Ont-elles eu affaire à des fantômes? Aucune n'en est convaincue. Mais elles sont incapables d'expliquer ce qui a pu se passer. Voici leur récit. À vous de juger.

Ont-elles eu affaire à des fantômes? Aucune n'en est convaincue. Mais elles sont incapables d'expliquer ce qui a pu se passer. Voici leur récit. À vous de juger.

Frappés

Il y a une quinzaine d'années, Nancy avait décidé d'inviter des amis du cégep pour une petite fête dans son appartement de Lévis. Ce qui s'est passé ce soir-là demeure pour elle un mystère. «Après quelques verres, quelque chose de bizarre s'est produit. Une ombre a traversé le plafond, puis la pièce, et nous avons tous été frappés (carrément percutés) par celle-ci. Certains ont reçu un coup derrière la tête, d'autres au visage, d'autres ont eu le temps de se pencher pour l'éviter.» Il n'y avait pourtant pas d'animaux, ni rien qui pouvait expliquer cette ombre mystérieuse ou le fait que tous aient été frappés. «Était-ce une hallucination collective? demande-t-elle. Peut-être...»

Mort en la demeure

Sylvie (nom fictif) a vécu deux ans dans une maison qui lui faisait peur. Il y a quelques années, son conjoint avait été transféré dans une autre ville. Juste avant de signer le bail pour louer une maison, la propriétaire leur a signalé qu'il y avait déjà eu un suicide dans la demeure. «Cette idée me dérangeait, mais nous étions un peu mal pris. Nous avons signé quand même», explique Sylvie par courriel.

Puis, un triste événement vient ébranler le jeune couple. Sylvie, enceinte de cinq mois, perd sa petite fille. Elle se confie à sa voisine, qui lui avoue que la demeure dans laquelle ils vivent est réputée hantée.

Avant de se suicider, l'homme avait pris sa femme en otage, puis il l'avait libérée. Depuis, tous les locataires qui ont résidé dans cette demeure sont décédés... de mort naturelle. Trois en trois ans. Plus leur fille. Assez pour que le couple déguerpisse.

Manifestations multiples

Des histoires étranges, Sonia, 25 ans, en a plus d'une à raconter. Elle et son père venaient de construire sa maison, sur un terrain sans histoire en Estrie, lorsque les incidents ont commencé.

La première manifestation a été l'une des plus troublantes. Il y a environ deux ans, elle et son copain ont entendu du bruit dans une armoire. Ils ont ouvert la porte, stupéfaits: l'huile de leur friteuse bouillait. Elle n'était pas branchée, d'ailleurs ils ne s'en étaient pas servi depuis plusieurs semaines.

Un soir d'hiver, en rentrant à la maison, il faisait aussi froid à l'intérieur qu'à l'extérieur. Défectuosité du système de chauffage? «La roulette du thermostat était à 0», se rappelle Sonia. Elle avait été tournée.

Et elle continue. Elle se souvient d'une fois où elle s'entraînait au sous-sol. Alors qu'elle faisait des redressements assis, le punching-bag s'était mis à se balancer, d'abord lentement, puis de plus en plus vite. Ainsi que la fois où son chien était resté figé pendant une longue minute, sans qu'elle n'arrive à le bouger, fixant le mur étrangement. Ou encore le jour où sa chaise berçante s'était mise à bouger toute seule.

«Est-ce que je deviens folle ?» s'est demandé Sonia. Mais son copain, puis son coloc, voyait bien les mêmes choses qu'elle. Malgré tout, Sonia n'a jamais songé à déménager. «Au début, c'est stressant. Mais à force d'en avoir, je devenais habituée.» Thanatologue, elle croit qu'elle était peut-être plus ouverte à ce type de manifestations.

Exorciser des esprits... ou ses frayeurs?

Sonia ne croyait pas aux exorcismes. Pourtant, il semble que des prières lui auront permis de retrouver une vie normale. Exorcise-t-on vraiment les esprits ou plutôt les peurs ou angoisses des habitants?

C'est son ex-petit ami, qui vivait toujours des manifestations insolites même en n'habitant plus la maison, qui a convaincu Sonia d'aller voir un prêtre. Ils ont raconté leurs mésaventures. Sonia entendait les prières du prêtre, sans comprendre ce qu'il murmurait. Puis, elle s'est sentie libérée d'un poids. Elle s'est mise à pleurer à chaudes larmes, sans pouvoir s'arrêter. Elle est rentrée chez elle, soulagée. C'était il y a un an. Il ne s'est plus jamais rien passé.

Au diocèse de Québec, Mgr Jean-Pierre Blais explique que les prêtres se déplacent de moins en moins chez les gens, pour ne pas les conforter dans l'impression qu'ils habitent une maison hantée. Le prêtre agit presque à titre de psychologue, en tentant de déceler les «pressions humaines» que ces individus ont à gérer et voir si ce qu'ils vivent y serait relié. Mgr Blais parle de «cheminement spirituel».

Il arrive tout de même que les prêtres vont bénir ou «libérer» une demeure. «Quand il y a eu un feu, tu as beau ouvrir les fenêtres, il (reste) une odeur de fumée. Si dans un lieu, quelqu'un a fait un acte de violence (suicide, meurtre), c'est comme s'il y avait une sorte d'imprégnation de ça.» Habituellement, les habitants retrouvent la paix. Les prières ont-elles chassé des esprits ou simplement des craintes? Ça reste à prouver.

Limites de la science

Détentrice d'un baccalauréat en psychologie, Mireille Thibault a publié trois livres sur les phénomènes de hantise. Depuis une vingtaine d'années, elle a investigué près de 40 cas dans la région de Québec. Pas de manoirs ancestraux, mais des vieilles maisons comme des neuves, des appartements aussi.

Selon elle, ces phénomènes sont simplement des réalités que la science n'explique pas... encore. Elle cherche à les comprendre, mais tente aussi d'ouvrir l'esprit des gens. «Il faut arrêter de penser que s'il y a quelque chose d'anormal, il y a un fantôme derrière ça.» Rien ne laisse supposer que ces incidents sont liés à la mort, pense-t-elle. Souvent, il n'y a pas eu de décès violent dans la maison... qui n'est pas non plus bâtie sur un cimetière indien, s'insurge-t-elle.

«Les témoignages sont exacts, là où il faut se questionner, (c'est par rapport) aux interprétations de ceux-ci.» On peut entendre des bruits qui s'apparentent à ceux des pas, mais de là à dire que ce sont ceux de grand-papa Machin, il y a une marge, illustre-t-elle.

Elle note par exemple que de nouvelles connaissances en neurologie ont permis d'éclaircir la manifestation des shallow people. Ces silhouettes noires que voyaient plusieurs personnes seraient finalement générées par le cerveau, lorsqu'une région précise est stimulée. Certains déplacements d'objets peuvent être créés par les mouvements d'un sol argileux, continue-t-elle. Un sentiment de présence peut être causé par des sons basse fréquence, émis par un ventilateur mal installé.

Certains mystères difficilement explicables seront peut-être résolus lorsque nous en saurons plus sur la notion du temps, pense-t-elle. «Est-il continu, peut-il se mêler? Est-ce que ces maisons sont situées où l'on peut percevoir le passé?» dit-elle, n'écartant aucune hypothèse. «Et si à la fin il nous reste des bons vieux fantômes, eh bien on aura des fantômes, c'est tout.»