Près de 60 % des clients du courtier immobilier Benjamin Guillou-Nisin sont français, belges ou suisses francophones. Neuf clients sur dix de Parwana Sherzad sont d’origine afghane, alors que la totalité des clients d’En Xie sont chinois. Tous ont en commun de chercher un courtier qui comprend leur culture avant de commencer les visites.

La première raison pour laquelle de nombreux acheteurs se tournent vers En Xie est la langue parlée. « La plupart de mes clients parlent mandarin ou cantonais, et ils ont de la difficulté à s’exprimer avec aisance en français ou en anglais, explique le courtier du Groupe Sutton. Ils ont besoin de quelqu’un qui parle leur langue pour affronter le marché immobilier. Ça les sécurise. »

Une réalité partagée par les clients afghans de Parwana Sherzad, courtière chez RE/MAX. « Je parle leur langue et je connais leurs valeurs, alors ça permet de briser la glace au premier contact. Ils se sentent plus à l’aise et ils arrivent à mieux exprimer leurs besoins. »

Même si les Européens francophones doivent apprivoiser les accents québécois, ils n’ont pas à composer avec une réelle barrière linguistique. Toutefois, ils apprécient l’idée de collaborer avec un courtier qui connaît leurs origines. « Quand j’ai devant moi une famille belge, je sais de quelle région elle vient, je peux parler de sa ville ou de l’actualité de son pays, explique Benjamin Guillou-Nisin, de Royal LePage. Je sais qui ils sont et d’où ils viennent. »

Ayant lui-même immigré au Canada, il comprend le processus qui les attend. « J’ai à cœur de partager ce que j’ai vécu en m’installant, les difficultés et les contraintes, ajoute-t-il. Je peux jouer un rôle de passerelle, parce que je sais comment ça fonctionnait chez eux et j’ai compris comment ça fonctionne ici. »

De son côté, Parwana Sherzad a vécu 12 ans en Afghanistan avant d’émigrer. Elle comprend donc les valeurs traditionnelles de son pays.

Beaucoup de personnes de mon âge ont de la difficulté à comprendre la culture de notre pays d’origine. Comme j’ai vécu là-bas et que je suis arrivée ici jeune, j’arrive à saisir les besoins des personnes plus âgées.

Parwana Sherzad, courtière chez RE/MAX

Des besoins différents

Les clients afghans sont particulièrement séduits par des propriétés vastes. « Ils cherchent une grande maison, parce que leurs familles sont nombreuses, précise-t-elle. Ils souhaitent également un sous-sol spacieux, car ils organisent souvent des évènements pouvant accueillir jusqu’à 40 personnes. »

Au-delà des pieds carrés et de la décoration, plusieurs acheteurs chinois s’intéressent au feng shui. Soit le flot de la fortune, de la chance, de la famille et de bien d’autres éléments. « Quand j’invite un client à visiter une propriété, je prends d’abord une boussole pour savoir dans quelle direction se trouve le nord, dit En Xie. Selon la coutume, l’avant de la maison doit être orienté au sud et l’arrière au nord. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

En Xie, courtier du Groupe Sutton

Si l’avant de la propriété donne plutôt vert l’est et l’arrière vers l’ouest, quantité de clients verront la situation d’un mauvais œil. « Je leur explique parfois qu’au Canada, il est préférable qu’une propriété soit face à l’est, en raison du climat. »

Il doit également considérer la vue offerte. « Peu importe le type de propriété, si tu ouvres la porte et que tu vois directement la cour arrière, ça signifie que la fortune et la chance vont s’envoler. »

Vulgariser les règles

En immobilier, qui prend pays prend… un nouvel ensemble de règles et d’usages. Selon Benjamin Guillou-Nisin, le marché québécois est beaucoup plus facile d’accès. « Un client peut choisir un courtier qui va le représenter, l’emmener visiter des propriétés et négocier toutes les conditions. En France et en Belgique, il faut aller d’agence en agence pour voir les propriétés à vendre dans chacune. C’est rare qu’elles échangent leurs informations. »

Pire encore, la plupart des Français et des Belges n’ont pas accès à l’historique des comparables.

En France, je dois presque mettre un doigt mouillé dans le vent pour savoir à peu près combien vaut une propriété. Il faut être un grand expert pour savoir combien s’est vendue chaque maison. Ici, on a accès à tout, tout de suite.

Benjamin Guillou-Nisin, courtier de Royal LePage

Par ailleurs, le financement est loin d’être un copié-collé entre l’Europe francophone et le Québec. Par exemple, le dossier de crédit n’a aucune influence. Et il n’y a pas de préqualification. « Vous allez voir votre banque, elle regarde votre profil et vous dit combien vous pourriez emprunter et quelle mise de fonds investir », explique le courtier québéco-français.

« Les Français et les Belges sont habitués à magasiner les conditions de leur prêt tout au long du processus, presque jusqu’au rendez-vous chez le notaire, ajoute-t-il. Au Québec, on s’occupe de la préqualif et de l’approbation finale, mais c’est plus rare qu’on magasine entre les deux. »

Parwana Sherzad doit quant à elle veiller au grain à chaque étape : recherche de propriétés, visites, lecture des documents, promesse d’achat, etc. « Parfois, les courtiers ne se présentent pas à l’inspection, mais moi, je dois vraiment accompagner mes clients pour tout traduire, les rassurer et fournir certaines informations. »

Pas de taxes !

La majorité des villes chinoises n’imposent pas de taxes municipales à leurs habitants. Cependant, les propriétaires ne sont pas totalement propriétaires.

En Chine, on achète une propriété sans la posséder de façon permanente, un peu comme une location pour 50 ou 70 ans. Quand les Chinois arrivent au Québec, ils réalisent qu’ils vont posséder leur propriété et pouvoir la léguer à leurs enfants et leurs petits-enfants.

En Xie, courtier du Groupe Sutton

Les différents frais doivent également être mis en contexte pour les Français et les Belges. « Chez eux, les frais de notaire sont globalisés : c’est-à-dire que le notaire perçoit en même temps ses frais et l’équivalent des taxes foncières, dit M. Guillou-Nisin. Du coup, plusieurs de mes clients ont l’impression qu’ils payaient énormément en France ou en Belgique, et que c’est très abordable ici. Finalement, c’est simplement perçu à un moment différent. »

Autre question temporelle : le délai de rétractation. « En France, ils ont jusqu’à 21 jours pour changer d’avis sur une promesse d’achat, alors qu’en Belgique, ça peut aller jusqu’à quatre semaines, dit Benjamin Guillou-Nisin. Ici, le délai d’inspection et de financement est très court. C’est donc très important pour mes clients d’avoir quelqu’un qui peut faire les liens entre leur lieu d’origine et celui où ils s’installent. »