La Floride attire chaque année des milliers de «snowbirds» qui échappent aux rigueurs de l'hiver. Mais la péninsule n'attire pas que les retraités. Et malgré la faiblesse du dollar canadien, bon nombre d'investisseurs immobiliers québécois y voient un potentiel intéressant à court, moyen et long terme.

DEUX QUÉBÉCOIS RACONTENT LEUR ACHAT

Nicolas Lapointe, 43 ans, investisseur immobilier

Cet ancien analyste financier a fait ses débuts dans l'immobilier en 2004 en achetant des immeubles à revenus au Québec. Quelques années plus tard, la crise économique a frappé les États-Unis et l'a amené à tourner son regard vers la Floride.

Avant de se lancer, il a multiplié les voyages pour en apprendre plus sur la péninsule. «J'ai fait le tour plusieurs fois pour analyser les marchés, comparer les produits et en apprendre plus sur les différents secteurs.»

En 2015, il a acheté un condo à Deerfield Beach au prix de 100 000 $US. L'unité était louée 1150 $US par mois à un résidant de la Floride avec un bail annuel. Un mois plus tard, il a acquis, avec un associé, une unité de 1400 pi2 au 20e étage d'une tour d'habitation à Miami avec vue panoramique sur la baie Biscayne et l'océan. Elle était mise en vente sur un site d'encan immobilier. «Le prix de départ était 175 000 $US. On a ajouté 3000 $ de plus à la dernière seconde pour remporter l'unité à 222 000 $US», se souvient Nicolas Lapointe. Trois ans plus tard, ils l'ont revendue 345 000 $US.

Les profits dégagés ont servi à financer l'achat d'une résidence de prestige dans une île de Fort Lauderdale.

«Après un an de recherche, on a acheté une résidence de 2,2 millions US qu'on loue à 1750 $US la nuit et jusqu'à 13 000 $US par semaine, selon la période. C'est pratiquement toujours loué.»

Nicolas Lapointe insiste sur l'importance de développer ses compétences avant d'acheter. «Les gens se fient beaucoup au courtier. Mais il faut se renseigner, faire ses recherches et savoir de quoi on parle avant d'acheter.» Il invite d'ailleurs les futurs investisseurs à participer à la formation Réussir en Floride organisée par le Club d'investisseurs immobiliers du Québec du 10 au 14 décembre à Fort Lauderdale, à laquelle il participera à titre de conférencier.

«J'aurais pu investir plus tôt ici. Mais je ne regrette rien. Il y a assurément encore de bonnes affaires à faire en Floride», assure-t-il. D'ailleurs, il est actuellement en négociation pour un château italien d'inspiration toscane près de Fort Lauderdale, sur le bord de l'eau. Il attend une réponse d'ici quelques jours...

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Nicolas Lapointe insiste sur l'importance de développer ses compétences avant d'acheter une propriété aux États-Unis.

Claudia Ménard, 40 ans, courtière immobilière

En 2016, Claudia Ménard a vendu sa part d'un condo en Floride qu'elle avait acheté deux ans auparavant. Une unité face à la mer, sur la côte Est, qu'elle avait rénovée en entier. Aujourd'hui, elle retourne vers la péninsule prisée par les Québécois pour y acheter une nouvelle propriété.

Son choix s'est arrêté sur Pompano. Elle y voit un style de vie qui présente bien des similitudes avec ce qu'elle aime de Montréal. «C'est urbain, c'est jeune, ça bouge. Il y a beaucoup de restaurants, de bars, il y a un petit côté jet-set que j'aime bien. L'énergie est bonne. Je vois ça un peu comme Griffintown ou le Plateau Mont-Royal.»

Son budget se situe entre 150 000 $US et 250 000 $US. «L'économie est bien relancée, alors on ne peut plus espérer les aubaines que l'on voyait il y a quelques années. Et avec le taux de change, c'est difficile de dire qu'on fera un profit rapidement. Il faut voir à plus long terme pour espérer dégager un surplus», estime Claudia Ménard, qui achètera seule cette fois-ci. Elle projette d'utiliser le condo pendant plusieurs courtes périodes dans l'année et de le louer en son absence.

«Ce que j'aime de la Floride, c'est que c'est accessible. Le prix des billets d'avion est abordable et en seulement trois heures, je suis à destination.»

Son titre de courtière immobilière ne lui permet pas de faire des transactions en dehors de la province et Claudia Ménard insiste sur l'importance de faire affaire avec des professionnels sur place, qui connaissent bien le marché. «En tant que Québécois, nous sommes avant tout des visiteurs dans un pays qui n'est pas le nôtre, avec des règles et des marches à suivre qui diffèrent de ce à quoi on est habitué.»

