L’arrondissement de Saint-Laurent a effectué un virage vert il y a presque 20 ans, prenant le pari de lutter contre les changements climatiques. Tout projet de construction, qu’il soit municipal, institutionnel, industriel, commercial ou résidentiel, doit s’inscrire dans une vision de développement durable, qui privilégie l’obtention de la certification LEED. Résultat ? L’arrondissement montréalais est, haut la main, l’endroit où il se construit le plus d’habitations écologiques au Québec.

« À une certaine époque, Saint-Laurent a voulu le développement à tout prix, et l’environnement n’était pas la première priorité, indique le maire Alan DeSousa, en poste depuis 2001. En tant que maire, j’ai voulu qu’on ait une vision beaucoup plus équilibrée du développement, en prenant en considération la protection du milieu naturel, les vélos, les espaces verts, la protection de notre héritage. Ce sont des éléments que je trouvais importants pour la qualité de vie des citoyens. »

« En 2004, quand on a commencé notre virage environnement, poursuit le maire, on était précurseurs parce qu’on a voulu réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Chaque action dans chaque créneau tendait dans cette direction. C’était essentiel de prendre en compte les bâtiments résidentiels. Ce qu’on bâtit aujourd’hui va durer une centaine d’années. »

On ne peut pas se réveiller, dire qu’il y a urgence climatique et qu’on va être carboneutre en 2050 si on ne fait pas des gestes aujourd’hui. Nous, ça fait déjà une vingtaine d’années qu’on travaille sur cela, et ça donne des résultats.

Alan DeSousa, maire de l’arrondissement de Saint-Laurent

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

L’arrondissement de Saint-Laurent s’urbanise, comme le démontre cette vue du quartier Bois-Franc. Depuis plusieurs années, les habitations sont construites en visant la certification écologique LEED.

D’une superficie de 42,8 km2, Saint-Laurent est le plus grand arrondissement de Montréal. La proximité de grands axes routiers et de l’aéroport Montréal-Trudeau est l’une des forces du territoire, dont plus de 70 % sont consacrés à des activités industrielles et commerciales.

C’est aussi l’un des endroits les plus actifs à Montréal en matière de construction résidentielle. Depuis 1991, la population, en grande majorité issue de l’immigration, a augmenté de 31 565 habitants (sur un total de 103 967 habitants en 2022). Malgré cette forte croissance, les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 43,8 % par habitant, comparativement à 1990.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Alan DeSousa et Éric Paquet, directeur de l’aménagement urbain et des services aux entreprises, travaillent étroitement ensemble. Le maire DeSousa tient d’ailleurs à souligner le travail effectué par les membres de son équipe.

« Saint-Laurent s’urbanise, souligne Éric Paquet, directeur de l’aménagement urbain et des services aux entreprises. Alors que son succès dans les années 1970 était lié à l’automobile, une nouvelle culture s’est implantée graduellement depuis 20 ans, tournée vers le transport collectif, la création de quartiers plus denses avec des espaces verts, des rues où les piétons, les cyclistes et les automobilistes ont chacun un espace confortable. Chaque projet fait l’objet de discussions et de négociations. Les promoteurs savent, quand ils viennent dans Saint-Laurent, qu’il faut se casser la tête. »

Donner l’exemple

En 2009, Alan DeSousa a joué un rôle crucial dans l’adoption, par la Ville de Montréal, d’une politique de développement durable pour les édifices municipaux. Depuis, dans la métropole, toute nouvelle construction municipale de plus de 500 m⁠2 doit viser minimalement la certification LEED Or et toute rénovation majeure doit être faite selon les critères LEED Argent.

Grâce à l’appui des conseillers de Saint-Laurent, une approche similaire s’applique de façon cohérente dans toutes les sphères d’activité, d’un bout à l’autre de l’arrondissement.

