Trois entrepreneurs québécois veulent révolutionner l'univers immobilier résidentiel, une tour de logements à la fois. Leur pari ? Les copropriétaires et les locataires sont prêts à se fier à la technologie pour avoir des services à domicile et utiliser les équipements à leur disposition.

« Il n'y a rien de plus frustrant que de prendre l'ascenseur avec son assiette remplie de viande et d'arriver sur la terrasse pour voir huit personnes en ligne devant les barbecues. C'est mieux si on peut réserver sa place avant de monter », indique Charles Lachance, qui baigne dans le milieu de la construction résidentielle depuis toujours et a vu un besoin lorsqu'il s'est occupé du service à la clientèle dans l'entreprise de son père.

« Les gens posent les mêmes questions quand ils prennent possession de leur condo, a-t-il constaté. Qui puis-je employer pour laver les vitres, où se trouve le nettoyeur le plus proche ? Le système de communication entre les résidants et les gestionnaires varie aussi d'un immeuble à l'autre. C'est souvent pêle-mêle, avec des avis sur un babillard ou une feuille dans l'ascenseur. On veut centraliser tout cela. »

Le jeune homme de 25 ans, diplômé en marketing, a soumis son idée à Thierry Skoda, du même âge, recommandé par des amis communs. L'ingénieur en informatique, diplômé en génie logiciel à Polytechnique Montréal, était fraîchement rentré de Silicon Valley, où il avait participé pendant un an au programme Y Combinator, un accélérateur d'entreprises qui choisit 100 entreprises en démarrage tous les six mois et leur donne accès à du financement (120 000 $) et à du mentorat. Il a décidé de consacrer son énergie à ce projet. Eric McCutcheon est ensuite entré en jeu, mettant son expertise en développement des affaires à profit.

Le trio voit loin, en se proposant de rendre les immeubles intelligents grâce à une application au nom sympathique, Walter, qui répond aux besoins spécifiques de chacune des tours d'habitation. Il devient ainsi possible de réserver la salle de fête, la suite ou un court de tennis. Retenir les services d'une équipe de ménage, d'un entraîneur personnel ou d'un promeneur de chien est tout aussi simple. Le concierge virtuel donne par ailleurs accès aux messages des gestionnaires (le garage sera lavé à tel moment ou la piscine sur le toit ouvrira à telle date). Il facilite aussi la gestion de la réception des colis. Il est même relié au service vocal Alexa, d'Amazon, et s'acquitte des commandes faites de vive voix.

« Les gens veulent avoir une réponse à leurs questions tout de suite. Ce peut être l'horaire du cours de yoga ou la procédure pour les déchets. »

- Eric McCutcheon

Les services offerts varient en fonction des préférences des utilisateurs. Sur la Rive-Sud, les gestionnaires d'un immeuble où demeurent des personnes de 55 ans et plus ont demandé l'accès à des poseurs de pneus à domicile. D'autres permettent le nettoyage de voitures à la vapeur. Les entreprises sont approuvées préalablement et offrent leurs services en exclusivité au sein d'un immeuble tant qu'elles conservent une excellente cote de satisfaction.

« On garantit que les tarifs sont les mêmes ou meilleurs que si les gens faisaient affaire avec les entreprises sur une base individuelle », assure Charles Lachance.

Walter rejoint déjà 6000 portes, dont le tiers se trouve dans des immeubles non encore occupés, à différents stades de commercialisation et de construction. Les édifices comportent en moyenne 120 portes et se trouvent dans Griffintown, dans le Vieux-Montréal, au centre-ville, près du marché Jean-Talon, dans les banlieues nord et sud de Montréal. Le plus imposant projet, le CentraCondos (devant le Centre Bell), comptera 660 portes lorsqu'il sera érigé. L'application permet déjà aux futurs copropriétaires de consulter le plan de leur condo et de choisir les matériaux. Elle les tient également au courant de l'avancement des travaux.

« Pour les acheteurs, un comptoir en quartz et des planchers en bois d'ingénierie ne suffisent plus. Ils s'attendent à plus. Dans un marché très compétitif, les promoteurs essaient de se distinguer par les services qu'ils offrent. »

- Eric McCutcheon

Les promoteurs et gestionnaires immobiliers déboursent 1 $ par unité par mois. L'application ne coûte rien aux particuliers. Thierry Skoda continue à perfectionner Walter. Dans un jour pas si lointain, il sera possible de savoir quels appareils sont libres dans la salle d'entraînement. Adieu, allers-retours frustrants.

Consultez le site de Walter.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Thierry Skoda, Eric McCutcheon et Charles Lachance voient grand avec leur application au nom sympathique, Walter. Leur ambition : rendre les immeubles résidentiels intelligents.