Comment jauger la rentabilité d'un duplex?

Comment jauger la rentabilité d'un duplex?

Pour les immeubles locatifs, les investisseurs utilisent certains outils sommaires. Un des plus courants est le multiplicateur de revenus bruts. Il s'agit tout simplement du rapport entre le prix de l'immeuble et ses revenus de location annuels.

Ainsi, un triplex de 330 000 $, dont les loyers totalisent 27 000 $ par année (trois loyers de 750 $), donnerait un multiplicateur de 12,2 (330 000, divisé par 27 000). Plus ce rapport est bas, meilleur est le rendement. «Dans les années 80 et 90, on ne dépassait pas 6», observe François Des Rosiers, professeur de gestion urbaine et immobilière à l'Université Laval.

Cet outil sommaire est moins utile pour le propriétaire occupant d'un duplex, qui doit alors estimer le loyer qu'il serait possible d'obtenir pour le rez-de-chaussée s'il ne l'habitait pas.

François Des Rosiers propose une autre approche. Puisque l'acheteur doit de toute manière se loger, seul l'étage devra répondre à des exigences de rendement. Il s'agit d'accorder au logement de l'étage une portion raisonnable de la valeur totale de la propriété, puis de vérifier si le loyer procure des bénéfices correspondant à cette charge supplémentaire.

Autre variante suggérée par le planificateur financier Éric Brassard: évaluer le prix d'une unifamiliale dans le même secteur. Combien de plus faut-il investir pour obtenir un logement à l'étage? «Si on considère que de toute façon on aurait acheté une maison, le capital qu'on ajoute pour avoir un revenu n'est pas si élevé», soutient-il.

François Des Rosiers a fait l'exercice.

Vous payez un duplex 350 000 $. Vous octroyez à l'étage une valeur de 120 000 $. Le loyer est de 1000 $ par mois. Retirons 30 % pour les frais d'entretien, taxes, assurances, etc. Les revenus nets sont donc de 700 $ par mois, soit 8400 $ par année. Par rapport à une valeur de 120 000 $, ces bénéfices de 8400 $ procurent un rendement de 7 %, calcule-t-il.

Pour obtenir un rendement de 9 %- une valeur ni trop basse ni trop élevée en temps normal, estime François Des Rosiers-, la valeur du logement ne devrait pas excéder 93 300 $.

Pour obtenir le taux de rendement final, il faut encore y ajouter le gain en capital, mais au moment de l'achat, l'accroissement de valeur de cette propriété est une inconnue.

«Dans le cas d'un investisseur-occupant, la mesure du rendement n'est qu'indicative car la situation est complètement différente de celle d'un investisseur pur, commente M. Des Rosiers. Le proprio-occupant ne cherche pas à maximiser le rendement, mais à réduire son fardeau hypothécaire et, éventuellement, à obtenir des revenus d'appoint et une plus-value à la revente. Un mauvais achat serait d'acquérir un plex dont les espaces en location ne génèrent pas suffisamment de revenus nets pour amortir le coût de l'emprunt additionnel contracté à cette fin.»

Attention aux frais

Lorsqu'on considère l'achat d'un duplex, on comparera les revenus de location au prix d'achat. Mais attention, de ces revenus doivent être soustraits toutes les dépenses que nécessitera la possession de cet étage supplémentaire. Il faut compter avec la portion des taxes foncières relatives à l'étage. Même calcul pour les assurances.

On doit prévoir une réserve pour l'entretien courant et les réparations importantes. Enfin, il faut prévoir des pertes occasionnelles pour les mauvaises créances ou l'inoccupation du logement.

Tous ces facteurs peuvent correspondre en moyenne à 25 à 30 % des revenus bruts, selon François Des Rosiers, de l'Université Laval.

Outre les incertitudes du marché immobilier, le futur propriétaire de duplex ne doit pas négliger les dépenses en efforts, en temps et en anxiété. Marie-Hélène Legault, conseillère budgétaire à Acef de l'Est et copropriétaire d'un duplex, peut en témoigner. «C'est une deuxième job, confie-t-elle. Ton voisin est également ton locataire. Il faut entretenir de bonnes relations avec lui.» En plus d'entretenir son logement. «Il reste que c'est moins cher qu'une unifamiliale», précise-t-elle.

