ans, pour avoir un échantillon plus représentatif.

 Comme le fait valoir Camille Gagnon, conseiller en efficacité énergétique résidentielle, les remplissages de début ou de fin de saison perturbent le calcul et il est difficile d'établir une consommation moyenne avec les factures d'une seule année.

 Quelle est la charge de chauffage?

 La consommation moyenne en litres de mazout servira à établir approximativement la charge de chauffage de la propriété. Cette charge dépend en large partie de l'efficacité du brûleur. Les spécialistes estiment qu'un brûleur de plus de 20 ans est efficace à 60%. Un appareil de 10 à 20 ans utilise 70% du pouvoir calorique du combustible. Les brûleurs modernes atteignent 83%.

 Le brûleur de notre voisin date de plus de 20 ans. Nous le créditons donc d'une efficacité de 60%. Sur les 1100 litres qu'il consomme par saison, 660 litres (60% de 1100) servent véritablement à chauffer. Or chaque litre de mazout donne l'équivalent de 10,79 kWh en pouvoir calorique. La charge de chauffage de notre voisin est donc de 7120 kWh (660 x 10,79). C'est ce que devra produire le nouveau système pendant une saison.

 Combien coûtera le mazout?

 «À Montréal, on payait le mazout 90,44 cents/litre cette semaine, alors qu'à pareille date l'an dernier, le prix était de 71,11 cents/litre», énonce Pierre Méthé, de la Régie de l'énergie.

 Comment les prix vont-ils évoluer? Consciente de la position délicate de son industrie, Sonia Marcotte, présidente-directrice générale de l'Association québécoise des indépendants du pétrole, fait avant tout valoir le confort de cette forme de chauffage, et rappelle que le mazout a longtemps été la source d'énergie la plus économique. «Les prix peuvent baisser», insiste-t-elle. «On ne sait pas ce qui va se passer. Nous n'avons pas de boule de cristal.»

 Pour les besoins de notre calcul, il nous faut établir une valeur de référence. Comme nous ne pouvons présumer de l'avenir, la solution la plus raisonnable consiste encore à travailler avec les prix actuels. Dans la région de Montréal, le prix moyen pour la saison 2007-2008, s'établit jusqu'à présent à 0,7915$/litre avant taxes (semaine du 4 février).

 Pour la consommation de 1100 litres de notre voisin, il en coûte donc 979$, taxes incluses.

 Et combien coûtera l'énergie de remplacement?

 Après les récentes baisses de prix, le gaz et l'électricité sont à peu près également avantageux, si on considère les appareils les plus performants. Le problème est évidemment que le passé n'est pas garant de l'avenir. Encore une fois, nous retiendrons en référence le prix actuel, estimé à 62,4¢/m3 pour une maison standard.

 Nous ne pouvons dès lors qu'appliquer la même logique à l'électricité. Nous utiliserons le tarif de second niveau de 0,0703$/kWh en vigueur depuis avril 2007.

 Tout comme pour le mazout, le pouvoir calorique du gaz sera converti en kWh, au taux de 10,53 kWh/m3.

 Quels sont les autres coûts?

 Il faut tenir compte des frais d'entretien du brûleur au mazout, qui varient entre 100$ et 150$ par année, selon les fournisseurs. Ajoutez encore le ramonage de la cheminée, pour 25 à 50$.

 On doit également considérer les coûts de remplacement des éléments connexes. Si on conserve le système actuel, quand faudra-t-il remplacer le réservoir? Un nouveau réservoir coûte de 1000$ à 1700$, selon le type et la qualité - double paroi, fibres de verre, etc.

 Pour le gaz, il faut compter avec des frais d'entretien d'environ 200$ à 250$ par année - certains mentionnent des programmes pleinement garantis à près de 300$.

 Un système entièrement à l'électricité ne demande que très peu d'entretien: pour le principe, inscrivons 25$ par année, notamment pour le remplacement des filtres à air.

 Dans le cas de notre voisin, retenons des coûts d'entretien de 150$, pour une facture annuelle totale de 1129$.

Le coût des appareils de remplacement

 Les installations électriques Richard Duval est une entreprise fort occupée ces temps-ci. «Beaucoup de gens nous appellent pour de l'information, confie Richard Duval: ils ont reçu une grosse facture de mazout et ils veulent se débarrasser de leur système!»

 À quel coût? Le remplacement d'un système au mazout par un système tout électrique coûterait de 4500 à 8000$ pour un système à eau chaude, et de 2500 à 3500$ pour un système à air chaud. Les connexions électriques et de plomberie, de même que le retrait de l'ancien équipement, sont compris dans ces fourchettes.

 Il sera peut-être nécessaire de modifier l'entrée électrique, qui doit avoir une capacité minimale de 200 ampères. Selon Richard Duval, la mise à niveau peut coûter de 2200 à 3500$.

 Pour leur part, les appareils au gaz, une fois les divers rabais et réductions appliqués, coûtent entre 4600$ et 6900$, selon Gaz Métro.

 La biénergie

 Parce qu'on n'aura pas à retirer le système au mazout, l'ajout d'un système électrique en biénergie coûtera approximativement le même prix - peut-être 300$ de plus - qu'un remplacement complet.

 Dans le cas d'un système à air chaud, l'installation d'un chauffe-air électrique dans le plénum transformera un système au mazout en système biénergie pour 1500$ à 2500$.

