«Architecte stagiaire», le titre colle à la peau des jeunes architectes depuis la fin de leurs études. Avant d'être reçus par leur ordre professionnel, ils doivent réussir une dizaine d'examens et faire la preuve d'une expérience diversifiée. Ce qui prend en moyenne cinq ans.

«Architecte stagiaire», le titre colle à la peau des jeunes architectes depuis la fin de leurs études. Avant d'être reçus par leur ordre professionnel, ils doivent réussir une dizaine d'examens et faire la preuve d'une expérience diversifiée. Ce qui prend en moyenne cinq ans.

Grâce à l'architecte Dominique Potvin (Neurone Architecture), ce chalet rustique du Saguenay a pris des allures résolument modernes.

Résultat, la grande majorité d'entre eux réalisent leur premier projet résidentiel avant d'obtenir le titre d'architecte. C'est pourquoi plusieurs le font à leur compte, par l'entremise d'une connaissance. «C'est comme ça, au début, les contrats viennent souvent de l'ami d'un ami», dit Dominique Potvin. Si le contrat leur est confié par un cabinet, ils doivent être supervisés par un architecte d'expérience. C'est la règle.

Mettre de l'eau dans son vin

Dans tous les cas, il leur faut composer avec des acteurs restés virtuels à l'Université: les clients et les entrepreneurs. Fraîchement sortis de l'école, les jeunes architectes ont des idées novatrices plein la tête qu'ils voudraient pouvoir mettre en pratique. Or, ce n'est pas toujours ce que leurs partenaires recherchent.

Pour sa part, Bryan Dubois devait concevoir une maison dans un secteur résidentiel composé en majeure partie de cottages traditionnels. Ses clients voulaient «s'implanter sans trop se démarquer, mais sans tomber dans le cliché.»

«Généralement, les clients veulent savoir ce qu'ils ont vu, explique Bryan. Il faut essayer de trouver leurs intentions, de travailler le fond de leurs idées. Et essayer ensuite de le transposer dans une architecture contemporaine - davantage en harmonie avec son environnement.»

Ainsi, Bryan insistait pour que les fenêtres soient disposées de manière à faire entrer le plus de lumière possible. Ses clients, eux, souhaitaient seulement que celles-ci offrent la vue la plus large possible sur l'extérieur. «Disons que finalement, certaines fenêtres ont été laissées de côté», raconte Bryan.

Lorsqu'on lui a proposé d'agrandir le chalet d'un ami de son père, Dominique Potvin aussi avait son idée bien en tête. Il voulait garder le cachet «ancien» du bâtiment et, surtout, conserver les structures. En même temps, il cherchait aussi à concevoir un bâtiment original, à créer une «image forte».

L'extérieur du chalet saguenéen créé par Dominique Potvin.

Si cela n'avait pas convenu à son client, il aurait tout simplement refusé le projet. «Au bureau, dit-il, je fais moins de design. Quand je fais des projets à mon compte, je me laisse aller davantage. Je n'ai pas besoin de ça pour vivre. Donc j'en profite pour me bâtir un portfolio.»

Parmi ses grandes influences, Dominique Potvin cite volontiers le célèbre architecte américain Frank Lloyd Wright, père de l'architecture «organique». Par chance, son client était «ouvert d'esprit»; il avait confiance en lui.

Dominique a cependant eu un peu plus de difficultés avec l'entrepreneur. «Au début, raconte-t-il, il ne comprenait pas où je voulais en venir». Le jeune architecte insistait sur des notions comme la «ligne pure», le «plan rectangle parfait». Ce qui, aux yeux de l'entrepreneur, n'apparaissait pas aussi facile en pratique qu'en théorie. Bref, c'était l'éternel dilemme entre «l'artiste» et le «réaliste», selon Dominic.

Lettres de noblesse

Contrairement à Bryan et à Dominique, le premier projet résidentiel de Jean-Pierre Dufour lui a été confié par un cabinet. De plus, il ne s'agissait pas d'une maison ou d'un chalet, mais bien de 464 condos. Aussi bien dire son baptême n'a pas été de tout repos. D'autant plus que la période de construction des cinq phases a été réduite de quatre ans à un an! «Il a fallu mettre les bouchées doubles!», raconte-t-il.

Ces condos du projet des Compagnons-de-Cartier, à Sainte-Foy, sont en grande partie le fruit du travail de Jean-Pierre Dufour, architecte chez Robitaille Larouche Déry Architectes et à son compte pour Techno design. (Photo fournie par Gilles Bolduc)

Stress, difficultés à dormir, le jeune architecte devait faire ses preuves... tout en apprenant. D'un côté, il lui fallait se familiariser avec des règles municipales qu'il ne connaissait pas. Relire des pages du Code national du bâtiment qui lui avaient échappé. De l'autre, coordonner tous les travailleurs du chantier (constructeurs, entrepreneurs, ingénieurs etc.).

Vu son jeune âge, il se voyait mal sermonner ses collègues. De toute façon, les aînés n'étaient pas toujours très réceptifs à ses critiques. «Ça fait mal à leur orgueil de se faire rabrouer par un jeune. Disons qu'avant de pouvoir le faire, il faut acquérir ses lettres de noblesse.»

Heureusement, Jean-Pierre faisait affaire avec un promoteur qui était aussi l'entrepreneur. Bien que la communication entre eux n'était pas extraordinaire, le travail avançait bien «parce qu'ils savaient où ils s'en allaient». Comme Bryan et Dominic, le jeune architecte aurait bien voulu concevoir les condos en accord avec les principes de l'architecture durable, comme il l'avait appris à l'Université. «Le problème, dit-il, c'est qu'il n'y en a pas beaucoup qui acceptent, parce que ça coûte plus cher».

Conclusion? «Une chose est certaine, c'est différent en sortant de l'école, résume JeanPierre Dufour. La pratique et la théorie, ce sont deux mondes!»