Le Québec n’est pas à l’abri d’un tremblement de terre majeur, estime-t-on dans un nouveau rapport national d’évaluation des risques de catastrophe. Nos bâtiments peuvent-ils parer cette éventualité ? Patrick Paultre, titulaire de la chaire de recherche en dynamique des structures à l’Université de Sherbrooke, répond à nos questions.

Quels sont les risques de tremblement de terre au Québec ?

Au départ, il faut faire la distinction entre l’aléa sismique et les risques sismiques. L’aléa sismique, c’est la possibilité qu’il se produise un tremblement de terre d’un certain niveau à un lieu donné. À ce chapitre, la Colombie-Britannique, en particulier à Vancouver, est la région la plus susceptible de connaître de très, très grands séismes en raison de l’existence de grandes failles dans la géologie de l’Ouest canadien.

Il n’existe pas de telles failles au Québec, mais il se produit tout de même régulièrement des tremblements de terre. On sait, par exemple, que la région de Charlevoix a déjà été frappée par un très fort séisme au XVIIe siècle. [NDLR : la zone sismique de Charlevoix a connu au moins cinq séismes d’une magnitude supérieure à 6,0 au cours des quatre derniers siècles.]

Or, la superficie exposée lors d’un tremblement de terre est plus grande dans l’Est que dans l’Ouest. Un séisme dans Charlevoix se fera ressentir jusqu’à New York, alors que dans l’Ouest, on ne ressent plus rien après une centaine de kilomètres.

PHOTO FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

Patrick Paultre, titulaire de la chaire de recherche en dynamique des structures à l’Université de Sherbrooke

Quelle est la différence avec un risque sismique ?

Le risque, c’est le produit de l’aléa et des possibilités de pertes humaines et économiques. La ville avec le plus haut risque au Canada, c’est évidemment Vancouver. Mais celle qui vient au deuxième rang, c’est Montréal, parce que c’est une grande ville, avec énormément de population et de bâtiments, et dont l’aléa n’est pas négligeable. Si on tient compte de ces deux facteurs, cela entraîne un risque sismique très élevé.

La Commission géologique du Canada s’occupe de l’évaluation de l’aléa sismique dans tout le pays et met à jour ses données pratiquement tous les cinq ans. La dernière édition date d’à peine 2020 avec de nouvelles connaissances et de nouvelles modélisations.

Nos édifices sont-ils construits en conséquence de cet aléa ?

Les données de la Commission géologique du Canada sont prises en compte dans ce qu’on appelle le Code national du bâtiment du Canada. C’est un code modèle qui est adopté par chaque province. Le dernier Code du bâtiment du Québec date de 2015 et, donc, ne tient pas compte des données de 2020. Par contre, la plupart des bureaux de génie-conseil vont utiliser les éditions les plus récentes du code et des normes du Canada.

Ce code indique aux ingénieurs les forces à appliquer sur les structures pour qu’elles résistent à un séisme. Il y a des normes pour les structures de béton, d’acier, de maçonnerie, etc. Tout bâtiment important doit respecter ces normes et, donc, doit être dimensionné en tenant compte de l’aléa sismique. Ces normes sont plus élevées pour les bâtiments importants qui doivent absolument continuer de fonctionner en cas de séisme, comme les hôpitaux.

À quand remontent les débuts des normes parasismiques ?

Des normes ont été développées aux États-Unis à la suite du grand tremblement de terre de San Francisco en 1906. Le Canada a suivi dans les années 1930 et 1940, mais les connaissances n’étaient pas adaptées. À l’époque, on ne connaissait pas le calcul dynamique ni le comportement dynamique des bâtiments. On traitait le séisme comme le vent, mais les charges étaient nettement trop faibles.

On peut véritablement parler d’un code et de normes parasismiques modernes à partir des années 1970. Depuis ce temps, les recherches conduites au Canada, aux États-Unis, en Europe, au Japon, partout dans le monde, nous ont permis de développer des méthodes de construction qui se sont améliorées jusqu’à nos jours.

Une grande partie de Montréal a cependant été construite avant 1970. Peut-on améliorer les capacités parasismiques d’un édifice ?

Les bâtiments ont été construits avec des normes non adaptées. La bonne nouvelle, c’est que dès qu’un bâtiment change de vocation, par exemple une usine convertie en immeuble d’appartements, il faut mettre le bâtiment à jour avec les nouvelles normes de construction. C’est obligatoire selon la loi.

Il existe donc des moyens d’améliorer la résistance d’un bâtiment aux tremblements de terre ?

Bien sûr, il y a toute une série de méthodes qui peuvent être utilisées pour améliorer la résistance aux tremblements de terre. Ce n’est pas un problème, on connaît ces méthodes appliquées à travers le monde. Il y a moyen d’améliorer des bâtiments en acier, en béton ou en maçonnerie. Même les bâtiments historiques et patrimoniaux doivent être mis à jour selon les nouveaux codes de construction.

Quel conseil peut-on donner aux propriétaires de petits plex centenaires à Montréal qui font tomber des murs pour s’offrir de grandes pièces ouvertes ?

Il est essentiel de consulter un ingénieur en structures. Il faut qu’un ingénieur évalue les changements projetés et qu’il s’assure par calcul que le projet est sécuritaire.

En conclusion, quelle est la principale qualité d’une architecture parasismique ?

Éviter l’effondrement. C’est la règle principale qui nous dirige. Pas d’effondrement, pas de perte de vies humaines. Le bâtiment peut subir des dommages très importants. La structure sera peut-être remplacée ou détruite, mais on ne veut pas qu’il y ait d’effondrement et qu’il y ait de perte de vies humaines. C’est la règle numéro un de tout ingénieur en structures.