Une maison difficile à vendre, qu’est-ce que c’est ? Les courtiers d’expérience nous diront que pour chaque produit immobilier, un type d’acheteur s’y intéressera. Maisons en piteux état, maisons incendiées en partie, maison où l’on a fait la culture du cannabis, chaque vente est différente, mais une chose est primordiale : la transparence.

Les institutions financières ont resserré les critères d’accessibilité à la propriété. Et comme, de nos jours, les prêteurs analysent en profondeur les dossiers, y compris la déclaration du vendeur, il peut être difficile pour un client d’acheter une maison qui nécessite des travaux majeurs ou qui aurait été la proie des flammes. « Ça peut arriver que l’on doive expliquer aux acheteurs que, malgré leur projet, le financement sera difficile à obtenir et qu’il vaut peut-être mieux regarder d’autres produits. On chemine avec eux. Par contre, nous ne sommes pas là pour décider pour les gens. On essaie de leur faire voir l’ampleur qu’un projet représente. On fait un scénario ensemble : coût de démolition, tests de sol, études environnementales, excavation, décontamination, etc. », précise Pierre Ménard, courtier immobilier agréé et fondateur de PME Groupe Immobilier.

Le courtier n’est peut-être pas celui qui remettra en question le projet d’un acheteur en s’interrogeant sur ses compétences en rénovation, mais le prêteur, oui. Tout d’abord, pour des projets de rénovation allant jusqu’à 40 000 $, les prêteurs n’auront pas d’exigences de compétence. Si l’emprunteur veut se lancer dans les rénovations et éviter certains coûts de main-d’œuvre, c’est possible. « Il faut s’assurer de savoir ce que l’on fait. Un prêteur n’augmentera pas son financement parce qu’on a fait des erreurs coûteuses. Par contre, lorsqu’il s’agit d’une construction neuve ou des rénovations majeures, un entrepreneur en construction sera exigé. Très peu de banques financent de l’autoconstruction », précise Éric Chamelot, vice-président, solutions hypothécaires, chez Multi-Prêts Hypothèques. Ce dernier ajoute que lorsque les travaux touchent la structure, dans des cas de déficiences majeures ou après un incendie, par exemple, peu de prêteurs sont à l’aise de financer.

Trouver preneur

Vendre ce type de propriété n’est pas un casse-tête pour les courtiers, mais demande plutôt une approche différente. « C’est davantage une question de stratégie de mise en marché. Comme courtier, on se questionne sur la valeur optimale de la propriété. Il faut voir la valeur là où certains n’arriveraient pas à la voir », illustre Pierre Ménard, qui vend actuellement une propriété à Rigaud présentée comme une occasion pour investisseurs. Tout est à refaire à l’intérieur, mais le terrain est très bien situé.

À la suite de vérifications auprès de la municipalité, on nous dit qu’il y a un besoin criant de logements neufs. Il est là, le potentiel. Ce que l’on vise ? Ce sont les entrepreneurs qui seront capables de démolir et reconstruire pour aller chercher le maximum de valeur pour cette propriété, et non pas de jeunes acheteurs qui s’arrêtent au prix très bas et qui s’imaginent la rénover.

Pierre Ménard

Pourtant, ces jeunes acheteurs motivés existent bien. Pierre Ménard a reçu des appels de premiers acheteurs intéressés par la propriété et qui s’imaginaient pouvoir la rénover au fil du temps. Le courtier n’a d’autre choix que de les orienter vers un produit qui correspond mieux à leurs besoins.

À chaque vendeur son acheteur

Il ne faut pas stigmatiser les produits, comme le suggère le courtier.

« On doit faire ses recherches de façon adéquate, tout en étant accompagné des bons experts, rappelle Pierre Ménard. Ce ne sont pas toutes les maisons à rénover, où il y a eu un incendie ou encore qui ont été utilisées pour de la culture du cannabis qui ne sont pas de bonnes affaires. Il ne faut pas oublier que cette période de vérification diligente permet à l’acheteur d’en apprendre plus et peut-être décider de se retirer, si ce qu’il découvre ne lui convient pas. »

Le cas du cannabis

Les bâtiments qui ont abrité des cultures de cannabis sont souvent des propriétés qui ont perdu beaucoup de valeur et qui sont vendues sans garantie légale, aux risques et périls des acheteurs. C’est pourquoi certains y voient une aubaine. « Il faut savoir que le prix est en conséquence de deux aspects : les coûts de décontamination et le fait que peu de banques acceptent de financer leur achat. Souvent, les acheteurs doivent se tourner vers des prêteurs privés et des taux d’intérêt plus élevés », prévient Éric Chamelot.

Du côté du courtier, la règle d’or, c’est la divulgation, ajoute pour sa part Pierre Ménard. « D’un point de vue marketing, on décrit ce qu’il y a sur les lieux sans nécessairement mettre de l’avant la culture de cannabis puisqu’elle figure déjà dans la déclaration du vendeur. » 

Il assure néanmoins qu’il encourage fortement les acheteurs, et même les vendeurs, à faire tous les tests nécessaires pour bien mesurer l’impact de la culture sur la propriété.

Des obligations claires

Peu importe le type de transaction, le courtier doit agir avec transparence et intégrité. Il est donc tenu d’informer toutes les parties de la transaction de tout facteur dont il a connaissance pouvant affecter défavorablement la transaction.

Par exemple, dans le cas d’une maison qui a servi pour la culture de cannabis, le courtier, lorsqu’il est mis au courant, doit aviser son client par écrit, sans délai. Le courtier a aussi le devoir de conseil envers son client. Il devra donc l’informer des problèmes potentiels liés à l’achat de ce type de propriété.

Marie-Ève Bellemare-Tessier, de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ)

« Le courtier doit tenir compte de ses aptitudes et des limites de ses connaissances, et recommander d’avoir recours à un expert reconnu, lorsque la protection des intérêts d’une des parties à la transaction l’exige », détaille Marie-Ève Bellemare-Tessier.

Omettre de divulguer qu’il y a eu culture de cannabis dans une maison peut d’ailleurs coûter cher. En épluchant la jurisprudence à ce sujet, on note que plusieurs décisions tant à la Cour des petites créances qu’à la Cour supérieure condamnent les vendeurs, et parfois même les courtiers, à verser des sommes importantes aux nouveaux acquéreurs qui n’auraient pas été informés de l’activité illicite.