« On essaie de provoquer une révolution, même en ce qui a trait au logement abordable, fait remarquer M. DeSousa. On nous trouvait un peu fous, en voulant que le projet Accès Condos près de la gare Bois-Franc soit LEED. Le Phoenix a été certifié LEED Argent en 2011 et il fonctionne très bien. Et la coopérative d’habitation Laurentienne, qui sera prochainement construite, visera une certification LEED Or. »

ILLUSTRATION 2 ARCHITECTURE, FOURNIE PAR BÂTIR SON QUARTIER

La coopérative d’habitation Laurentienne comprendra 169 logements, dont 75 % seront des logements sociaux, répartis sur 8 étages. L’immeuble sera construit à l’intersection des boulevards Henri-Bourassa et Marcel-Laurin, à l’intérieur de la zone TOD (Transit-Oriented Development) de Bois-Franc. Le projet, qui vise une certification LEED Or est coordonné par le Groupe de ressources techniques Bâtir son quartier.

Au moyen d’une grille de points, le système d’évaluation LEED (pour Leadership in Energy and Environmental Design) encourage la construction d’habitations qui consomment moins de ressources naturelles, d’énergie et d’eau, produisent moins de déchets, tout en ayant moins de polluants à l’intérieur. Au Québec, les constructions sont inspectées par l’organisme indépendant Évaluations Écohabitation. Celui-ci fournit des chiffres éloquents. Dans Saint-Laurent, de 2012 à aujourd’hui, 1578 logements ont été homologués et 2505 sont en voie de certification, pour un total de 4083 logements. Pour donner une idée, une seule habitation a été homologuée de la sorte à Laval.

ILLUSTRATION FOURNIE PAR SAINT-LAURENT

Cité Midtown, en construction près de l’autoroute Métropolitaine, devrait comprendre à terme cinq immeubles multifamiliaux (dont un comportera des logements sociaux) et six bâtiments avec des maisons superposées. Exceptionnellement, les bâtiments ne viseront pas la certifications LEED. Le quartier, plutôt, a obtenu la certification LEED AQ (Aménagement de quartier).

De l’audace

« Il faut saluer Alan DeSousa pour son audace, indique Emmanuel Cosgrove, directeur général d’Écohabitation et évaluateur sénior LEED Canada pour les habitations. Depuis une décennie, il tient son bout avec ses PPCMOI [Projets particuliers de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble]. C’est un outil d’urbanisme qui vise les terrains en particulier. »

Dans Saint-Laurent, si tu n’es pas LEED Argent, désolé, tu n’auras pas de permis. Les villes peuvent le faire. Là, ils l’ont fait et ils continuent de le faire. Les promoteurs s’y habituent. Ils n’ont pas le choix et personne ne se plaint.

Emmanuel Cosgrove, directeur général d’Écohabitation

« Et cela prend une certaine longévité, ajoute-t-il. DeSousa est un pilier dans Saint-Laurent. Il a décidé qu’il ne laisserait pas son arrondissement se transformer n’importe comment. »

Les municipalités disposent de trois outils, explique M. Cosgrove de façon très imagée. « Il y a les cymbales, qui font du bruit pour conscientiser la population et l’amener dans le bon sens. Il y a ensuite les carottes, donc les incitatifs. L’âne court après la carotte et cela marche. Puis il y a le bâton, qui force l’âne à avancer, quand les cymbales et les carottes ne vont pas assez vite à leur goût. DeSousa emploie le bâton. Wow ! Des milliers de logements ont été construits à faible consommation d’eau, plus efficaces énergétiquement, porte après porte, avec un moindre impact sur l’environnement. Cela prend du leadership politique. »

Dans Saint-Laurent, la réglementation évolue constamment afin de réduire les émissions de GES, encourageant notamment l’installation de panneaux solaires sur les toits, l’installation de jardins collectifs, la réduction et le verdissement des stationnements pour diminuer les îlots de chaleur. Un ambitieux corridor de biodiversité sera créé au cours des deux prochaines décennies. L’arrivée de cinq stations du Réseau express métropolitain (REM), par ailleurs, aura un impact majeur sur l’aménagement du territoire. L’arrondissement maintient le cap, luttant concrètement, de toutes sortes de façons, contre les changements climatiques.

En savoir plus
  • Des efforts récompensés
    Le maire Alan DeSousa a obtenu plusieurs prix décernés par le Conseil du bâtiment durable (2014), la Fédération canadienne des municipalités (2014), l’Ordre des urbanistes du Québec (2015), l’Institut royal d’architecture du Canada (2017) et l’Ordre des architectes du Québec (2019).
    source : arrondissement de Saint-Laurent