Quand l'amour s'en est allé, que faire de la maison acquise ensemble ? Bonne ou mauvaise idée de la racheter ? Il n'existe pas de réponse unique puisque tout dépend de votre situation. Mieux vaut bien faire le tour de la question avant de prendre une décision.

Les faux pas d'une séparation

Acheter ou vendre une maison est toujours une opération stressante... à plus forte raison dans la foulée d'une séparation. Témoignage.

La semaine même où elle s'est mariée, Marie-Chantal, une jeune professionnelle, a acheté avec son nouvel époux une maison au coût de 205 000 $. Une maison en manque d'amour que le couple s'était promis de rénover. Les conjoints avaient donc contracté un prêt de 30 000 $ pour la remettre en état. 

« Il travaillait dans le domaine de la construction, alors je me suis dit que tout irait bien, mais ce n'est pas ce qui est arrivé. Il perdait continuellement son emploi parce que c'est un domaine saisonnier. Il a tranquillement pigé dans les fonds pour les rénovations pour subvenir à ses besoins », se souvient Marie-Chantal. 

Trois ans plus tard, les belles promesses et l'amour s'étaient envolés. « Les rénovations n'étaient pas terminées et celles qui l'étaient n'avaient pas été réalisées selon les règles de l'art. »

Mère de trois enfants, Marie-Chantal désire alors conserver la maison, car elle se dit que sa progéniture y sera bien et qu'elle n'aura pas à leur faire subir un déracinement. Elle devra rapidement renoncer à cette idée en raison des dettes, mais aussi de la valeur de la maison. 

« La maison était encore en travaux et elle n'avait pas pris de valeur. Aussi, comme nous étions mariés, la dette de 30 000 $ était commune. Mon ex-conjoint n'était pas solvable. Il ne pouvait pas rembourser sa part de l'emprunt et je ne pouvais pas assumer l'entièreté de la somme, c'était impossible. » Les ex-conjoints se sont donc résignés à vendre leur maison et ont touché un profit de 2700 $ lors de la vente. Mais ils doivent tous les deux continuer à rembourser le prêt de 30 000 $.

Prise 2



Quelques années plus tard, la jeune femme refait sa vie. L'amour est au rendez-vous. Pas question cette fois de se marier. Elle vit en union de fait avec son conjoint, qui lui aussi a des enfants. Ils s'achètent alors une maison à 215 000 $ et obtiennent un prêt supplémentaire de 40 000 $ pour agrandir leur nouveau foyer.

Les années passent, mais rien n'est simple dans le monde des familles recomposées. « Mes garçons n'étaient pas faciles et ils ne s'entendaient pas bien avec lui. La tension était devenue insupportable, nous avons donc mis fin à notre relation », raconte Marie-Chantal. 

Prise 3



Elle se fait un nouveau conjoint et souhaite racheter sa maison avec ce dernier, mais son ex-conjoint refuse l'idée nette. Il propose plutôt qu'elle lui vende avec assumation, c'est-à-dire qu'elle lui cède la maison et que lui, en échange, prenne l'entière responsabilité de la créance hypothécaire. « Nous devions 234 000 $. Je lui ai fait confiance et je ne me suis pas renseignée. Il m'a dit qu'avec les frais, le courtier et l'emprunt de 40 000 $ supplémentaire, nous allions perdre de l'argent si nous la vendions. »

Erreur. 

Cinq jours après qu'elle eut signé les papiers, son ex-conjoint mettait la maison en vente. La transaction lui a permis de faire plus de 40 000 $ de profit. « J'avais signé, je n'avais plus aucun recours. Je me suis vraiment fait avoir. »

Conseils



Forte de ces deux expériences, Marie-Chantal formule plusieurs recommandations pour éviter aux gens de se retrouver dans les mêmes situations qu'elle. 

D'abord, ne vous fiez pas à vos proches ou à votre ex-conjoint, allez chercher l'information par vous-même auprès de sources neutres (conseillers financiers, avocats, notaire, médiateur, etc.).

Ensuite, faites évaluer votre maison par un évaluateur indépendant. Sinon, demandez à trois courtiers d'évaluer la valeur marchande de votre maison. Soyez honnête quant à votre objectif, cela limitera les risques que la valeur soit artificiellement gonflée par les agents.

Enfin, signez un contrat de vie commune qui précise ce qu'il adviendra de la maison en cas de séparation.

Racheter sa maison... faute de mieux

Après 13 ans de relation de couple, Karl Arsenault était prêt à acheter une maison avec sa conjointe. Sans mise de fonds, le couple réussit tout de même à dénicher une maison à 184 000 $, mais doit payer des intérêts plus élevés à la banque.

Constatant l'absence d'un drain français, le couple se résigne à emprunter 14 000 $ supplémentaires. Un an plus tard, la routine et les disputes viennent fracturer la relation, au point que la réconciliation est impossible.

Les ex-conjoints décident de vendre la maison, mais la dure réalité les rattrape rapidement. La banque leur impose une pénalité de 17 500 $ pour rupture du contrat hypothécaire, sans parler des frais qu'ils devront assumer pour le courtier responsable de la vente de la maison.

