Au début du mois, Karine Côté a ouvert sa porte à la mairesse de Montréal, Valérie Plante. Pendant près d'une heure, elle l'a accueillie dans son condo tout neuf, dont l'achat a été facilité par le Programme d'appui à l'acquisition résidentielle, lancé au printemps.

«Un programme existait déjà, mais celui-ci est mieux, a indiqué la maman de deux grandes filles, Florence, qui vient d'avoir 14 ans, et Élizabeth, 10 ans. J'ai pu obtenir une somme beaucoup plus importante qui me permet de payer la taxe de bienvenue et d'avoir un petit coussin pour les impôts fonciers, l'an prochain.»

Son frère l'encourageait à acheter une maison, qui aurait coûté moins cher, sur la Rive-Sud. Elle ne l'a pas écouté. «Je ne voulais pas m'éloigner du boulot et déraciner mes enfants», a expliqué l'infirmière, heureuse d'avoir pu acheter un appartement avec trois chambres dans Rosemont, près du quartier Angus.

Son choix réjouit Valérie Plante, qui voulait rencontrer une famille ayant bénéficié de la bonification du programme d'aide financière.

«Je suis pratico-pratique», a expliqué la mairesse.

«Je sais bien que les nouveaux propriétaires doivent faire plusieurs dépenses et se demandent comment amasser l'argent pour y arriver. L'ancien programme était déconnecté de la réalité des familles.»

Élargissement des critères

Le Programme d'appui à l'acquisition résidentielle, lancé le 1er juin, vise deux objectifs: aider des locataires (habitant seuls, en couple ou en famille) à acquérir une première propriété et encourager les familles déjà propriétaires, avec enfant(s) de 12 ans et moins, à demeurer à Montréal.

Des condos neufs (entre 225 000 $ et 450 000 $, selon le type de ménage et l'emplacement) sont dorénavant admissibles, ainsi que des condos existants, des maisons unifamiliales et des plex de deux à cinq logements, d'un prix maximal de 630 000 $.

Dans les cas de constructions neuves, l'aide financière varie entre 5000 $ et 15 000 $. Pour les bâtiments existants, le coup de pouce prend la forme d'un remboursement de la taxe de mutation (de 5000 $ à 7000 $).

À la tête d'une famille monoparentale, Karine Côté a hésité avant d'acheter.

«C'est la décision la plus difficile que j'ai jamais prise. Je me demandais si j'allais arriver. Mais j'étais locataire et mes deux filles partageaient la même chambre. J'ai acheté sur plan et j'ai bien planifié mes affaires. Une amie m'avait parlé du programme. S'il n'avait pas été bonifié, je n'aurais pas pu en profiter.»

Elle est passée chez le notaire après le 30 avril et a soumis sa candidature. Elle est loin d'être seule. Entre le 1er juin et le 30 septembre 2018, la Ville de Montréal a reçu plus de 900 requêtes, soit près de 3 fois plus que pour la même période en 2017.

Entre le 1er juin et le 30 septembre, par ailleurs, l'aide financière accordée a été, en moyenne, de plus de 6300 $ par dossier. C'est beaucoup plus que dans l'ancien programme, où la moyenne approchait 3760 $.

«C'est énorme, a souligné Valérie Plante. Et 88 % de ceux qui ont profité du nouveau programme étaient des familles. Recevoir 5000 $ ou 10 000 $, c'est majeur! Cela peut aider à acheter un divan dans un salon tout neuf! En devenant mairesse, je voulais améliorer la vie des familles. Il faut penser aux générations futures. Cela passe par l'habitation, pour conserver une mixité sociale et économique.»

La mobilité, le développement économique et l'habitation sont ses trois priorités, a-t-elle rappelé.

«Nous sommes la seule métropole encore abordable, a-t-elle poursuivi. Il faut qu'elle le demeure pour les étudiants, les aînés et les familles, qu'on veut pouvoir soutenir pour avoir des quartiers très diversifiés avec des jeunes et des moins jeunes.»

Avec son administration, elle s'est fixé l'ambitieux objectif de favoriser le développement de 12 000 logements sociaux et abordables au cours de son mandat. La bonification du programme d'appui à l'acquisition résidentielle et la poursuite du programme Accès Condos font partie de la stratégie adoptée.

Ce qu'ils en pensent

Trois promoteurs commentent le Programme d'appui à l'acquisition résidentielle de la Ville de Montréal.

> Laurence Vincent, coprésidente, Prével

«N'importe quoi qui favorise l'accès à la propriété, on est favorable. Mais il faut faire attention de ne pas donner d'une main et retirer de l'autre. Dans le neuf, à Montréal, la taxe de 10 % de frais de parc s'est ajustée à la valeur marchande des terrains. Une redevance de 10 $ le pied carré pour le REM s'est ajoutée aux projets à proximité. Et on parle d'une contribution plus élevée pour les logements sociaux, abordables et familiaux. Or, chaque demande fait augmenter le prix de l'habitation neuve. Pourquoi sont-ce seulement les acheteurs de condos montréalais qui subventionnent les plus démunis? Le logement social devrait être un projet de société.»

> Stéphane Côté, président, DevMcGill

«Toutes les contributions exigées, comme l'augmentation de la taxe de parc, la taxe pour le REM et la hausse du nombre d'unités abordables, passant de 15 % à 20 %, ont un coût. Si 60 % du logement doit être subventionné, qu'il soit social, abordable ou destiné à des familles, et que le promoteur doit payer tout cela, la facture sera forcément refilée aux 40 % restants. Aider l'acheteur directement est une bonne chose pour enlever le fardeau sur la classe moyenne. C'est plus pertinent d'aider directement les personnes qui en ont besoin, avec des critères de sélection et de qualification. Bravo. C'est la meilleure solution.»

> Simon G. Boyer, confondateur, associé principal, Knightsbridge

«C'est bien comme programme. Sa bonification permet à des gens d'acheter dans certains de nos projets. Le prix maximal des propriétés neuves admissibles est majoré de 5000 $, en plus, quand la certification LEED est visée. Financer les acheteurs directement est la bonne approche. La Ville de Montréal contrôle à qui elle donne une aide financière. Elle s'assure que l'argent va aux personnes qui se qualifient et en ont besoin. Imposer des contraintes aux promoteurs, cela ne marche pas. Nous n'avons pas de contrôle sur ceux qui achètent nos unités. Ce n'est pas notre rôle.»

Photo André Pichette, Archives La Presse

Laurence Vincent, coprésidente de Prével