Photo Martin Chamberland, La Presse

Claudia Ménard a choisi Pompano. Elle y voit un style de vie qui présente bien des similitudes avec ce qu'elle aime de Montréal.

FLAIRER LA BONNE AFFAIRE

À partir de 2008, le nombre record de reprises bancaires chez nos voisins américains et la force du dollar canadien ont créé un engouement chez les investisseurs d'ici qui souhaitaient acquérir une résidence secondaire à prix réduit. Qu'en est-il 10 ans plus tard?

Un marché en remontée

À l'époque, aux quatre coins de la Floride, des quartiers entiers se sont retrouvés inhabités, les maisons laissées vacantes à la suite des faillites des propriétaires et saisies des banques. Geneviève Bouchard, courtière immobilière dans le secteur de Pompano Beach, ne s'en cache pas : les résidences se vendaient «comme des petits pains chauds en 2008-2010». Bien que le marché ait repris de la vigueur depuis, elle considère que l'investissement demeure intéressant pour les étrangers. «Les prix actuels n'ont pas encore atteint les plafonds d'avant le creux historique», ajoute-t-elle.

Les reprises de finance encore intéressantes

Les saisies (appelées foreclosures dans le jargon américain) sont toujours nombreuses, mais elles sont plus difficiles à obtenir et plus coûteuses qu'en 2010. «Il faut être rapide et payer comptant. Idéalement, il faut être sur place, recommande Mme Bouchard. Souvent, l'offre d'achat se fait avant même d'avoir vu la propriété.»

Combien ça coûte?

Outre le prix d'achat, il faut prendre en compte plusieurs dépenses connexes. Cela comprend les charges de copropriété (entre 300 $US et 500 $US par mois), les taxes municipales (environ 2 % de la valeur de la propriété), l'assurance habitation (plus de 1000 $US annuellement), l'internet (100 $US par mois), sans oublier l'électricité.

Heureusement, la location temporaire permet d'absorber ces frais. «Pour un condo payé comptant à 200 000 $US, j'estime ces frais à environ 9000 $US. En location, on calcule une moyenne de 3000 $US par mois. C'est donc dire que si on loue trois mois, les frais fixes sont payés pour l'année», détaille Geneviève Bouchard. Attention : si la propriété est louée, une déclaration de revenus américaine doit être produite.

Des retraités, oui, mais bien plus

La gamme de prix qui intéresse les Québécois varie de 100 000 $US à 250 000 $US. Qui sont ces acheteurs? «J'ai trois investisseurs de moins de 30 ans qui viennent d'acheter ! Mais c'est surtout entre 40 et 65 ans», affirme Geneviève Bouchard en précisant que la moyenne d'âge des acheteurs diminue. On s'éloigne graduellement de l'idée préconçue selon laquelle les Québécois qui achètent en Floride sont pour la plupart des retraités.

Le président Trump refroidit certains acheteurs, mais selon Mme Bouchard, le principal élément qui peut freiner les Québécois est le taux de change. Et les ouragans? «Sur le coup, ça fait peur, mais on oublie vite, assure-t-elle. Ça reste qu'il y a énormément de Canadiens ici et je ne crois pas qu'on pourra dire un jour qu'à cause du président ou des ouragans, on n'achète plus ici.»

Le marché des condos en Floride (au 3e trimestre de 2018)

Nombre de ventes: 28 894 (augmentation de 9,5 % par rapport à 2017)

Prix médian: 182 500 $US (augmentation de 6,1 % par rapport à 2017)

Temps de vente: 86 jours (baisse de 6,5 % par rapport à 2017)

Nombre de ventes en reprise de finance:  732 (baisse de 19,3 % par rapport à 2017)

37 802 condos et maisons en rangée ont été mis sur le marché au 3e trimestre de 2018

Source: Florida Realtors

PHOTO FOURNIE PAR LE COURTIER

Bâti en 1965, ce logement en copropriété, qui comporte une chambre et une salle de bains et qui fait 820 pi2, est situé directement sur la plage à Pompano Beach. Les charges de copropriété s'élèvent à 2835 $US et les taxes sont de 3483 $US annuellement. Le logement, dont les portes et les fenêtres sont décrites comme résistantes aux ouragans, est vendu entièrement meublé.

TROUVER LA PERLE RARE

Les étapes pour devenir propriétaire à l'étranger diffèrent quelque peu de ce que l'on connaît au Québec. C'est pourquoi il faut s'informer avant de se lancer dans la recherche d'une propriété qui, à terme, permettra de dégager un bon profit.

