L'évangéliste Matthieu les tenait sûrement en haute estime puisqu'il soutenait que « Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n'avait jamais été vêtu comme eux ». Le saint homme parlait alors du glaïeul ou lis des champs, comme on l'appelait à l'époque, une plante que l'on cueillait à l'état sauvage depuis des lunes.

De la grande famille des iris, les glaïeuls nous viennent d'un peu partout en Europe, du bassin de la Méditerranée jusqu'à la nordique Estonie, en faisant un long détour par l'Afrique du Sud. Ce sont d'ailleurs les espèces sud-africaines qui nous ont donné la plupart des cultivars modernes, des fleurs aux coloris diversifiés, souvent extravagants, de quoi rendre jaloux le grand Salomon.

Le hic, c'est que les glaïeuls ont beaucoup perdu de leur popularité au cours des récentes années, comme c'est aussi le cas de la plupart des bulbes tendres qu'il faut déterrer l'automne afin de les entreposer durant la saison froide. Pourtant, on en vendait des quantités industrielles il n'y a pas très longtemps. Plusieurs personnes d'un certain âge les associent aussi à la mortalité puisque la fleur se retrouvait souvent dans les salons funéraires.

« Aujourd'hui, les amateurs de jardinage délaissent les bulbes tendres pour ceux qui sont rustiques. Ils n'ont plus le temps ou ne veulent plus se donner la peine de les déterrer en fin de saison, explique André Jasmin, de la Pépinière Jasmin, à Saint-Laurent, plus grand détaillant de bulbes du Québec. D'ailleurs, les conditions d'entreposage hivernal sont souvent inadéquates, nos sous-sols de maison étant beaucoup trop chauffés pour permettre une bonne conservation. »

L'automne et le printemps

Par contre, au cours des dernières années, en raison probablement des hivers plus cléments et des périodes de croissance estivales plus longues, plusieurs plantes bulbeuses fragiles parviennent à résister aux températures hivernales. Certains glaïeuls vont même refleurir quelques années de suite. Mais si on veut vraiment profiter de la fleur de saint Matthieu, vaut mieux planter des glaïeuls rustiques.

Ils sont malheureusement peu connus et parfois difficiles à trouver, même si le grossiste qui vend sous la marque Simple Pleasures en offre deux variétés sur une grande échelle. Le problème, c'est qu'à la période de floraison, comme en ce moment, les cormes de glaïeuls rustiques ne sont plus offerts sur le marché. Ils se vendent surtout au printemps ou à l'automne. (Dans ce cas, on parle de corme, la racine servant de réserves n'ayant pas la même structure que celle d'un bulbe de tulipe, par exemple.)

Les plus faciles à dénicher sont Gladiolus byzantinus, une espèce originaire du bassin méditerranéen et qui aurait été introduite sur le marché en... 1629. Son coloris va du rose foncé au pourpre. Le second est un cultivar aux origines incertaines du nom d'« Atom » de couleur rouge mais aux pétales bordés de jaune. Tous deux atteignent autour de 60 cm, exigent le plein soleil et, évidemment, un sol bien drainé. Ils sont rustiques en zone 4, du moins s'il y a un bon couvert de neige.

Mon préféré, celui que je cultive depuis déjà quelques années au jardin sans protection hivernale, est Gladiolus imbricatus, originaire d'Europe, notamment de l'Estonie. En vente depuis de nombreuses années, il atteint autour de 80 cm, ses fleurs sont roses et comme chez les autres glaïeuls, la floraison dure de deux à trois semaines, toujours en commençant par les fleurs d'en bas. Il apprécie le plein soleil, mais chez moi, il a aussi fleuri sans peine en milieu mi-ombragé.

Ces glaïeuls rustiques possèdent des fleurs simples et n'ont rien de l'exubérance des cultivars modernes (on en compte plus de 10 000) aux pétales innombrables. Si bien qu'ils n'ont habituellement pas besoin d'être tuteurés.

Encore une fois, même durant la période de vente, les cormes de ces espèces restent rares. Pourquoi ne pas réserver les vôtres ou manifester votre intérêt à votre centre de jardin? D'ailleurs, les propriétaires de ces centres devraient se donner la peine de les vendre en pot, lorsqu'ils sont en fleurs, comme on le fait souvent avec les crocosmias. On se les arracherait...

Glaive végétal

Si l'Évangile s'attarde sur l'aspect esthétique du glaïeul, le terme latin gladiolus utilisé depuis des siècles a une connotation moins poétique. Il signifie « glaive », l'arme préférée des gladiateurs, une allusion à ses feuilles effilées et pointues.

Photo: Pierre Gingras

L'anemonella «Oscar Schoaf» fleurit durant un mois.

Un bijou unique

Il en existe une seule espèce dans le monde et un seul cultivar connu. Anemonella thalictroides « Oscar Schoaf » est un bijou d'à peine une dizaine de centimètres et qui, avec quelques années de soin et d'amour, devait atteindre une envergure d'au plus 30 cm. D'un beau rose, ses fleurs sont petites mais leurs pétales doubles. Elles rappellent les hépatiques japonaises aux prix faramineux. « Oscar Schoaf » a terminé sa floraison le 26 juin, plus d'un mois après l'apparition de la première fleur.

Originaire de l'est de l'Amérique du Nord, Anemonella thalictroides est très voisine des pigamons (thalictrum) dont elle a hérité un peu du feuillage. Elle aime aussi les endroits ombragés, sous les feuillus, dans un sol qui garde son humidité. L'espèce produit des pétales simples blancs ou rosâtres alors que le cultivar est double.

Évidemment, vous ne trouverez pas d'anemonella en fleurs dans votre centre de jardin actuellement. Il y a fort à parier que la plante n'y est pas en vente non plus. Il faudra chercher pour découvrir le petit trésor. La maison Solo Vivaces de Terrebonne, un producteur qui vend seulement en gros, en offre. À vous d'en aviser votre pépiniériste. Et comme un bijou rare ne se donne jamais, « Oscar Schoaf » se vend de 20 à 25 $ pièce. Mais quelle beauté!l

Parfum de miel

Des jardins, ils en voient tous les jours. Si bien que lorsque les jeunes employés qui font la tonte de mon gazon m'ont posé la question, j'ai été étonné. « Votre fameuse plante qui sent le miel fleurira-t-elle bientôt ? » S'ils avaient oublié son nom, l'étonnant parfum de Crambe cordifolia avait marqué leur mémoire olfactive. Le nuage de miel, comme nous avions titré la chronique sur le sujet il y a deux ans, flotte sur la platebande depuis une dizaine de jours. Une odeur délectable qui se répand à des mètres à la ronde, une plante hors du commun, plutôt gigantesque, aux inflorescences minuscules mais innombrables.

Crambe cordifolia répond à plusieurs noms : crambe du Caucase, chou géant, gysophile géant, crambe à feuilles de coeur. La plante n'est pas vendue partout et il faut avoir de l'espace pour l'installer au jardin, en arrière-plan car ses feuilles atteignent souvent 50 cm de largeur. Le crambe mesure un mètre auquel vous ajoutez un autre mètre ou presque pour la hampe florale. Vivace en zone 4, il fleurit durant trois bonnes semaines.

Photo: Pierre Gingras

Crambe cordifolia en fleurs le 20 juin. À droite, quelques érémurus qui atteignent tout près de deux mètres.