(Saint-Élie-de-Caxton) Il y a trois ans, Benoit Trudel, 30 ans, s’est embarqué dans un « projet de fou » : faire revivre une vieille maison datant de la fin du XIXe siècle que plusieurs croyaient vouée à la démolition. « Je rêvais à cela depuis des années, dit-il d’entrée de jeu. J’aime les maisons qui ont une histoire. »

Avec sa formation de maçon acquise à Trois-Rivières et une expérience de travail sur des projets de restauration dans l’Ouest canadien, il a entrepris de redonner son caractère d’antan à la propriété construite en 1890, une pièce sur pièce qui avait subi plusieurs transformations au fil du temps.

« J’ai tout arraché : le gypse, le revêtement extérieur en vinyle, les prélarts, la céramique, explique-t-il. J’ai fait tomber les cloisons, ramené les planchers au bois de planches, comme c’était il y a près de 130 ans. Je savais qu’il y avait du potentiel. J’en ai travaillé un coup ! »

Une maison sans électricité

PHOTO STÉPHANE LESSARD, COLLABORATION SPÉCIALE

Benoit Trudel, qui a une formation de maçon et une expérience de travail sur des projets de restauration, a entrepris de redonner son caractère d’antan à la propriété construite en 1890.

Il faut comprendre que la maison était inhabitée depuis six mois lorsque Benoit Trudel en a fait l’acquisition, son propriétaire, Jacques « Jack » Langlois, étant décédé depuis peu. Pour la petite histoire, M. Langlois, un joueur d’harmonica, était un personnage légendaire dans son village. Il avait même accompagné Nicolas Pellerin, du trio Les Grands Hurleurs, lors d’un spectacle devant 600 personnes.

« J’ai visité la maison en plein hiver avec le frère de Jack, en m’éclairant à la chandelle et en tassant les toiles d’araignées. Il n’y avait même pas d’électricité. C’était quelque chose ! », raconte-t-il en riant.

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Avec des pierres provenant de tous les coins du Québec, Benoit Trudel a donné du relief et de la profondeur aux murs extérieurs de la vieille maison, ainsi qu’au mur intérieur menant aux chambres du deuxième étage.

Au cours de sa visite, il avait appris que la maison avait été « déménagée » de quelques centaines de mètres, à la fin des années 60, pour permettre la construction d’une résidence pour personnes âgées…

Il a payé 70 000 $ pour cette mal-aimée, en fonction de son budget, tout en étant conscient qu’il allait devoir s’investir dans des travaux exigeants.

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Benoit Trudel a dénudé les murs intérieurs et extérieurs, arraché les vieilles planches, enlevé les clous.

Il ne regrette pas sa décision. Il croit même que la valeur de la propriété aura plus que doublé quand il aura rangé son marteau et ses outils, bien que ce ne soit pas là sa principale motivation.

Ce qui motivait mon choix d’acheter cette maison amochée, c’était de savoir que je pouvais voir l’avant et l’après. Je voulais la façonner à ma manière, avec du bois qui avait du vécu et des pierres bien taillées.

Benoit Trudel

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Il a par la suite fixé les pierres.

Des pierres aux formes variées

C’est d’ailleurs avec des pierres provenant de tous les coins du Québec, qu’il ramassait depuis six ans déjà, au cours de ses vacances estivales en Gaspésie et dans Chaudière-Appalaches, qu’il a donné du relief et de la profondeur aux murs extérieurs de la vieille maison, ainsi qu’au mur intérieur menant aux chambres du deuxième étage.

« Pour tout dire, j’avais 10 palettes de pierres entreposées dans la cour arrière de mes parents [qui vivent également à Saint-Élie-de-Caxton], précise-t-il. Avec toutes ces pierres aux formes variées, j’avais tout ce qu’il fallait pour entreprendre les travaux de réfection ! »

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Benoit Trudel ne compte plus les heures consacrées à redonner du lustre à cette propriété.

Mais avant de fixer les pierres, le maçon a dénudé les murs intérieurs et extérieurs, arraché les vieilles planches, enlevé les clous.

« J’ai récupéré 90 % des matériaux ! Je tenais à ce que ce projet tienne compte de l’environnement. C’était plus long, plus compliqué, mais tellement valorisant », fait-il valoir.

Aujourd’hui, les poutres d’origine sont bien visibles dans la maison d’époque et la petite famille — sa conjointe MariLyne et ses deux filles — marche sur des planches en bois qui ont résisté au temps.

Un mur à la fois

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Aujourd’hui, les poutres d’origine sont bien visibles dans la maison d’époque.

Benoit Trudel en convient : les travaux de restauration sont toutefois loin d’être terminés. « Au deuxième étage de la maison, dit-il, il y a un grenier que je veux enlever pour faire place à un toit cathédrale, toujours avec les planches d’origine de la maison. J’ai hâte de voir les résultats. »

Et il compte transformer le vide sanitaire en un véritable sous-sol. Cette fois, la tâche s’annonce particulièrement ardue.

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Une vue du coin lavage

« J’ai commencé à creuser ça à la main, à coups de pelle ! C’est un sol rocailleux. Je n’ai guère le choix de procéder autrement, en raison de l’espace restreint pour bien manœuvrer », constate le professeur d’arts martiaux qui s’illustre à l’échelle internationale.

Le passionné de vieilles maisons ne compte plus les heures consacrées à redonner du lustre à cette propriété. Il travaille souvent en solitaire, mais quand il a besoin de bras, il peut compter sur l’aide d’amis, de voisins, de sa famille, son père étant habile, lui aussi, avec des outils de menuiserie.

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La maison a retrouvé son lustre d’antan.

« C’est agréable de pouvoir s’aider, plaide-t-il. On s’échange des services, des biens utiles. On a créé des liens d’amitié, ce sont des valeurs qui me tiennent à cœur. »

Chose certaine, le projet de Benoit Trudel fait beaucoup jaser dans le village de Fred Pellerin. Certains racontent même que le regretté Jack Langlois écarquillerait les yeux s’il voyait comment sa maison est en train de reprendre vie…