Le règlement d'un déversement de mazout, qui s'est produit il y a deux ans sur une propriété résidentielle de Sainte-Anne-de-Beaupré depuis un camion-citerne, n'a pas encore eu lieu. Le propriétaire, victime innocente dans tout ça, n'en peut plus. Il presse les parties en cause et leurs assureurs d'accorder leurs violons de sorte que, vite, son terrain soit décontaminé.

Voici les faits : le camion-citerne circule sur un chemin privé. Subitement, il perd pied, bascule latéralement, dévale brièvement le terrain - à pente raide, à cet endroit précis - pour heurter un arbre sur lequel il se retrouve finalement en porte-à-faux. Du mazout s'échappe d'un compartiment de la citerne.

 

Le propriétaire, Marc Lavallée, est stupéfait. Il n'a rien à voir avec tout ça. Il perd sur-le-champ la jouissance de ce morceau de terrain. Facteur aggravant, l'aire de jeu de ses enfants est limitrophe. L'accès leur en est donc désormais interdit.

De plus, M. Lavallée appréhende l'impossibilité de vendre sa propriété pour le cas où il aurait besoin de le faire. Dans l'état actuel du terrain, qui en voudrait? s'inquiète-t-il.

«Le déversement est survenu en octobre 2007. Or les assureurs [l'Union Canadienne, pour le propriétaire du chemin, André Gravel, et la Federated pour le transporteur, Les Huiles Simon Giguère] sont lents à convenir de leur responsabilité respective. Plus de deux ans que j'attends», désespère-t-il.

«Il est clair que M. Lavallée est une victime innocente et que quelqu'un doit payer», dit au Soleil la conseillère en affaires publiques du Bureau d'assurance du Canada (BAC), Anne Morin, à la lumière des informations que lui a communiquées le journal.

Le camion s'est engagé en marche arrière sur le chemin et a dérivé, prétend un témoin oculaire. «Le conducteur n'a pu entendre nos alertes. Le timbre de recul était trop bruyant.»

Le chemin, «affecté de vices de construction graves», a cédé sous le poids du véhicule, blâme la Federated qui, au reste, a intenté, en mars dernier, une poursuite de 61 000 $ en dommages-intérêts contre M. Gravel et l'Union Canadienne pour les dégâts causés au véhicule, et frais collatéraux.

Le déversement peut être attribuable au chauffeur, au chemin ou au véhicule qui a été éventuellement impropre à retenir le mazout. Ou pour toutes ces raisons.

«La cour tranchera quant à la responsabilité. Elle peut être entière ou partagée», selon Jacques Boucher du service des communications de l'Union Canadienne.

Pour en arriver là, dit-on au BAC, il faut remonter scrupuleusement la chaîne des événements.

Chose certaine, selon un représentant de l'industrie qui s'en est ouvert au Soleil, la responsabilité ne s'établit pas à partir de calculs et de modèles actuariels. Ce serait trop beau.

Pollution

En ce qui a trait à la police d'assurance personnelle de M. Lavallée, souscrite auprès de Groupe Ledor Mutuelle d'assurance, elle ne couvre pas le dommage subi. Qu'il eut été le fait de l'assuré lui-même ou d'un tiers.

Mais, demande Le Soleil à Alain Roberge, de Groupe Ledor, ne pouvez-vous intervenir auprès des autres assureurs afin de hâter le règlement de sorte que la décontamination du terrain de votre assuré ait lieu dans le meilleur délai?

Ce n'est pas la coutume, résume-t-il. Malgré cela, il a joint M. Lavallée afin de lui suggérer des pourvois. Ce dernier, par les soins d'un premier procureur qui s'est démis parce qu'il prenait sa retraite, avait déjà enjoint les parties, par mises en demeure, de décontaminer. En vain, toutefois.

De guerre lasse, Marc Lavallée est sur le point d'intenter une poursuite contre Les Huiles Simon Giguère (et son assureur, la Federated), entreprise avec laquelle existe le lien de droit, pour l'obliger à remettre son terrain en état. «En effet, c'est le véhicule du distributeur qui est la cause directe de la pollution et de mes misères», trouve-t-il.

M. Lavallée est au bout du rouleau, mais n'en reste pas moins confiant. «Avant de procéder, cependant, nous évaluerons tous les dommages», précise son nouvel avocat, Me Richard Binet.

En revanche, selon le BAC, il arrive que des assureurs décident, d'un commun accord, de réparer pour s'opposer ensuite, eu égard à la responsabilité. Comme cela s'est déjà vu, selon l'organisme.

Quant aux Huiles Simon Giguère, son président, Denis Giguère, réservé, constate seulement qu'il s'agit «d'un incident non résolu, non réglé». Néanmoins, il se félicite de ce que son entreprise ait, depuis le déversement jusqu'à présent, pris toutes ses responsabilités.