Devant les critiques de certains travailleurs autonomes, les banques insistent sur l'importance de bien préparer le dossier en prévision d'un achat et mettent de l'avant différents programmes qu'elles ont déployés pour accommoder les travailleurs autonomes.

À revenu égal, un salarié et un travailleur autonome ont, aux yeux de la banque, la même capacité d'achat, tant que le travailleur autonome est en activité depuis au moins deux ans. «Leur statut ne change rien dans leur profil d'achat de maison. Ils sont régis par les mêmes règles, les mêmes lois», précise Pascal Berger, conseiller en prêt hypothécaire pour la Banque Royale.

Aucune différence non plus du côté de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Si les revenus déclarés sont les mêmes, «les travailleurs autonomes ayant des documents confirmant leur revenu ont accès à tous les produits d'assurance-prêt hypothécaire qui visent les immeubles comptant entre un et quatre logements, offerts par la SCHL, et ils sont assujettis aux mêmes critères d'admissibilité et au même barème de primes que les emprunteurs salariés», explique la SCHL par l'entremise d'un porte-parole.

Cependant, là où les deux profils se distinguent l'un de l'autre, c'est dans la façon dont les revenus sont déclarés.

«Un salarié bénéficie d'un salaire annuel fixe: un talon de paie, un T4. Il rentre dans le cadre normatif. Un travailleur autonome peut se payer de plusieurs façons: en salaire, en dividendes, en revenus d'entreprise nets, il peut aussi ne pas se payer et réinvestir dans sa compagnie», précise Pascal Berger, de la Banque Royale.

«Pour nous, la différence entre un travailleur autonome et un travailleur salarié dépend de ce qu'il déclare comme revenu au gouvernement. Si, sur ses déclarations de revenus, il déclare les mêmes revenus qu'un salarié, on le considère comme un salarié, mais s'il déclare des revenus différents, plus bas, on devra proposer un de nos programmes spéciaux», poursuit le conseiller Pascal Berger.

Une analyse approfondie

M. Berger rappelle les quatre principaux critères pour obtenir un prêt hypothécaire: emploi à temps plein, mise de fonds disponible, antécédents de crédit satisfaisants et respect du ratio d'endettement. «C'est souvent à cause du ratio d'endettement que le travailleur autonome ne se qualifie pas. C'est à ce moment que l'on fait une analyse pour valider si, néanmoins, la personne a la capacité de rembourser son hypothèque», ajoute-t-il.

Pour arriver à qualifier ce candidat, le prêteur doit donc regarder autre chose que les revenus qui sont déclarés au fisc, et la liste est longue. États financiers, chiffre d'affaires au cours des deux ou trois dernières années, les ventes nettes, les ventes brutes, quelles sont les dépenses incluses dans les états financiers, les bénéfices non répartis à l'intérieur de l'entreprise, les investissements, l'historique de crédit, les économies que possède le travailleur, etc.

«On peut ainsi comprendre qu'une personne ne déclare peut-être pas beaucoup de revenus parce qu'elle réinvestit dans sa compagnie. Mais en fin de compte, on voit aussi qu'elle a la capacité de rembourser une hypothèque», affirme Pascal Berger.

Des scénarios pour les travailleurs autonomes

Pour Louis-François Éthier, directeur de produits, solutions de financement hypothécaire, à la Banque Nationale, différents scénarios peuvent être proposés aux futurs acheteurs qui craignent de ne pas se qualifier.

Par exemple, avec l'assureur de prêts Genworth, la Banque Nationale offre le programme Solution A pour travailleur indépendant. «Avec un historique d'affaires de deux ans, on se base sur le revenu d'affaires du client et on fait des comparaisons en fonction de l'industrie, de la durée des activités et du type d'entreprise. Ça permet au client d'emprunter avec une mise de fonds d'un minimum de 10 %», explique-t-il. Par contre, dans ce cas, la prime d'assurance-prêt est de 5,45 %. C'est beaucoup plus que celle de 2,4 % pour un prêt standard.

Autrement, on peut accorder un financement en demandant une mise de fonds plus élevée. «On se base alors sur le comportement de crédit, la valeur financière et la mise de fonds injectée dans la transaction», poursuit-il. Finalement, si le demandeur n'est pas en mesure d'entrer dans un de ces programmes, la banque envisage la possibilité de demander un endosseur ou un coemprunteur.