Hausse de loyer: éternel dilemme

Le duplex est bien situé, bien entretenu. La locataire de longue date est soigneuse et d'une exemplaire discrétion. Seul inconvénient, le loyer est inversement proportionnel à la fidélité de cette brave dame.

«On ne peut pas travailler avec des ratios de rendement dans les duplex, indique l'agente immobilière Huguette Canuel. Les locataires sont souvent des personnes âgées qui y habitent depuis aussi longtemps que les propriétaires. On voit encore des loyers à 500 $ alors qu'ils sont à 850 $ dans le marché.»

«Si le revenu locatif est beaucoup trop bas par rapport au marché, je ne recommanderai pas l'achat, avise le courtier spécialisé en immeubles locatifs Louise Roy.»

«Le propriétaire ne peut pas faire n'importe quoi par rapport à l'augmentation du loyer. Ça peut prendre plusieurs années avant de rattraper le marché.»

L'ajustement annuel du loyer est négocié entre le propriétaire et le locataire. Si un désaccord s'installe, le propriétaire peut en référer à la Régie du logement. Celle-ci formulera alors ses recommandations en fonction de l'augmentation du coût de la vie et de certains biens et services, notamment l'énergie.

Ainsi, pour la période qui débutera après le 1er avril 2006, la Régie propose les ajustements suivants:

- 1,1 % pour les logements chauffés à l'électricité;

- 1,6 % pour les logements chauffés au gaz;

- 4,3 % pour les logements chauffés au mazout;

- 0,9 % pour les logements non chauffés.

Ces ajustements moyens sont valables dans l'hypothèse d'un gel de l'impôt foncier, et dans la mesure où aucun travail majeur n'a été effectué dans l'immeuble.

Comme on l'a vu, l'augmentation de loyer est moins prononcée quand le locataire y demeure longtemps. C'est la prime au bon locataire.

Le propriétaire profitera plutôt d'un changement de locataire pour appliquer des hausses plus substantielles. Les associations de protection des locataires recommandent d'ailleurs au locataire qui quitte son logement de laisser une copie de son bail à son successeur, pour que celui-ci puisse contester, preuve à l'appui, une hausse qu'il jugerait abusive.

On trouvera sur le site Internet de la Régie du logement un formulaire de calcul de l'ajustement du loyer, de même qu'un outil interactif pour effectuer ce calcul en ligne: www.rdl.gouv.qc.ca.

Quand la mise fonds cause problème

Un des obstacles à l'achat d'un duplex ou d'un triplex a traditionnellement été la mise de fonds, supérieure à celle d'une unifamiliale. Jusqu'à tout récemment, l'assurance prêt hypothécaire permettait d'acheter une résidence unifamiliale avec une mise de fonds de 5 %, alors qu'il fallait 7,5 % pour un duplex et 10 % pour un immeuble de trois ou quatre logements. Depuis mai 2005, la SCHL a cependant abaissé à 5 % la mise de fonds minimale pour l'achat d'un duplex (statu quo pour les autres plex).

L'obstacle n'est pas insurmontable: avec un seuil de 5 %, l'acheteur qui paie un duplex 120 000 $ de plus qu'une unifamiliale devra débourser un supplément de 6000 $ en mise de fonds.

Pourtant, pour la majorité des duplex vendus par l'agent immobilier Huguette Canuel, dans le quartier Nouveau-Rosemont, la mise de fonds des acheteurs atteint ou dépasse les 25 %. «Ce ne sont pas des premiers acheteurs, signale-t-elle. Ce sont des deuxièmes ou troisièmes acheteurs. S'il s'agit d'un premier achat, c'est parce que les parents ont fourni la mise de fonds.»