 On pourra également opter pour une thermopompe, mais les avis sur son efficacité hivernale sont partagés. La question de sa rentabilité mériterait un dossier en soi.

 La biénergie présente le grand avantage de réduire la facture totale d'électricité d'une maisonnée. Tant que la température extérieure se maintient à -12 °C ou plus (sud de la province), le tarif est de 4,08¢/kWh. Au dessous de cette barre, le tarif passe à 17,55¢, mais le chauffage au mazout entre alors en action.

 En supposant une proportion de 72% de chauffage à l'électricité et de 28% en chauffage au mazout à une efficacité de 80%, le coût comparatif du kWh peut être établi à environ 5¢.

 Et le mazout?

 Une infime minorité opte pour le mazout en solution de remplacement. Pour un système à eau chaude, l'installation d'un système de nouvelle génération coûtera entre 4500$ et 8000$.

 Pour un système à air chaud, prévoyez une fourchette de 3000$ à 4500$, chemisage de la cheminée incluse.

 Les distributeurs de mazout résidentiel se préoccupent de la viabilité à moyen terme de leur commerce. Déjà, dans certaines régions, la clientèle est devenue suffisamment clairsemée pour ébranler les distributeurs.

 L'Association québécoise de chauffage au mazout fait d'ailleurs des représentations auprès du ministère des Ressources naturelles pour la mise sur pied d'un programme incitatif qui favoriserait le remplacement d'un système au mazout existant par un nouvel appareil certifié Energy Star.

 «Ça réduirait la facture de notre client et ça lui permettrait d'accéder à des équipements de pointe», fait valoir son président Jean-Maurice Lauzon, qui jugerait néfaste pour la province que cette forme d'énergie disparaisse.

 «On aimerait bien qu'un programme soit en place pour la saison 2008-2009.»

 Complétons le calcul

 Supposons que notre voisin opte pour une chaudière tout électrique, au coût d'environ 5000$, taxes incluses.

 Son entrée électrique doit être portée à 200 ampères, ce qui ajouterait 2400$ à la facture. Au total: 7400$.

 Sa charge de chauffage de 7420 kWh produirait une facture de 562$ (taxes incluses), soit 587$ par année avec des frais annuels d'entretien de 25$.

 Si les prix de l'énergie se maintiennent, notre voisin réaliserait ainsi des économies d'énergie de 542$ par année. Dans notre exemple, il rentabiliserait son investissement de 7400$ en 13 ans.

 Cette méthode d'évaluation est la plus courante, mais idéalement, il aurait fallu tenir compte de la dépréciation de l'équipement sur 25 ans et du coût d'opportunité, c'est-à-dire du rendement que le capital immobilisé pour le remplacement aurait pu produire (ou, à défaut, des intérêts sur l'emprunt nécessaire).

 Pour fins de simplification (!), nous n'avons considéré que les économies directes et l'amortissement.

D'autres solutions...

 Si le brûleur date de 15 ans ou davantage, son remplacement par un brûleur efficace à 82%, au coût d'environ 1000$, permettrait une réduction de la consommation de mazout de l'ordre de 10%, estiment certains.

 Le conseiller en efficacité énergétique résidentielle Camille Gagnon croit pour sa part qu'une fois lancé, mieux vaut changer l'ensemble du système, pour profiter à plein des développements technologiques.

 Attention, toutefois: il est possible qu'il faille faire chemiser la cheminée, à un coût qui peut varier de 600$ à 1000$.

 En effet, les gaz de combustion, moins chauds, se condensent plus facilement sur les parois, et se transforment en coulées acides qui peuvent attaquer la maçonnerie.

 Pour réduire les coûts de chauffage avec un système à eau chaude, Richard Duval recommande l'installation d'un contrôle électronique qui adapte la température de l'eau à la température extérieure. En automne et au printemps, il est en effet contreproductif de porter la température de l'eau à 160 ou 180 °F, alors que 130 °F suffirait.

 Il estime que ce dispositif peut apporter des économies de 200 à 300$ par année.

 Les entrepreneurs en électricité peuvent également installer un modèle manuel pour 250$ à 300$. Il faut faire l'ajustement de température soi-même, mais «le contrôle se paie dans un printemps», assure M. Duval.

 Isolation du toit

 L'enveloppe du bâtiment est un autre endroit où l'argent pourrait être mieux investi que dans un changement de système prématuré.

 Un toit mieux isolé, par exemple, peut sensiblement diminuer la facture de chauffage.

 Enfin, de petits gestes peu coûteux, sinon gratuits, peuvent avoir une grande influence: nettoyer ou changer le filtre à air, par exemple.

 «Les gens n'y portent pas attention et ne le nettoient pas, déplore Henri Bouchard, de la CMMTQ. Ça cause de sérieux problèmes à l'appareil. Si le filtre est bouché, on perd beaucoup d'efficacité.»

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Pour évaluer vos coûts


 Vous pouvez utiliser l'outil de calcul proposé sur le site de l'Agence d'efficacité énergétique du Québec (www.aee.gouv.qc.ca).

 Ressources naturelles Canada propose aussi une méthode comparaison, sur le site de l'Office d'efficacité énergétique (oee.nrcan.gc.ca).

   

Grille de calcul (partie 1)