« Pour arriver, on demandait 225 000 $, mais le prix était plus élevé que la valeur marchande », raconte l'homme de 39 ans. Les mois passent et, évidemment, ils n'arrivent pas à vendre la maison.

Lorsqu'il fait la rencontre de son amoureuse actuelle, Karl songe à déménager, mais son ancienne flamme l'informe qu'il doit quand même assumer sa part de l'hypothèque. Il propose à son ex-conjointe de lui acheter la maison avec assumation et de prendre en charge l'hypothèque. 

« Nous nous sommes entendus pour le bien des enfants. J'ai accepté de lui laisser les meubles, j'ai aussi pris les dettes, etc. J'ai fait en sorte que ce soit le plus équitable possible », dit Karl.

Pour être en mesure de s'acquitter de tous les frais, Karl a pu compter sur la venue de sa nouvelle conjointe dans sa maison avec qui il partage les factures. « Tout seul, je pense que j'aurais dû vivre encore longtemps avec mon ancienne conjointe, car il n'y avait pas d'autres solutions. »

Il recommande aux gens qui désirent racheter leur maison de bien évaluer leur situation financière, de contacter leur institution financière pour connaître les impacts et faire un choix éclairé et de bien évaluer la valeur marchande de sa maison.

Bon à savoir

Depuis 2015, la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ) demandait au gouvernement d'apporter des changements au sujet du paiement du droit de mutation (« taxe de bienvenue ») lorsqu'un ex-conjoint souhaite acquérir la partie de l'autre. La FCIQ a gagné sa bataille puisque depuis mars 2016, l'ex-conjoint n'a plus à payer cette taxe si le transfert de la maison entre les ex-conjoints de fait est réalisé dans les 12 mois suivant la rupture. La FCIQ souhaite toujours que le gouvernement fédéral élargisse l'admissibilité au Régime d'accès à la propriété (RAP) aux Canadiens lorsque survient un déménagement en raison d'un emploi, du décès d'un époux ou la séparation.

Y avez-vous pensé?

PAR CHOIX OU PAR OBLIGATION

Julianan Lulelaru, courtière immobilière pour Expansion Immo, croit qu'avant de prendre la décision de racheter sa maison, il est important de se poser des questions. « Pourquoi voulez-vous racheter votre maison ? Est-ce que c'est pour offrir un environnement stable aux enfants, parce que vous êtes près de votre travail ? Il ne faut pas perdre de vue que vous allez continuer de vivre avec les souvenirs de l'autre dans la maison. N'agissez pas selon vos émotions, mais de manière rationnelle. »

S'ENTENDRE D'ABORD

Selon un sondage mené pour la Chambre des notaires du Québec, 46 % des conjoints de fait pensent qu'ils détiennent le même statut que les couples mariés, ce qui n'est vraiment pas le cas. Si vous avez prévu votre séparation et avez fait un contrat de vie commune, bravo ! « Il vaut mieux s'entendre avant qu'après. Sinon, il faudra peut-être recourir au service d'un médiateur », explique le notaire Carl-Pierre.

CONTACTER LE NOTAIRE OU LA BANQUE ?

Les deux. « Il faut que la banque donne son consentement pour faire le transfert hypothécaire. Elle vous dirigera et vous dira si vos revenus sont suffisants pour effectuer le rachat », raconte Juliana Lulelaru, courtière immobilière. Le notaire, pour sa part, vérifiera que les deux noms figurent sur l'acte d'achat, vous posera des questions sur votre régime matrimonial (marié ou conjoint de fait). « Une séparation implique plusieurs aspects, la garde des enfants, l'auto, les meubles, etc. Il faut avoir tout cela en tête, et pas seulement la maison. »

LES DÉPENSES DU RACHAT

Il faut considérer la valeur marchande lorsqu'on décide de racheter, et non le prix d'achat moins le solde hypothécaire. Pour évaluer sa valeur, il faut recourir au service d'un évaluateur indépendant. Un coût qui se situe entre 400 et 750 $. Gardez en tête que la banque ne vous fera pas de cadeau si vous mettez un terme à l'hypothèque actuelle avant son échéance. Il faudra prévoir des frais pour le notaire et pour la quittance qui tourne autour de 600 $.

EN AVEZ-VOUS VRAIMENT LES MOYENS ?

Selon Statistique Canada, deux ans après une séparation ou un divorce, 43 % des femmes connaissent une baisse de revenu, comparativement à 15 % des hommes. D'où l'importance de faire son budget et de prévoir les futures dépenses - taxes municipales, taxes scolaires, assurances, frais d'énergie, de télécommunication (câble, cellulaire, etc.), rachat de meubles, coûts d'entretien, réparations, rénovations, auxquels dans certains cas, bien sûr, s'ajoute la pension alimentaire.

METTRE LES CHOSES AU CLAIR

Vous êtes maintenant le seul propriétaire de votre maison. Avez-vous pensé à mettre les choses au clair ? Il s'agit maintenant de votre maison, il (elle) ne peut plus arriver chez vous sans s'annoncer et vous faire des remarques sur les choix que vous faites et sur la manière dont vous entretenez votre domicile.