N'habite pas à Cité-Jardin qui veut. D'abord, il faut mettre le prix. Un demi-million au bas mot. «Pour le même investissement (405 000$ en 2005 plus le coût des rénovations faites depuis), on aurait eu une maison beaucoup plus grande en banlieue, mais il nous aurait fallu une deuxième auto», dit Richard Jaegger, père de la famille.

À ce prix, il n'y a généralement pas de garage, encore moins d'abris temporaires - cela gâcherait le paysage, champêtre, surtout après une petite neige. Les résidants regardent alors les visiteurs entrer dans leur petit «village des Laurentides», l'air de dire: «Qui êtes-vous?» Et il n'y a pas de boiseries ou de vitraux comme on en trouverait à NDG ou sur le Plateau. «Malheureusement, les maisons d'origine n'avaient pas de détails architecturaux» dit M. Jaeger, architecte de formation, qui préside l'Association des résidants de Cité-Jardin.

«Sur le plan architectural, l'ajout d'un porche avant est encouragé (à Cité-Jardin). Quand les gens s'assoient en avant, ils habitent la rue.»

Aménagement particulier

Une rangée d'arbres sépare les chaussées de la rue Viau à la hauteur du parc Maisonneuve et rafraîchit l'air l'été. Les charmantes petites maisons d'ouvriers apparaissent comme une oasis dans un désert de bitume et de briques.

C'est un quartier unique à Montréal. Il a été inspiré de cités-jardins réalisées en banlieue de Londres, de Paris et de New York à l'époque de sa conception, en 1941. La rue des Cèdres est bordée de cèdres. La rue des Chênes est bordée de chênes. Et ainsi de suite, dans un souci d'aménagement paysager hélas rarissime de nos jours. «L'été, la maison et les environs immédiats sont moins chauds (qu'ailleurs en ville)», a constaté notre interlocuteur.

Les Jaeger recherchaient un milieu campagnard. Ils ont écarté Senneville et l'Ouest-de-l'Île: trop loin, trop compliqué. («Faire le taxi» pour leurs quatre enfants, non merci!) À Saint-Léonard, leurs anciens voisins avaient rasé des bungalows pour les remplacer par «de gros cottages qui prenaient tout l'espace du terrain». La Cité-Jardin leur est apparue tout indiquée puisque les maisons y occupent tout au plus 35% des lots et que l'on y trouve des terrains considérés comme vastes en milieu urbain. Adossé au golf, le leur totalise 10 000 pi2.

Les sept rues du quartier sont des impasses. Des enfants jouent au hockey dans les rues. Ces culs-de-sac sont l'idée géniale de l'architecte-urbaniste Samuel Gitterman, Montréalais formé à McGill. «Chaque rue en impasse est, en soi, une microsociété, illustre M. Jaeger. Il y a un sentiment d'espace à demi public.»

À l'Halloween, la plupart des rues sont fermées à la circulation automobile. Il paraît qu'elles sont alors envahies de monstres et de fées...

Les plus et les moins

Pour les jeunes comme pour leur parents, la proximité de diverses institutions d'enseignement (pensionnat Notre-Dame-des-Anges, collèges Maisonneuve et Jean Eudes) constitue un avantage. «Aucun enfant n'a besoin d'une auto», note Diane Beaudoin, 48 ans, mère de Jean-Philippe (21 ans), Marc-Antoine (17 ans), Laurence (16 ans) et Pierre-Luc (10 ans). La station de métro Viau est proche.

Si le milieu est intéressant pour les piétons, le stationnement dans les rues s'avère compliqué certains jours, lors des matchs de l'Impact par exemple.

De plus, les maisons sont petites, par rapport aux normes en vogue. Elles nécessitent souvent des rénovations, ayant été érigées pour la majorité au début des années 40. Cuisine étroite, sous-sol non aménagé, isolation déficiente: «C'est énormément de travail. Je ne me serais pas vu acheter cela comme première maison», confie le père de 48 ans.

Caractère patrimonial

M. Jaeger et les bénévoles de l'Association veulent organiser des activités sociales pour entretenir les liens de bon voisinage. C'est dans leurs plans. Mais pour l'heure, leur priorité est ailleurs: il faut préserver la personnalité du quartier, après que quelques maisons eurent été agrandies «de façon totalement disproportionnée», selon une résidante de longue date citée dans un hebdo local en 2009.

Un Plan d'implantation et d'intégration architecturale est en vigueur depuis le 1er mars pour, justement, préserver l'esthétique du quartier.

On peut voir des photos de ce quartier publiées par un résidant, Pierre Chantelois, dans son blogue: https://lesbeautesdemontreal.com/2010/06/17/les-belles-de-mon-quartier/