La construction de condos de luxe dans le bâtiment du Mont-Jésus-Marie à Outremont s'accompagnera d'une obligation pour les futurs copropriétaires de contribuer à un fonds pour la conservation du patrimoine intérieur. Cette clause, qui constitue un précédent, devra être formulée dans la déclaration de copropriété au même titre que l'entretien de l'édifice ou la sécurité

«C'est la première fois qu'on devra inscrire ça de manière aussi claire», explique Dinu Bumbaru, le directeur des politiques d'Héritage Montréal, Dinu Bumbaru considère que cette mesure est très novatrice et pourrait servir «d'outil» à l'avenir pour protéger le patrimoine religieux dans les cas de reconversion comme un devoir de «mémoire.»

Le débat sur le changement de zonage pour permettre la construction de condos dans le couvent des soeurs de la congrégation des Saint-Noms-de-Jésus-et-de-Marie, situé au 1420 boul. du Mont-Royal, a fait rage en début de semaine dernière à l'hôtel de ville. La résolution a été votée mardi dernier par 35 voix contre 22 par le conseil municipal de Montréal.

De son côté, Me Yves Joli-Coeur, du cabinet De Grandpré Joli-Coeur, spécialiste du droit de la copropriété, considère qu'il s'agit d'une mesure «angélique» mais difficilement applicable à cause du nouveau fardeau financier qui incombera aux propriétaires. «D'expérience, je sais que déjà les copropriétaires ont du mal à payer pour les grands travaux. Et dans le cas d'églises, ils ne peuvent pas payer pour les clochers, le travail des maçons ou des tailleurs de pierre.» Il reconnaît toutefois que l'idée a du bon mais il faudra que le promoteur informe l'acheteur du budget d'opération de la copropriété et «les experts devront quantifier le coût pour assumer la conservation.»

Ici, la nouvelle clause vise d'abord et avant tout à la conservation de l'impressionnante chapelle à colonnade ornées des fresques de Guido Nincheri. Se pose aussi la question de conservation du magnifique escalier en bois de la chapelle qui pourrait être sauvé de la démolition grâce à une telle mesure de protection. Quant à l'orgue, il restera en place, selon ce que le constructeur Catania a laissé entendre. «Depuis des années, il y a un problème de protection des intérieurs des sites patrimoniaux. Dans le cas de l'église Saint-Jean-De-La-Croix, coin Saint-Laurent et Saint-Zotique, tout le décor d'une très belle qualité et d'une grande sérénité a été perdu au moment de la construction des condos», indique M. Bumbaru.

Dinu Bumbaru se félicite de cette percée mais avoue qu'il faudra trouver un mécanisme d'application réaliste. Pour Yves Joli-Coeur, c'est aussi le noeud du problème car les acheteurs ne sont pas forcément des experts en art religieux. D'où selon lui, la nécessité de l'existence d'un «chien de garde», comme en France, où l'État veille et contribue à la restauration des immeubles hausmaniens.