Qui ne conserve pas de précieux souvenirs de la maison de son enfance ? Au cours des prochaines semaines, La Presse permettra à des lecteurs — qui ont répondu à notre appel à tous — de retourner dans la demeure qui les a vu grandir.
Aujourd’hui : quatre membres de la famille Gaulin remettent les pieds dans le bungalow qu’ils ont été les premiers à habiter, de 1957 à 2002, à Laval-des-Rapides.

Le bungalow où ont grandi les cinq enfants de Gilberte Lachance et Jean-Jacques Gaulin ressemble à tous ceux construits à la fin des années 50, avec son revêtement de pierre grise et de brique rouge. Mais aux yeux de sa famille, sa construction n’a rien d’ordinaire.

Jean-Jacques Gaulin a manié la scie et le marteau sans relâche en 1956 et 1957 pour bâtir un nid pour sa famille, qui habitait rue de Chambly, à Montréal.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

La maison aujourd’hui.

« Mon mari finissait de travailler à 14 h 30 et il revenait chez nous à 21 h ou 21 h 30, se rappelle Gilberte Lachance-Gaulin. Pendant une secousse, il n’a pas vu les enfants. »

Le couple avait à l’époque quatre enfants : Louise, Jean-Pierre, Raymond et Claire. Cette dernière avait 9 mois lorsque la famille a emménagé dans la maison, en février 1957. La plus jeune, Hélène, naîtra quelques années plus tard.

Jean-Pierre Gaulin n’a pas oublié l’été où son père lui a confié la tâche d’enlever tous les clous dans les planches de bois qui avaient servi pour le coffrage de la fondation. Il avait 7 ans. Le bois a été réutilisé pour faire la toiture.

PHOTO FOURNIE PAR CLAIRE GAULIN

Construction de la maison des Gaulin, à Laval-des-Rapides, juin 1956. On aperçoit le coffrage de la fondation. Le bois du coffrage sera réutilisé pour la toiture, grâce au bon travail de Jean-Pierre Gaulin, 7 ans, qui a patiemment arraché tous les clous.

« Papa ne pouvait pas avoir d’hypothèque, révèle Claire Gaulin. À la Caisse populaire, on lui a dit de commencer et de montrer son bon-vouloir. Quand quelque chose était fait, comme la fondation ou les murs, il devait retourner pour obtenir un prêt pour continuer. »

Il a construit selon un budget qu’il n’avait pas. Il fallait vraiment avoir du guts. Il a été absent pendant un bon bout de temps.

Claire Gaulin

« Le père de ma mère, Edmond Lachance, et d’autres membres de la famille l’ont aidé », ajoute-t-elle.

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Août 1968. La famille Gaulin est réunie au complet devant sa maison, à Laval-des-Rapides. À l’arrière, on aperçoit les parents, Jean-Jacques et Gilberte, ainsi que Jean-Pierre. Raymond, Louise et Claire sont au centre, tandis qu’Hélène, la benjamine, se trouve à l’avant.

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Construction de la maison des Gaulin, 
à Laval-des-Rapides, juin 1956. Edmond Lachance, père de Gilberte Lachance-Gaulin, 
a aidé son gendre Jean-Jacques Gaulin lorsque celui-ci a construit sa maison.

Jean-Jacques Gaulin est mort en 2004. Gilberte Lachance-Gaulin a maintenant 97 ans. C’est avec un mélange d’émotions qu’elle est retournée dans la maison où elle a vécu pendant 45 ans. Ses enfants Louise, Jean-Pierre et Claire l’accompagnaient.

Un couple a d’abord acheté la maison, en 2002, et n’y est resté que cinq ans. Il a presque tout laissé intact. En 2007, Fariba Amerinia et Khaled Farid ont pris la relève. Ils ont reçu les visiteurs à bras ouverts.

Accueil chaleureux

Mme Lachance-Gaulin et sa fille Claire sont arrivées en premier. Elles faisaient connaissance avec leurs hôtes, dans le salon, lorsque Louise et Jean-Pierre les ont rejoints.

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Khaled Farid et Fariba Amerinia ont rapidement mis à l’aise Gilberte Lachance-Gaulin et ses enfants.

« Cela me rappelle beaucoup de souvenirs, a souligné Mme Lachance-Gaulin, très élégante dans sa robe fleurie. Mon mari a travaillé ! Il a tout construit. »

« Quand on a acheté, un inspecteur en bâtiment a dit que la maison était une boîte en bois et que les maisons ne se construisent plus comme cela aujourd’hui », a indiqué Khaled Farid.

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Fariba Amerinia et Khaled Farid ont chaleureusement accueilli Gilberte Lachance-Gaulin et ses enfants Claire, Louise et Jean-Pierre dans la maison que la famille Gaulin a habitée de 1957 à 2002.

