«Je voyais des bijoux architecturaux qui s'en allaient aux rebuts alors que c'était facile de leur donner une deuxième vie», raconte Pierre Lemieux, propriétaire de l'entreprise EcoRad. Ces accessoires du patrimoine québécois, ce sont les radiateurs en fonte, qu'il sauve et réhabilite depuis plus de 30 ans, en leur permettant de bénéficier des avantages de l'électricité.

Chez EcoRad, à Saint-Jean-Port-Joli, on transforme les calorifères d'autrefois afin de les faire fonctionner à l'électricité, comme les plinthes traditionnelles, au lieu d'un système de chauffage à l'eau chaude qui nécessite du mazout.

«Dans un système à l'eau chaude, une bouilloire centrale crée de l'énergie. Les calorifères d'EcoRad possèdent chacun une minibouilloire. Ils contiennent un mélange d'eau et d'antigel et fonctionnent en circuit fermé et ils peuvent être reliés à des thermostats électroniques pour contrôler leur température», explique M. Lemieux. «C'est aussi facile à brancher qu'une plinthe électrique, avec tous les avantages du système à l'eau chaude!» assure-t-il.

Sa première transformation, Pierre Lemieux l'a réalisée en 1978. «Pourquoi refaire un produit de substitution quand celui en sa possession est tout aussi bon?» se demande-t-il alors. Pendant trois décennies, la conversion de radiateurs a été son passe-temps. Sa passion ne s'est transformée en entreprise qu'en 2007. EcoRad a d'ailleurs remporté un prix d'excellence au Salon international du design de Montréal en 2009, dans la catégorie Nouveau produit développement durable.

Outre la récupération de la fonte, Pierre Lemieux réutilise de l'antigel usagé employé dans l'industrie automobile, pour les moteurs. C'est en travaillant dans ce domaine, avant de se lancer pleinement dans l'aventure EcoRad, que M. Lemieux s'est rendu compte du potentiel de ce résidu polluant.

Efficacité énergétique

Cinquante pour cent du chiffre d'affaires d'EcoRad provient de la conversion électrique de systèmes existants et l'autre moitié de la vente de calorifères réhabilités prêts à brancher. Alors que beaucoup de bâtiments à vocation religieuse sont détruits, EcoRad récupère ces pièces utilitaires et décoratives. L'entreprise tient un inventaire d'environ 2000 radiateurs de différents styles et teintes.

EcoRad propose des calorifères à partir de 425 $ l'unité. «À long terme, le système à l'eau chaude est plus cher à l'achat, mais l'économie se paie en dedans de sept, huit ans», estime M. Lemieux. Un logiciel offert sur le site d'EcoRad (www.ecorad.ca) permet de calculer la puissance nécessaire des radiateurs, selon la grandeur des pièces de son logis.

Le proprio d'EcoRad assure que l'on peut ajuster les thermostats reliés aux radiateurs en fonte à un degré plus bas que celui nécessaire aux plinthes électriques pour atteindre le même niveau de confort. Le calorifère en fonte chauffe par radiation : en transférant la chaleur par rayonnement aux objets qui l'entourent, alors que le chauffage par convection avec plinthes électriques courantes chauffe seulement l'air ambiant.

Interrogé à ce sujet, Michel Parent, ingénieur mécanique spécialisé en thermodynamique et consultant chez TechnoSim à Saint-Jean-Chrysostome, précise qu'il est en effet possible de faire des économies avec un système de radiateurs à l'eau, mais seulement si on abaisse le point de consigne - la température désirée sur le thermostat - comparativement à celui utilisé avec des plinthes ordinaires. Côté confort, «c'est un peu comme un feu», illustre le consultant.

Plusieurs coloris sont offerts, mais M. Lemieux soutient que le noir mat est le meilleur choix, car cette couleur fait du radiateur un émetteur plus performant. M. Parent spécifie qu'un radiateur en fonte de couleur aluminium réfléchissant a un effet radiatif équivalent à une plinthe électrique. «Il n'y aura pas de gain, sauf un gain visuel!» Le calorifère couleur inox aura en effet une émissivité 75 % moins importante qu'un autre noir mat, justifie-t-il.

Pierre Lemieux croit par ailleurs que le gouvernement devrait agir en matière de chauffage, afin de créer des normes telles que celles pour l'isolation des bâtiments ou qu'Energy Star, pour les appareils ménagers. «Une petite décision gouvernementale pourrait faire une grosse différence : les plinthes électriques ne sont pas chères, mais pas efficaces! Il faudrait des règlements pour un système de chauffage plus efficace.»