Aidés d'un courtier installé en Floride, les futurs acheteurs sélectionnent quelques propriétés et planifient un séjour de visites au cours duquel ils arrêtent leur choix. «À moins qu'ils ne paient comptant, on demande aux gens d'être préapprouvés par une banque américaine lorsqu'ils viennent visiter et comptent déposer une offre d'achat», prévient Chantal Martel, courtière immobilière en Floride depuis 11 ans. D'ailleurs, Desjardins Bank et Nat Bank se spécialisent dans le financement destiné aux Québécois qui souhaitent acquérir une propriété en Floride.

Une fois que les parties se sont entendues sur un prix et que l'offre d'achat est acceptée, on procède à l'inspection de la propriété. Dans le cas d'un condo, il faut également bien étudier les états financiers.

On recommande d'ailleurs de faire voir ces chiffres par un spécialiste en fiscalité. La déclaration de copropriété contient, quant à elle, toute la réglementation de l'immeuble. Par exemple, dans certains cas, on limite l'accès aux 55 ans et plus, alors que, dans d'autres, on restreint ou interdit la location.

À la signature

«Dès que l'on obtient le contrat, on fait affaire avec un agent de "closing". Il joue un peu le rôle du notaire au Québec, compare Chantal Martel. C'est lui qui fait la recherche de titre pour s'assurer qu'il n'y a pas de droits sur la propriété.»

Si l'on achète une résidence située dans une communauté avec une association de propriétaires, comme c'est le cas avec un condo, il faut remplir une demande et acquitter les frais d'évaluation de dossier auprès de l'association. Dans les rares cas où la candidature serait refusée, le processus de transaction se termine automatiquement.

Une fois les conditions remplies, les acheteurs retournent devant l'agent de « closing » pour conclure la vente. Pour un achat comptant, Mme Martel parle d'un délai de transaction de moins de 30 jours. Avec financement, le processus peut s'étendre de 45 à 60 jours. Contrairement au Québec, il n'y a pas de droits de mutation immobilière («taxe de Bienvenue»), mais une taxe de départ, à la vente. Toutes ces démarches peuvent s'effectuer en français.

«Après les surplus de stocks de la crise, tout ça s'est replacé. Présentement, on est dans un marché régulier et plus stable», explique Mme Martel en précisant qu'actuellement, les ventes se concluent très près du prix demandé.

Photo Christina Mendenhall, Archives Bloomberg

De nombreux investisseurs immobiliers québécois voient un potentiel intéressant dans l'achat d'une propriété en Floride.

OURAGANS ET ASSURANCES: QU'EST-CE QU'IL FAUT SAVOIR?

En Floride, la plus grande inquiétude des assureurs est le risque accru d'ouragans, et ils ajustent les primes en conséquence. Que faut-il savoir pour assurer adéquatement sa propriété là-bas?

Rapports d'inspection

Pour une maison d'avant 2002, les assureurs demandent la windstorm mitigation inspection ainsi que la four-points inspection pour vérifier la capacité de la construction à résister aux assauts d'une tempête, explique Martin Rivard, propriétaire de Rivard Assurances, spécialiste en assurance propriété, automobile et responsabilité civile pour l'État de la Floride. On compte environ 250 $US pour ces deux rapports.

Deux franchises distinctes

Toute réclamation pour un dommage qui n'est pas lié aux ouragans est assujettie à une franchise fixe, souvent beaucoup plus élevée que ce à quoi les Québécois sont habitués. Des franchises de 5000 $US pour feu, vol ou vandalisme sont fréquentes. La franchise pour un dommage lié aux ouragans est établie en fonction d'un pourcentage de la valeur de la propriété. «Si on assure la propriété pour 600 000 $US, la franchise peut être de 2 à 5 %, soit de 12 000 à 30 000 $US», poursuit M. Rivard.

La responsabilité civile

Au Québec, il est relativement simple d'ajouter une protection responsabilité civile de 1 million de dollars à son assurance habitation. «Pour la plupart des assureurs en Floride, le maximum en responsabilité civile est de 300 000 $US ou 500 000 $US, ajoute M. Rivard. Il faut donc négocier un produit supplémentaire pour atteindre les niveaux de couverture que l'on retrouve au Québec.» Cette protection supplémentaire coûte environ 250 $US pour 2 millions.

S'y prendre à l'avance

Martin Rivard recommande d'entreprendre les démarches pour une assurance habitation le plus tôt possible dans le processus de transaction. «Les gens prennent des mois à chercher une propriété, mais nous appellent souvent à la dernière minute. Plus on a du temps pour faire les démarches auprès des assureurs, meilleure sera la police.»

Photo Will Vragovic, archives AP