Personne d'autre que ceux qui sont invités ne peut pénétrer dans cette forteresse. François n'est pas dans une prison à sécurité maximale, mais habite plutôt dans une des nombreuses communautés fermées de la Floride.

Personne d'autre que ceux qui sont invités ne peut pénétrer dans cette forteresse. François n'est pas dans une prison à sécurité maximale, mais habite plutôt dans une des nombreuses communautés fermées de la Floride.

Ces concepts d'habitation sont en progression fulgurante aux États-Unis depuis plusieurs années, notamment dans l'État de la Floride. Les résidants se regroupent dans ce qu'on appelle des gated communities où les mesures de sécurité sont très imposantes. Ce phénomène a commencé à faire son apparition au Canada anglais, mais pas encore au Québec. Et il ne semble pas qu'on verra ce type de complexe résidentiel de sitôt dans la province.

«Au Québec, les gens veulent des espaces ouverts sans clôture ni barrière», indique Jacques Vincent, un des présidents du Groupe Prével. La compagnie a créé un concept d'habitation réservé aux 50 ans et plus à Brossard, près du fleuve Saint-Laurent.

Avant de mettre au point leur concept, M. Vincent et ses associés ont mené une vaste consultation auprès de leur clientèle cible.

«Nous avons visité des gated communities aux États-Unis et ensuite, un consultant a effectué une étude pour trouver des moyens d'adapter ce concept au Québec», explique M. Vincent. Prével a par la suite organisé des groupes de discussions pour tester son projet et la réaction a été unanime. «On s'est fait dire que ça ne fonctionnerait pas ici. On a donc éliminé plusieurs éléments de sécurité et réduit le volet animation, indique M. Vincent. Les gens ne voulaient pas se sentir forcés de faire des activités comme dans un Club Med.»

Le Village Liberté sur berges propose plutôt une maison clé en main avec un style de vie reposant dans un environnement de villégiature.

C'est ce type de vie en communauté qui semble plaire aux Québécois qui recherchent un environnement privilégié où ils peuvent se regrouper avec des gens qui ont les mêmes intérêts qu'eux.

«Les Québécois semblent davantage intéressés à trouver un ensemble résidentiel qui leur plaît plutôt qu'à se soucier en premier lieu de la sécurité», indique Anne-Marie Séguin, chercheure à l'INRS Urbanisation, culture et société à Montréal. Elle mène d'ailleurs une étude sur les pratiques qui s'apparentent aux gated communities dans les nouveaux développements résidentiels à Montréal. Son hypothèse est la suivante: certains éléments sont empruntés à ce concept américain, mais ils sont adaptés au style de vie des Québécois.

«Nous n'avons pas l'impression que ce concept pourrait être implanté ici tel quel car les gens ne ressentent pas un besoin de sécurité aussi grand que celui ressenti aux États-Unis», indique la chercheure, qui en est au tout début de ses recherches sur le sujet.

Haute surveillance

La sécurité est bel et bien le motif qui a poussé François McKinnon à aller vivre dans une communauté fermée de Floride. Ce Québécois d'origine installé aux États-Unis depuis plus de 20 ans voulait le meilleur pour sa famille lorsque sa femme est tombée enceinte. Et comme M. McKinnon est expert en sécurité et surveillance, ses exigences étaient élevées.

«J'ai cherché pendant un an et demi avant de trouver la maison», indique-t-il. Lui et sa petite famille habitent à Weston, une gated community située à une trentaine de kilomètres de Fort Lauderdale, en Floride.

La maison de François McKinnon en Floride. (Photo fournie par François McKinnon)

Il y a une seule entrée pour la ville et tout le monde, y compris les résidants, doivent franchir une barrière de sécurité et s'identifier. «Si tu n'es pas invité, tu ne rentreras jamais», dit François McKinnon, qui affirme qu'aucun crime violent ou vol n'a été commis à Weston depuis qu'il y a emménagé en 2002.

«La barrière et la sécurité sont des facteurs qui font fuir les criminels. Ils vont privilégier les endroits faciles d'accès», indique le spécialiste en sécurité. En plus des clôtures qui encerclent la communauté, Weston a son propre service de police qui patrouille les rues le jour comme le soir et toutes les maisons sont cachées derrière des haies de 12 pieds de haut.

Mais on n'a pas l'impression d'être en prison, affirme François McKinnon. «Quand on arrive ici, on se sent tranquille. On décroche du travail et c'est comme si on était en vacances», lance-t-il. Le seul problème: des alligators viennent leur rendre visite de temps à autre...

Ce sont surtout des familles qui habitent cette ville de plus de 5000 habitants où tout le monde semble se connaître et apprécier cette vie de communauté.

C'est sur cette philosophie qu'a tablé le Groupe Prével pour faire la promotion de son concept d'habitation. «Nous avons beaucoup de personnes seules, des femmes notamment, qui recherchent de la compagnie et une certaine sécurité», indique Jacques Vincent.

Les 145 unités du projet se sont plutôt bien vendues, mais peut-être pas aussi rondement que le groupe le croyait.

«On est content du résultat, mais il a fallu beaucoup d'investissement et prendre des risques pour y arriver, indique M. Vincent. On ne relancera pas de projet comme celui-là tout de suite. Il faut que plusieurs éléments soient réunis et il faudrait trouver un site exceptionnel à prix abordable, ce qui n'est pas très commun ces temps-ci.»

Anne-Marie Séguin se questionne pour sa part sur les enjeux soulevés par la création de quartiers résidentiels fermés. En Amérique latine, où elle a étudié le phénomène, on a constaté une fracture sociale et également du tissu urbain. La ville, lieu public de libre-échange et de brassage intergénérationnel, est remise en question. «Mais la solidarité sociale, très présente au Québec, ne sera pas écartée de sitôt», indique la chercheure.

Pour François McKinnon, la communauté fermée de Weston représente le paradis sur terre. «On a la paix et on n'a pas à se soucier de notre sécurité en tout temps. On se sent comme des stars, personne ne vient nous déranger», soutient-il.

De nombreuses vedettes habitent d'ailleurs dans ce type de communauté où seuls les initiés au compte de banque bien rempli peuvent s'installer. Star Island, une île construite dans la baie Biscayne, en Floride, en 1922, abrite les résidences de Gloria Estefan, Rosie O'Donnell, Sean «P. Diddy» Combs et du joueur de basketball Shaquille O'Neal, pour n'en nommer que quelques-uns.

«Je les comprends, lance François McKinnon. Je ne déménagerais pour rien au monde!»