Les mois de mai et de juin ont parfois été pénibles pour la plupart des Québécois affectés par des semaines de pluie persistante. Ils l'ont été encore plus pour Alexandre Thibodeau, Marie-Ève Cloutier et leurs proches, trempés jusqu'aux os dans un chantier boueux et parfois impraticable.

Les mois de mai et de juin ont parfois été pénibles pour la plupart des Québécois affectés par des semaines de pluie persistante. Ils l'ont été encore plus pour Alexandre Thibodeau, Marie-Ève Cloutier et leurs proches, trempés jusqu'aux os dans un chantier boueux et parfois impraticable.

«Vous voyez cette pente? demande Alexandre en désignant le flanc de la montagne du doigt. Quand il pleut, l'eau ruisselle tellement sur le roc qu'on a l'impression de se trouver dans une petite rivière aux abords de la maison. Ça complique le travail!»

«Au bout de quelques jours de pluie, il y a de la boue partout ici, ajoute Marie-Ève. Les autos s'enlisent et ça devient vraiment décourageant.»

Il a beau pleuvoir, ils ne peuvent pas repousser les étapes jusqu'à l'assèchement du sol. Alexandre profite de son congé parental pour construire sa maison. Cet automne au plus tard, il retourne au travail et la famille montréalaise déménage à Bolton-Ouest, dans les Cantons de l'Est.

Une maison se dressera bientôt sur ce terrain où il n'y avait rien au printemps.

C'est ainsi que sous la pluie froide, Alexandre, appuyé de son ami Frédéric Gauld, a passé trois semaines à monter les coffrages de la maison. «C'était un vrai mal de tête, lance d'emblée le jeune bachelier en architecture. Les coffrages qu'il est possible de louer ne sont pas aussi résistants que ceux qu'utilisent les professionnels, alors on les a renforcés.»

Un travail monumental. Alexandre avait prévu une semaine pour compléter cette étape, mais au bout de sept jours, il s'est ravisé: il lui faudrait une semaine supplémentaire. Il aura finalement planché trois semaines sur les coffrages.

Pour y arriver, le jeune autoconstructeur a dû se résoudre à acheter du bois neuf. Le bois de grange recyclé qu'il a acquis d'un producteur local ne suffisait pas. Il se promet toutefois de réutiliser ces planches et madriers dans l'une des prochaines étapes, quitte à enlever un à un tous les clous.

Du béton vert

Une fois les coffrages bien en place, il ne restait plus qu'à couler le béton. Une étape simple pour n'importe quel entrepreneur, mais pas quand on vise une homologation LEED (Leadership in Energy and Environmental Design).

La certification, qui relève du US Green Building Council, demande que le propriétaire suive le plus fidèlement possible une charte de construction exhaustive. Chaque critère écologique considéré donne des points, et le total déterminera si le projet obtient une certification ou pas.

Mais voilà que d'après le ministère des Ressources naturelles du Canada, une tonne de béton conventionnel entraîne la production d'un poids équivalent en gaz à effet de serre. Alexandre Thibodeau devait donc trouver une solution de rechange. Il s'est tourné vers le béton ternaire.

Ce béton contient des résidus industriels comme des cendres volantes et de la fumée de silice. Ces déchets de production du ciment prenaient le chemin du dépotoir jusqu'à ce que des scientifiques constatent non seulement que leur récupération était bénéfique pour l'environnement, mais qu'ils renforçaient le béton.

Les murs de la maison d'Alexandre contiennent 20% de ces résidus. Par contre, pour pomper le béton jusqu'au flanc de la montagne où se dressera la future maison, il a dû faire appel à deux camions. «Bien sûr, ce n'est pas très écologique de faire appel à deux gros camions en provenance de Sherbrooke pour faire le travail, admet Alexandre. Par contre, si je n'avais pas opté pour ce type de sous-sol, ma maison aurait perdu davantage de chaleur. C'est un choix que j'assume très bien.»

Debout sur les fondations de sa maison et profitant des rares rayons de soleil du mois de juin, Alexandre Thibodeau n'a qu'une hésitation. Peut-être aurait-il dû investir 4000 et payer un entrepreneur pour faire les coffrages et le béton. Il aurait certainement gagné du temps. Considérant les moyens limités avec lesquels il travaille, il philosophe et se dit que c'était la meilleure solution et qu'au moins, il a appris de cette expérience.

À la dure, mais il a tout de même appris.

Dans les prochaines semaines, il érigera la charpente de la maison avec du bois de grange recyclé et façonnera les murs avec des ballots de paille. «À l'intérieur, nous allons garder les poutres apparentes, précise l'autoconstructeur. En utilisant du bois recyclé, on aura l'impression que même si c'est une nouvelle construction, notre maison aura une âme. Elle aura déjà du vécu.»

EN ROUTE VERS UNE MAISON LEED

Voici les étapes que doivent franchir Alexandre Thibodeau, Marie-Ève Cloutier et leurs proches avant de pouvoir habiter leur maison et la faire certifier.

> Excaver le sol.

> Construire les coffrages et couler le béton des fondations.

> Construire la charpente avec du bois de grange recyclé et du bois issu de forêts qui ne sont pas menacées.

> Monter les murs de la maison avec des ballots de paille.

> Installer les fenêtres et les réseaux de plomberie et d'électricité.

> Effectuer la finition intérieure et extérieure.

> Compléter la toiture-terrasse.

> Poursuivre les démarches en vue d'une certification LEED.

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Pour suivre les péripéties d'Alexandre et Marie-Ève: www.maisonleed.ca