« Les murs sont très solides, a confirmé son épouse. Ils sont en vrai plâtre. On s’en est rendu compte quand on a mis deux garde-robes ensemble, dans notre chambre. »

Tous se sont alors amusés à comparer l’occupation des trois chambres. Au milieu du rez-de-chaussée, la chambre de Maryam, 11 ans, était autrefois celle des filles. Il y avait trois lits simples, jusqu’à ce que l’aînée s’installe dans le sous-sol, a raconté Claire Gaulin. Ses parents dormaient dans la chambre qui est dorénavant celle de Youssef, qui aura bientôt 15 ans. Près de la cuisine, l’ancienne chambre des garçons, avec ses deux lits simples, est dorénavant celle des propriétaires. Mme Lachance-Gaulin a écarquillé les yeux à la vue de l’immense penderie qui occupe un mur au complet.

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Mme Lachance-Gaulin a été un peu surprise quand elle est entrée dans son ancienne chambre, qui est maintenant celle de Youssef, qui aura bientôt 15 ans.

« Ils ont du linge ! », s’est-elle exclamée.

C’est Fariba Amerinia qui a enlevé le papier peint vert qui recouvrait les murs dans sa chambre. Et c’est elle qui a peint les murs des différentes pièces, plus d’une fois.

La découverte de la salle de bains, agrandie quelque peu et entièrement rénovée, a soulevé l’hilarité générale. « Elle est pas mal plus moderne que dans notre temps, s’est écriée Claire Gaulin. Elle était laide ! »

« Il y avait des petites céramiques rouges, s’est rappelé son frère. C’est pas mal mieux. »

Avant de pénétrer dans la cuisine, elle aussi refaite à neuf, une question était sur toutes les lèvres : avez-vous gardé la chute à linge ? La réponse : oui ! Pour être en mesure d’installer un lave-vaisselle et d’avoir un réfrigérateur plus volumineux, les armoires ont été changées et d’autres ont été ajoutées. Mais la fameuse chute, qui aboutit dans la salle de lavage, a été conservée. « C’est très pratique, a dit Mme Amerinia. J’aime beaucoup. »

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La cuisine a été entièrement rénovée. Khaled Farid et Claire Gaulin commentent les différents changements.

Les souvenirs du sous-sol sont tout aussi vifs. « Il y avait un système de son encastré et un bar », a souligné Louise. « On a tout rénové, a révélé Khaled Farid, en s’excusant presque. Le système de son a fait de la grosse chicane. Je voulais le garder, elle ne voulait pas. J’ai cédé. On a enlevé le bar. Il fallait que je fasse de l’espace. Mais on a gardé le foyer de pierre. Il ne s’en fait plus comme cela. Un ami a offert de l’acheter. Il reste ! »

S’installer à demeure

Au cours de la visite, les membres de la famille Gaulin ont cherché à en savoir davantage sur leurs hôtes. Khaled Farid, né en Égypte, a quitté son pays à 24 ans. Il est venu ici en mars 1990 en se disant qu’il repartirait après six mois s’il ne s’y plaisait pas. Il a rencontré celle qui deviendrait sa femme lors d’un séjour en Iran, pour son travail. Il est revenu avec elle !

Questionné sur le tableau bien en évidence sur l’imposant foyer de pierre, Khaled Farid a surpris tout le monde. « Mon arrière-grand-père était un des pachas de l’Égypte, a-t-il précisé. Il s’appelait Ahmad El Menchawi. J’ai vécu mon enfance, l’été, dans son palais, jusqu’à ce qu’il soit exproprié. »

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Claire Gaulin se rappelle tout particulièrement un party assez mouvementé qui a eu lieu au sous-sol. « Le bar n’est plus là, mais on est dans le même espace », a-t-elle dit.

Au cours de la rencontre, Mme Amerinia prenait des photos : tout sourire, elle a expliqué qu’elle était en communication avec son frère Amin, qui demeure à Montréal et suivait en direct ce qui se passait. « Il prend des nouvelles, a-t-elle précisé.

Je suis témoin des émotions de toute la famille, qui se rappelle de beaux souvenirs. Je sens l’excitation. Je suis très contente d’avoir vu cela.

Fariba Amerinia

Qu’est-ce qui les a amenés à acheter la maison ? « Je voulais venir à Laval, a expliqué M. Farid. Je suis impulsif et ma femme est plus modérée. On avait vu une maison à côté. On est entrés, on a fait le tour et elle a dit : “Je la veux !” Ouf ! »

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Claire Gaulin montre à Fariba Amerinia et Khaled Farid les photos qui illustrent les différentes étapes de la construction de la maison, bâtie par son père.

« En entrant, il y a quelque chose qui m’a attirée, a renchéri Mme Amerinia. Je ne peux pas l’expliquer. » 

« J’ai trouvé la maison chaleureuse, très bien entretenue », a relevé son mari.

Les visiteurs, avant de partir, ont pris le thé et goûté au gâteau que leurs hôtes leur ont offert. « Ils ont été très accueillants, a indiqué Claire Gaulin. Cela a été une belle expérience. On a beaucoup aimé qu’une autre famille semble heureuse et profite de ce que papa a construit. C’est comme un legs qu’il a fait. »