Un marché en équilibre

Le prix des plex se maintient fermement. En 2005, le prix moyen a atteint 292 000 $ dans la grande région de Montréal, en hausse de 11 % sur 2004. «Les prix ont augmenté plus rapidement que dans les unifamiliales et les condos, observe l'analyste de marché David L'Heureux, de la SCHL. Les plex constituent encore le marché le plus serré.»

En 2006, cependant, il prévoit une hausse de 5 % du prix moyen des plex dans la région du Grand Montréal - sous la barre des 10 % pour la première fois depuis 2001. Les unifamiliales et les condos devraient pour leur part connaître des croissances respectives de 4 % et 2 %.

David L'Heureux n'entrevoit pas de baisse de prix prochaine, ni de bulle spéculative proche de l'éclatement.

Unifamiliale ou duplex?

Un petit immeuble à Laval, dans le quartier Saint-Vincent-de-Paul. On demande 354 000 $ pour cette propriété de 5300 pi2. Le loyer du 51/2 de l'étage s'élève pour l'instant à 700 $. Un logement de trois pièces, chauffé, est aménagé au sous-sol, pour lequel l'occupant actuel paie 500 $.

Dans le même secteur, des maisons unifamiliales, bâties dans les années 60 sur des terrains de 4500 à 6500 pi2, sont présentement proposées entre 230 000 $ et 290 000 $.

Accordons les deux tiers de la valeur du plex au propriétaire occupant, soit 236 000 $ - ce qui correspond à la limite inférieure de la fourchette de prix des unifamiliales. Reste 118 000 $ pour les parties locatives. Avec une mise de fonds de 10 % (12 000 $), un taux d'intérêt de 6,45 % et un amortissement de 20 ans, la mensualité hypothécaire attribuable aux parties locatives atteint 799 $.

Des revenus mensuels de location de 1200 $, soustrayons 30 % pour les dépenses - impôts fonciers, entretien et réparation, vacance, assurances. Il reste 840 $ par mois - un excédent de 40 $ sur la mensualité hypothécaire de 799 $. Pour les parties locatives, l'acheteur obtiendrait donc un surplus de 480 $ par année des revenus nets sur les versements hypothécaires.

La partie locative se paie seule - mais tout juste. «Une légère hausse du taux d'intérêt pourrait transformer ce léger surplus en déficit et obliger le proprio à assumer ses dettes d'investissement à même ses revenus d'emploi», prévient François Des Rosiers.

Par contre, après 20 ans, une fois l'hypothèque remboursée, les revenus de location nets tomberont directement dans la poche du propriétaire. Au surplus, le propriétaire possédera un étage dont la valeur, avec un peu de chance, aura crû plus vite que l'inflation. Tout cela avec un investissement de 12 000 $ pour les parties locatives.

Ces mêmes 12 000 $, investis plutôt à 6 %, aurait produit après 20 ans un capital de 38 000 $.

PETIT IMMEUBLE OU UNIFAMILIALE?

Dilemme dans le quartier Saint-Vincent-de-Paul, à Laval

- Prix des unifamiliales en vente dans le quartier : 230 000 $ à 290 000 $

- Prix de l'immeuble à logements ciblé : 354 000 $

- Valeur accordée à la part du propriétaire (2/3 du prix total) : - (236 000 $)

- Valeur accordée aux parties locatives : = 118 000 $

- Mise de fonds correspondant aux parties locatives (10 %) : 11 800 $

- Hypothèque sur les parties locatives (6,45 %, 20 ans, assurance prêt hyp. incluse) : 108 300 $

- Paiement hypothécaire des parties locatives (799 $ par mois) : 9 600 $

- Revenus de location (étage 700 $, studio sous-sol 500 $) : - 14 400 $

- Dépenses (estimées à 30 % des revenus de location) : taxes foncières, entretien et réparation, vacance et mauvaises créances, assurances : = 4 320 $

- Revenus nets : = 10 080 $

- Encaisse nette annuelle (excédent des revenus nets sur le paiement hypothécaire) : 480 $

- Rendement de l'encaisse nette par rapport à la mise de fonds : 4%