Alors que les habitants de la vallée du Saint-Laurent avaient leur cuisine d'été, les pêcheurs gaspésiens emménageaient dans leur abri de pêcheur pour la belle saison.

Alors que les habitants de la vallée du Saint-Laurent avaient leur cuisine d'été, les pêcheurs gaspésiens emménageaient dans leur abri de pêcheur pour la belle saison.

«Pour eux, c'était plus pratique de vivre, parfois avec leur famille, dans une cabane sur le bord de la mer, un bâtiment pour ranger leurs agrès de pêche et se mettre à l'abri en arrivant à terre. C'était souvent à refaire chaque année, avec des perches ou des rondins», note Richard Gauthier, ancien conservateur en chef de Parcs Canada pour le Québec.

Le reste de l'année, «souvent, les pêcheurs habitaient dans la vallée, éloignés des grands vents, et ils s'installaient sur le bord de mer l'été», précise l'historien Mario Mimeault.

Le confort de l'abri variait d'un pêcheur et d'un secteur à l'autre. Mais dans beaucoup de cas, il s'agissait de l'équivalent d'un camp de chasse. «Il y avait peu de commodités. Ça pouvait se résumer à une table pour manger, une très petite fenêtre et un morceau de bois pour asseoir les enfants», affirme M. Gauthier.

Dans les grands établissements de pêche, la maisonnette de pêcheurs était remplacée par un spacieux cook room que les travailleurs se partageaient. «C'étaient les compagnies de pêche qui construisaient ces bâtiments plus grands pour les pêcheurs à leur solde», explique M. Gauthier.

Le Bell House, construit vers 1840 à Percé et toujours debout (c'est devenu un restaurant), est un bel exemple de ces bâtiments. «Les employés de la Robin couchaient en haut et mangeaient en bas, dans le réfectoire. Des cook rooms, il y en avait un peu partout autour de la Gaspésie, dans les grands centres de pêche comme Percé ou Paspébiac», indique Jean-Marie Fallu, consultant en patrimoine.

Hameau décimé

Yvan Landry, qui a grandi à Cap-Chat, se souvient des maisons de pêcheur de son village. «Près du quai, il y avait un hameau de pêcheurs qu'on appelait le Petit Canada. C'étaient des maisons assez modestes, plutôt carrées, avec un toit à deux versants, couvertes de bardeaux de cèdre qui devenaient gris avec le temps.» Les maisons étaient entourées d'agrès de pêche, de barges, de vigneaux pour faire sécher la morue et d'une boucanerie.

Malheureusement, au début des années 70, une grande marée a gravement endommagé le hameau. Devant l'ampleur des dégâts, les autorités ont décidé d'exproprier les résidants, et le Petit Canada a été rasé.

Les maisons du Petit Canada ne sont pas les seules à avoir passé sous les bulldozers. Les emplacements qu'elles occupaient, sur le bord de l'eau, étaient recherchés.

«Au début des années 70, il en restait quelques-uns, utilisés par des pêcheurs âgés qui ne pouvaient pas se résigner à abandonner leur métier. Et quelques-unes ont pu survivre aux pics des démolisseurs constructeurs de chalets», note M. Gauthier.

En Haute-Gaspésie, les villages de Ruisseau-à-Rebours et de Tourelle comptent encore quelques-unes de ces maisons, en planches verticales et toit de bardeaux.

Et la disparition de la pêche artisanale a contribué à l'abandon de ces abris, souligne M. Mimeault. «À partir du moment où on passe à la pêche industrielle, le pêcheur n'a plus besoin d'être à côté de son lieu de pêche. Il part une semaine, et revient avec de grosses quantités.»

M. Landry tient à souligner que ces maisons appartiennent maintenant au folklore. «Pendant longtemps, être pêcheur était une activité extrêmement humble. Tandis qu'aujourd'hui, sans rouler sur l'or, les pêcheurs sont pas mal plus à l'aise.» À tel point que pour un Gaspésien, en 2006, une «maison de crabier» est devenue synonyme de maison cossue...